Caractéristiques
- Titre : Isn't It Romantic
- Réalisateur(s) : Todd Strauss-Schulson
- Avec : Rebel Wilson, Adam Levine, Liam Hemsworth, Priyanka Chopra, Betty Gilpin, Jennifer Saunders...
- Distributeur : Netflix
- Genre : Comédie romantique
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 1h29
- Date de sortie : 28 février 2019
- Note du critique : 6/10 par 1 critique
Netflix détourne la comédie romantique avec entrain
Etrangement sorti fin février plutôt qu’au moment de la pourtant très appropriée Saint-Valentin, Isn’t It Romantic est la nouveauté Netflix qui promet de cartonner auprès des fans de comédies romantiques. Le pitch ? Natalie (Rebel Wilson), une jeune architecte sarcastique mais mal dans sa peau, se retrouve plongée dans un véritable univers de romcom après avoir été assommée par un voyou. Elle qui critiquait tant ces films irréalistes aux clichés éculés va devoir s’adapter à cette nouvelle vie lisse et colorée à souhait où tout semble lui sourire.
Vous l’aurez compris, c’est donc sur le principe de la parodie que repose le film de Todd Strauss-Schulson, qui s’en donne à cœur joie pour citer les classiques du genre, tout en déclinant leurs motifs avec une inspiration souvent jubilatoire. Malgré son principe qui se veut subversif et dans le ton d’un I Feel Pretty, Isn’t It Romantic est bel et bien une œuvre destinée aux amateurs de comédies romantiques, avec une attention toute particulière portée à la spectatrice de 30 à 35 ans ayant grandi avec les films de Julia Roberts, mais aussi des oeuvres des années 2000 comme 30 ans sinon rien ou Mamma Mia. Cela est flagrant non seulement par les références très orientées, mais aussi le soundtrack, qui fait la part belle aux tubes des années 90-2000, de Madonna à Whitney Houston en passant par « Kiss Me » de Six Pence None the Richer et « A Thousand Miles » de Vanessa Carlton.
Des références jubilatoires aux classiques du genre
Une telle accumulation aurait pu s’avérer indigeste, mais, heureusement, il n’en est rien. C’est même tout l’inverse car les clins d’oeil ne se retrouvent pas uniquement dans les dialogues (très bien écrits), mais également dans les décors ou à travers les situations. Les connaisseurs reconnaîtront avec d’autant plus de bonheur les hommages à leurs films préférés qu’ils sont intégrés de manière très drôle.
On peut par exemple citer la scène où le personnage d’ambassadrice de yoga interprété par Priyanka Chopra reprend la réplique culte de Julia Roberts dans Coup de foudre à Notting Hill : « Ce que je te demande, c’est si un garçon comme toi pourrait envisager de sortir avec une fille comme moi ? » . Dans le classique de Roger Michell, l’actrice au sourire radieux incarnait une star du cinéma et s’adressait au très charmant Hugh Grant, censé jouer un banal libraire. Ici, le personnage d’Isabella tombe sous le charme de Josh (Adam Levine), un jeune homme autrement plus ordinaire, et le décalage fait ressortir de manière tordante l’artificialité du ressort narratif.
Pour le reste, difficile de cataloguer toutes les références aux comédies romantiques célèbres tant elles sont nombreuses : Betty Gilpin se lance dans une imitation d’Emily Blunt dans Le diable s’habille en Prada, Natalie se retrouve avec le dressing de Carrie Bradshaw dans Sex & the City 2 et a droit à une balade romantique dans New York comme dans Il était une fois, Josh est goinfre comme le Joey de Friends et, évidemment, notre héroïne se retrouve dans une dimension parallèle comme dans 30 ans sinon rien avec Jennifer Garner.
Qui aime bien châtie bien
Le plus concluant dans cette approche est de voir les motifs récurrents des films romantiques repris de manière tellement poussée qu’ils en paraissent irrésistiblement absurdes : New York n’est que cupcakes et odeur de lavande, le beau gosse de service tombe amoureux de Natalie au premier regard, le meilleur ami gay n’a littéralement aucune existence propre… Le tout est même traversé de quelques fulgurances, comme lorsqu’on passe directement du premier baiser au lendemain matin, une ellipse prise au premier degré (les amants n’ont rien fait) qui frustre terriblement Natalie. L’héroïne ne se retrouve en effet pas dans un univers ressemblant à une comédie romantique, mais littéralement à l’intérieur d’une comédie romantique, comme si elle avait traversé l’écran. Un parti pris qui répond à cette courte ouverture dans laquelle on la voit regarder Pretty Woman enfant.
Surtout, on sent que le film a été conçu avec un véritable amour du genre, malgré les piques qu’il lui envoie, et les acteurs semblent s’amuser comme des fous, notamment Liam Hemsworth (Monsieur Miley Cyrus), très à l’aise dans le rôle du prince charmant businessman inconscient de son propre ridicule.
Le service de streaming reste consensuel dans le fond
Pourtant, tout cela ne suffit pas à faire de Isn’t It Romantic une œuvre subversive. Comme c’était déjà le cas avec le récent Dumplin’, Netflix est trop attaché aux bons sentiments pour cela. Ainsi, avant même que Rebel Wilson ne passe « de l’autre côté », on voit très bien où le film va aller. Il ne va pas tellement s’agir pour Natalie de survivre en milieu « hostile », mais plutôt d’apprendre à s’aimer pour arriver à voir ce collègue tellement fou amoureux d’elle qu’elle n’avait rien vu. On ne spoile pas, non : on le voit, en tout honnêteté, dans les 5 premières minutes, de manière très évidente.
Et c’est là que se trouve le paradoxe de cette nouvelle production Netflix : tout en ciblant prioritairement les trentenaires, il semble s’adresser dans le fond à des adolescentes. Et Natalie, qui commence par résister à toutes les bonnes choses qui lui arrivent — métaphore de ce qui lui arrive en vrai mais qu’elle est incapable d’apprécier car trop « fermée » — finira par se comporter comme un véritable personnage de comédie romantique. C’est ouvertement assumé (on vous laisse découvrir à quel film rend hommage la seconde partie du récit), bien réalisé, mais finalement très consensuel, avec une morale placardée plutôt que subtilement distillée. Le message sous-jacent peut également paraître un peu douteux, puisqu’au final, c’est parce-qu’elle n’a pas confiance en son charme que l’héroïne toute en rondeurs n’aime pas les comédies romantiques. On pourra aussi regretter quelques facilités au niveau des personnages pour clore le récit. Bon point en revanche : la « réhabilitation » du meilleur ami gay (incarné par Brandon Scott Jones), pas si no life que ça finalement, et qui passe du cliché sur patte au confident révélant quelque chose de plus authentique et touchant.
Néanmoins, malgré cette réserve de fond, avouons-le : si l’on aime (ouvertement ou en cachette) les films du genre, Isn’t It Romantic ressemble à un bonbon sucré et réconfortant qu’on aurait bien tort de bouder, d’autant plus que ses bons moments sont nombreux et que plusieurs numéros musicaux au kitsch assumé sont de la partie, notamment lors du final réunissant tout le casting. Rebel Wilson et Liam Hemsworth s’amusent visiblement beaucoup et nous entraînent dans un univers bigarré où les rebondissements les plus improbables ne sont jamais à l’abri de se produire. On en ressort avec une furieuse envie… de regarder des comédies romantiques, à commencer par une petite rétrospective de la filmographie de Julia Roberts. Un plaisir pas si coupable que ça.