[Critique] Le Daim : une farce absurde

Caractéristiques

  • Réalisateur(s) : Quentin Dupieux
  • Avec : Jean Dujardin, Adèle Haenel, Youssef Hajdi, Albert Delpy, Julia Faure
  • Distributeur : Diaphana
  • Genre : Comédie
  • Pays : France
  • Durée : 77 minutes
  • Date de sortie : 19 juin 2019
  • Note du critique : 7/10

Quentin Dupieux, le retour

image critique le daim
Dans Le Daim, Jean Dujardin évolue comme un poisson dans l’eau.

 

Un nouveau film de Quentin Dupieux est toujours un événement, tant le réalisateur possède un univers singulier. Le Daim n’échappe pas à ce constat. Adepte du non-sens en petit format (la plupart de ses films ne dépassant pas 1h20), le personnage du metteur (alias Mr Oizo) intrigue, et questionne souvent davantage que ses propres réalisations. À tel point, d’ailleurs, qu’on se demande d’où lui viennent ses inspirations. Qui d’autre que lui pouvait souhaiter filmer la frénésie meurtrière d’un pneu aux pouvoirs psychokinétiques, comme dans Rubber ? Ou fragmenter la réalité de sa narration, quitte à perdre complètement le spectateur, comme dans Réalité ? Dans l’hexagone en tout cas, personne n’ose faire ce que Quentin Dupieux propose, et cela sans jamais se préoccuper, semble-t-il, que pas grand monde comprenne la finalité de son cinéma.

Il faut, pour retrouver ce degré d’absurde, remonter carrément aux Monty Python. Et encore : même ces derniers gardaient davantage à l’esprit que, pour faire vibrer le spectateur, il fallait pour le moins conserver une certaine structure narrative. Le réalisateur, lui, semble s’en ficher complètement, que ce soit dans Wrong ou Au Poste, même si pour cela il doit briser le quatrième mur. Une spécialité de Quentin Dupieux, qui le rapproche également des Monty Python. Curieusement, et sans trahir ses habitudes, on pourrait en conséquence considérer Le Daim comme un film plutôt sage et plus accessible que ses prédécesseurs.

Un écrin pour Dujardin

La principale raison de ce ressenti, c’est l’histoire du Daim. Elle se focalise presque exclusivement sur le personnage de Georges, incarné par un Jean Dujardin familier de ce genre de rôle décalé. Ainsi on évite de devoir s’identifier à un objet inanimé, comme un pneu ou de devoir subir la folie de trop d’individus, à l’image de ce qu’il se passe dans Wrong Cops. Cela simplifie ainsi l’intrigue, pour le bien du long métrage. Néanmoins, Georges reste un personnage s’inscrivant parfaitement dans l’univers de Quentin Dupieux : le personnage se révèle lunaire, fou voire parfois carrément crétin. Il suffit d’observer son expression abâtardie lorsqu’il acquière le blouson 100% daim de ses rêves, après avoir tout plaqué pour l’obtenir, que ce soit son travail ou sa vie de famille (ou son ancienne veste qu’il a tenté d’évacuer par les toilettes d’une station service).

Constituant le début de son obsession, Georges va lentement basculer dans la schizophrénie et, de mensonges en mensonges, verser dans le délire criminel afin de satisfaire les besoins du daim. Lequel voudrait devenir le seul blouson au monde (!). Entraînant dans sa quête la jeune et naïve Denise (Adèle Haenel), jeune serveuse du seul bar du coin, et monteuse à temps perdu, qui va l’aider à produire un film bidon que Georges prétend réaliser, afin de lui extorquer de l’argent. Une idée méta bienvenue, constituant un film dans le film et qui est source de pas mal de notes d’humour. Plus rusée qu’elle n’y paraît de prime abord (et plus folle peut-être aussi), le personnage de Denise est un pendant intéressant à celui de Jean Dujardin, l’alchimie entre les deux fonctionnant très bien à l’écran.

Une fable morale

Le blouson n’étant que la première étape de la métamorphose de Georges, l’intrigue, entre deux homicides, s’amuse à nous montrer le personnage compléter sa panoplie 100% daim jusqu’à se transformer, sans que l’on sache pourquoi, l’animal qu’il souhaite devenir (insistant à chaque fois devant un miroir sur la classe qu’il pense dégager). Si bien sûr, l’illogisme règne en maitre dans ce long métrage la morale de sa conclusion apporte néanmoins une véritable cohérence à une fable sur un homme qui, à force de vouloir être un daim, finira par subir les conséquences de ses actes et de son obsession. Alors que le cinéma de Quentin Dupieux reste toujours aussi cryptique, Le Daim représente sans doute l’une de ses œuvres les plus accessibles au grand public. Elle est se révèle, donc, plus apte à être appréciée pour ce qu’elle est : une farce absurde à laquelle il ne faut pas trop chercher de logique mais amusante dont on ressort plutôt satisfait.

Article écrit par

Depuis toujours, je perçois le cinéma, certes comme un art et un divertissement, mais aussi et surtout comme une porte vers l'imaginaire et la création. On pourrait dire en ce sens que je partage la vision qu'en avait Georges Méliès. Avec le temps, de nombreux genres ont émergé, souvent représentatifs de leurs époques respectives et les bons films comme les mauvais deviennent ainsi les témoins de nos rêves, nos craintes ou nos désirs. J'ai fait des études de lettres et occupé divers emplois qui jamais ne m'ont éloigné de ma passion. Actuellement, sous le pseudonyme de Mark Wayne (en hommage à l'acteur John Wayne et au personnage de fiction Bruce Wayne alias Batman), je rédige des critiques pour le site "Culturellement Vôtre". Très exigeant dans ma notation des films, en particulier concernant le scénario car c'est la base sur lequel aucun bon film ne peut émerger s'il est bancal ou pour le moins en contradiction avec son sujet. Je conserve une certaine nostalgie d'une époque qui me semble (pour l'instant) révolue où le cinéma ne se faisait pas à base de remakes, intrigues photocopiées et bien-pensance. Néanmoins, rien n'entame mon amour du cinéma, et chaque film que je regarde me le rappelle, car bons ou mauvais, ils restent le reflet de notre époque.

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