[Test] Moons of Madness : Lovecraft oui, mais sur Mars

Caractéristiques

    Test effectué sur :
      • PlayStation 4
      Existe aussi sur :
    • Xbox One
    • PC
  • Développeur : Rock Pocket Games
  • Editeur : Funcom
  • Date de sortie : 24 mars 2020
  • Acheter : Cliquez ici
  • Note : 6/10

Moons of Madness mise tout sur son ambiance

image gameplay moons of madness
Moons of Madness nous projette sur Mars.

Lovecraft et le jeu vidéo, c’est décidément une véritable histoire d’amour. Et ce n’est pas Moons of Madness qui nous contredira. Nombreux sont les jeux à avoir récemment tenté d’allier l’œuvre du prodigieux écrivain de Providence et les codes vidéoludiques. Mais, étrangement, ce mariage n’a pas toujours été couronné de succès. Parmi les récents essais, on retrouve Call of Cthulhu, The Sinking City, ou encore Lovecraft’s Untold Stories, des softs qui se diffèrent dans le genre abordé (respectivement l’aventure, l’open world et l’action) mais aussi dans la qualité intrinsèque. Bref, ce n’est pas toujours simple de rendre compte de l’indicible à l’écran, et c’est aussi le cas au cinéma, donc dans les cultures de l’image. Pourtant, Rock Pocket Games et son éditeur Funcom tentent le coup, et le réussit en partie.

Moons of Madness s’ouvre avec une phase cauchemardesque, avant que le réel ne revienne au galop. Et ce réel est science-fictionnel. En effet, vous incarnez Shane Newehart, un ingénieur qui fait partie d’une mission sur Mars, au sein de la station Trailblazer Alpha. Intelligemment, le récit laisse l’ambiance s’installer, dans le but de faire naitre l’effroi plutôt que de le provoquer par du jump scare certes efficace mais totalement à l’opposé de l’atmosphère des écrits de Lovecraft. On lit des mails échangés par l’équipage, on mène à bien des missions de réparation notamment sur des panneaux solaires… et l’on compose avec des rêves pour le moins alarmants. Tout ce postulat fonctionne très bien dans la première moitié du récit, un peu moins dans la seconde, qui a tendance à trop faire appel à la lecture de documents (tous traduits en français, c’est à souligner). On vous conseille d’ailleurs d’essayer de ne pas louper une seule note, vous passeriez presque à coup sûr à côté d’un élément de la narration. Sachez aussi que le titre contient des clins d’œil à The Secret World, un MMORPG édité par… Funcom.

Le jeu se déroule entièrement à la première personne, afin de nous projeter en première ligne des événements décrits. Et ne comptez sur aucun moyen pour vous défendre, juste une lampe torche afin d’éclairer des environnements parfois plongés dans une obscurité saisissante. Moons of Madness pose un bon univers, c’est aussi grâce à un ennemi convaincant, et là encore très pertinent dans une production qui se réclame de Lovecraft. Les tentacules sont donc de sortie, et elles vous feront frémir à certains instants… du moins si vous êtes du genre à ne pas voir venir des scripts. C’est ici l’une des retenues que l’on peut émettre : certains passages nous ont paru pas spécialement déjà vus mais surtout téléphonées. On enchaine un peu trop les phases de puzzle et celles dans des couloirs qui, sans grande surprise, sont surtout pensés pour faire surgir le danger au détour d’une porte. La seconde moitié du jeu va même parfois faire usage du jump scare, évité jusqu’alors et pas très efficace. Il manque donc de cette sauvagerie de l’alerte, cette impression implacable qu’elle peut se déclarer n’importe quand, comme on l’a vécu dans un Resident Evil 7 par exemple.

Grosse emphase sur les puzzles

image test moons of madness
L’ambiance du soft est très travaillée.

Cette impression nuancée est moins à l’œuvre dans les phases de casse-tête. C’est même l’un des bons points de ce soft : il parvient non seulement à faire fumer les méninges, mais aussi à justifier ces séquences. Aucune ne parait gratuite, toutes font suite à une action. Par exemple, au début de l’aventure, on se rend compte qu’un collègue semble apprécier de jouer avec les batteries de certaines machines. On se rendra compte que la folie l’assaille. Pour vous aider à vous y retrouver, l’avatar porte un bioscope, un outil technologique capable de scanner l’environnement, donc de trouver des indices. Notons aussi que les développeurs de Moons of Madness ont cherché à ne pas minimiser l’importance de l’oxygène. Vous devrez souvent enfiler des combinaisons pour sortir sur le sol de Mars, et avoir recours aux recharges afin de ne pas mourir lamentablement étouffé. Ces éléments démontrent une volonté de soigner les détails, ce qui ne fait qu’ajouter de la force à cette ambiance décidément star du titre.

Tout cela fait que Moons of Madness se trouvera bel et bien un public d’amateurs de récits effrayants, mais surtout basés sur l’ambiance qui s’en dégage. C’est, selon nous, une condition essentielle : si vous n’êtes pas sensibles à son atmosphère, alors ses qualités passeront en arrière plan. Et là, vous verrez gros comme une maison la construction parfois très walking simulator du titre. Une faille qui, de plus, se voit soulignée par une démarche de l’avatar un peu trop lente. Mais nous insistons : si le genre vous séduit, alors vous n’y ferez guère attention, et vous atteindrez la fin sans soucis. Le final, justement, pointe le bout de sa tentacule au bout de six heures de jeu. Comme nous avons beaucoup buté sur certaines énigmes, on peut préciser que cela pourra être un peu moins si vous êtes du genre à ne tout résoudre en un clin d’œil. Sachez que la rejouabilité n’est pas très travaillée, et ce malgré deux fins à la clé, mais basées sur un choix en toute fin de parcours.

Côté technique, Moons of Madness s’en tire plutôt bien, pour ce genre de production bien entendu. Non, les textures ne sont pas les plus précises qu’on ait vu jusqu’ici, et l’on remarque aussi une tendance à la luisance. Mais, là encore, des éléments nous font écrire que le jeu se sort tout de même d’un mauvais pas, principalement grâce à une direction artistique soignée, des environnements détaillés, et une belle intelligence dans la désolation progressive des lieux. La station va connaître bien des changements, soyez-en certains. Enfin, les musiques et le sound design, tous deux signés Simon Poole (déjà à l’œuvre sur The Secret World, ce qui fait une passerelle de plus entre les deux jeux), ont une grande part de responsabilité dans l’ambiance flippante du titre. Les compositions savent se fondre dans les situations, et l’on remarque une bonne spatialisation des bruitages. Enfin, le doublage s’avère soigné, c’est toujours un plus non négligeable.

Note : 13/20

Moons of Madness doit certes composer avec certains accrocs, mais il n’en reste pas moins que le résultat plaira aux amateurs de jeux qui privilégient l’atmosphère à l’action. Oui, les phases mouvementées paraissent trop scriptées, les textures luisent, et la démarche de l’avatar est trop lente. Mais on apprécie tout de même ce bon travail sur l’ambiance, qui cherche à privilégier l’effroi au jump scare, même si ce dernier est parfois utilisé. On apprécie aussi la lecture des documents, tous traduits en français, lesquels construisent un univers solide, palpable. Même si attention, il faudra vraiment s’y atteler, sous peine de louper pas mal d’éléments scénaristiques. Si la deuxième moitié du titre nous laisse moins de bons souvenirs, il faut tout de même appuyer sur un récit qui a su nous emporter, et même nous faire flipper. C’est bien là l’essentiel.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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