[Test] Balan Wonderworld : un bon platformer 3D nostalgique

Caractéristiques

    Test effectué sur :
      • PlayStation 5
      Existe aussi sur :
    • Xbox One
    • Nintendo Switch
    • PlayStation 4
    • PC
    • Xbox Series X/S
  • Titre : Balan Wonderworld
  • Développeur : Balan Company
  • Editeur : Square Enix
  • Date de sortie : 26 mars 2021
  • Acheter : Cliquez ici
  • Note : 7/10

Balan Wonderworld s’adresse aux nostalgiques de la Dreamcast

image test balan wonderworld

Si l’on vous dit Shigeru Miyamoto, Hideo Kojima, ou même Shinji Mikami, sans nul doute que la plupart des lecteurs pourront y associer leurs licences-phares (mais si, aller, et l’on ne vous fera pas l’affront de vous livrer la solution). Par contre, si l’on écrit le nom de Yuji Naka, on est moins sûr de notre coup. Et pourtant, ce japonais est une grande, très grande figure du jeu vidéo : c’est à lui que l’on doit la mascotte de Sega, Sonic. Celui qui fut aussi lead programmer sur Phantasy Star, et directeur de la Sonic Team, aura connu une trajectoire clairement atypique, faite de départs, de retours, et finalement d’une arrivée chez l’un des éditeurs les plus importants, Square Enix. Annoncé un peu en catimini, lors d’un pré-show dont on a déjà oublié le contenu, Balan Wonderworld signe donc le grand retour du monsieur aux affaires, après quelques années de vaches maigres ludiques.

Yuji Naka, c’est aussi le très (trop ?) culte Nights Into Dreams. Si l’on cite l’un des hits de la Saturn, c’est parce que l’esprit de Balan Wonderworld fait de suite penser au héros de ce soft. Les parallèles sont nombreux, mais uniquement dans l’atmosphère dégagée par le scénario : on a droit à deux avatars (un garçon et une fille, lesquels ont comme différence un prologue et un épilogue qui leur est propre), et Balan a le gout de la virevolte poétique. Les deux titres ont aussi en commun cette envie de s’adresser à un public large, grâce à une histoire simple et axée sur une moralité idéalement exprimée. Vos enfants pourront donc y jouer sans que vous n’ayez crainte d’effusions de violences totalement hors de propos. Ils suivront donc des pérégrinations épurées au maximum de tout texte (ils sont très rares, et sous-titrés en français), dans un monde imaginaire appelé Wonderworld au sein duquel ils pourront agir sur l’état d’esprit de différentes personnes du monde réel. Par exemple, un fermier qui n’en peut plus de faire face aux intempéries, ou un pompier paniqué à l’idée de faire face au feu. Une douzaine de cas vous attendent, tous correspondant à un monde différent.

L’histoire de Balan Wonderland est d’une légèreté de bon ton, vivifiante à l’heure où le jeu vidéo se fait de plus en plus sérieux, voire tristounet. Cette bouffée d’air frais ne doit cependant pas faire oublier ce qui a très certainement servi de socle à Yuji Naka lors du développement : une sorte de nostalgie pour un genre aujourd’hui en manque d’itérations. Le platformer 3D n’est malheureusement plus en odeur de sainteté, et le traitement de ce jeu dans pas mal de médias témoigne de ce malaise. On va l’écrire tout de go : on a lu des choses absolument impensables depuis quelques jours, il paraît donc nécessaire de remettre certaines pendules à l’heure, d’autant plus pour un soft qui veut en créer une (on n’ira pas plus loin dans, c’est l’un des mystères du soft). Avant toute chose, il faut bien avoir à l’esprit que ce titre ne cherche pas à révolutionner le genre, mais à lui témoigner une tendresse certes parfois maladroite, mais indiscutablement sincère.

Un jeu qui cultive le mystère avec habileté

image gameplay balan wonderworld

Les premiers instants passés dans Balan Wonderworld sont assez exemplaires, tant ils installent avec jusqu’au-boutisme l’esprit du jeu. Que vous ayez choisi Emma ou Leo, les deux avatars disponibles, vous débuterez sur une île flottante aussi verdoyante que l’environnement est vide. Cela a d’ailleurs fait frémir plus d’un joueur à l’occasion d’une démo maladroite : voilà une expérience qui ne peut être résumé à ce commencement abrupte. En plus, notre personnage n’est pas des plus souples, on sent bien que ce ne sera pas lui qui viendra à bout des dangers. C’est donc très abrupt… mais c’est surtout un choix sciemment fomenté. L’endroit, véritable hub que vous rejoindrez entre deux niveaux, va se développer au fur et à mesure. Non seulement avec des mondes qui apparaîtront en récupérant des statuettes planquées au sein des niveaux, mais aussi avec les très adorables Tims. Vous allez voir cette île se développer, notamment avec la possibilité de nourrir les bêbêtes ou voir se construire une étrange horloge, et proposer des mystères qui méritent d’être résolus sans qu’on ne vous en dise trop à leur sujet.

Balan Wonderworld, c’est l’exact inverse de ce qu’on en a dit sur la démo, et l’on est un peu en rogne contre l’avis général qui, visiblement vexé de s’être fourvoyé sur cet essai, ne s’est pas remis en cause. Sur le socle d’une prise en mains très simple, le seul bouton Croix vous servira pour l’action, le soft brode avec une générosité peut-être même parfois trop décomplexée. Tout le principe de l’expérience s’appuie sur le principe des costumes : si l’avatar n’a aucun pouvoir, il va pouvoir en récupérer en se transformant de quatre-vingt façons. Oui, quatre-vingt formes, récupérables en farfouillant dans les niveaux. C’est énorme. Alors qu’on se lance dans le premier monde, on se rend compte par exemple que certaines plates-formes sont bien trop éloignées pour un simple saut. On ira donc trouver le costume adéquat (le Bongourou, pour commencer), à déverrouiller en récupérant une clé généralement non loin. Ensuite, il ne vous reste plus qu’à passer d’une forme à l’autre (jusqu’à trois à la fois) en pressant une gâchette. Plus simple et efficace, ça n’existe pas.

On pourra cependant regretter quelques choix. Avant d’aller plus loin, si l’on utilise ce mot, « choix », ce n’est pas anodin. En effet Balan Wonderworld est un pur jeu d’auteur, et à un point qui nous a grandement surpris. Comme toute œuvre liée à la vision de son seul réalisateur, on pourra donc trouver à y redire, c’est une constante dans ce genre de production (cinéma, jeu vidéo, même combat à ce niveau). La première chose est, paradoxalement, un point positif pour votre humble serviteur : le soft ne vous prend pas par la main. C’est sans aucun doute ce qui lui assure une véritable fronde dans certains autres médias : Yuji Naka ne vous mâche pas le morceau. Pas de tutoriel, pas d’indices trop appuyés, pas de crottes de pigeon pour vous indiquer une falaise à escalader. Et que ça fait du bien, mais que ça fait du bien ! Cela aura aussi comme effet d’énerver les habitués au radar et au GPS, qui seront tout étonné de voir une fonction aussi essentielle que la sélection du costume être planquée de la sorte. D’ailleurs, on ne vous dit rien, découvrez par vous-même ! Voilà une véritable marque de nostalgie, qui nous rapporte bien plus à l’époque de la Dreamcast qu’à celle des films interactifs de Naughty Dog, ou aux ersatz à peine ludiques d’Ubisoft.

Mais tout de même, on aurait aimé avoir au moins un codex constamment dans le menu de pause, histoire d’avoir en tête les différentes transformations disponibles. Pour se faire, il faudra donc rejoindre la sélection du costume, au sein des niveaux, c’est donc impossible depuis l’ïle des Tims. Aussi, Balan Wonderworld se plante un peu avec un système des vies risquant de rebuter, à la longue. En effet, chacune des transformations ne sera sélectionnable dans le trio que si vous en avez stocké assez. Quand vous vous faites toucher par un ennemi, ou quand vous tombez dans le vide, vous perdez donc le costume en cours d’utilisation. Il faudra donc penser à passer du temps à les trouver dans les niveaux, à les accumuler, du moins pour ceux qui vous semblent indispensables. D’ailleurs, voici notre sélection idéale : Hélifleur qui permet de planer lentement, Cerglagla dont la spécificité est non seulement de marcher dans le vide mais aussi d’aller un peu plus haut à chaque pas, et Poulpicasso dont la compensation de l’absence de saut par le jet de projectiles puissants est indispensables dans les combats contre les ennemis.

Une grosse générosité dans le contenu

image square enix balan wonderworld

Oui, certaines des transformations ne permettent pas de sauter. Dans un jeu de plates-formes. On a une pensée pour les drama queens qui, de facto, en font un défaut : ils prouvent à cette occasion qu’ils ne sont rien de plus que le témoignage d’une époque qui ne cherche plus l’originalité, la prise de risque, mais la répétition ad nauseam de règles qui ne demandent, pourtant, qu’à être transgressées. La base de l’art, mais bref, avec eux on en serait encore à peindre des mammouths au fond des grottes, de peur de proposer autre chose. Balan Wonderworld veut rendre sa feature principale indispensable, il fallait donc imposer le principe du choix, du recours à la sélection. Cela tombe sous le sens, mais il est aussi évident que cela alourdit aussi l’expérience dans son rythme. Surtout que l’animation du changement de costume aurait pu se faire plus rapide. Mais cette nécessité de passer de l’un à l’autre implique aussi le caractère très Metroidvania de l’ensemble, très satisfaisante quand on aime partir dans la collectionnite aigüe. Ainsi, on reviendra vers des précédents niveaux avec Visiosinge afin de mieux voir les statuettes, ou avec Tractolièvre pour pousser des blocs spéciaux. Le but étant, comme dans un Super Mario 64, de récupérer tout ce qui a de récupérable, et de viser un 100% récompensé d’une belle surprise.

La parallèle avec Super Mario 64 doit cependant s’arrêter à la chasse aux statuettes. Le level design, par exemple, se fait tout à fait différent, et c’est ici une autre des qualités qui se doit d’être soulignée. Balan Wonderworld a été taxé de linéaire, ce qui est une approximation démoniaque. Avoir tort à ce point, c’est abracadabrantesque. Bien entendu, on débute un niveau par une entrée, pour le quitter par une sortie, bravo les champions, c’est l’histoire du jeu vidéo et ce même dans n’importe quel open world. Tout a un début, et une fin, mais faisons avancer le schmilblick. Ici, les différents stages se pensent comme une multitudes d’endroits aptes à être explorés. Vous pouvez très bien foncer vers la fin des environnements en n’en ayant pas vu la moitié. C’est très agréable d’ailleurs, car le soft peut aussi être « cassé » grâce à des costumes permettant des actions sans doute non-pensées par les développeurs. Une sorte de gameplay émergent donc, comme par exemple avec cet endroit atteignable en déclenchant une explosion, laquelle fait tomber un pont. Eh bien, si vous avez les bon costumes, vous pourrez prendre de la hauteur, puis flotter jusqu’à la prochaine plate-forme. On apprécie beaucoup cette liberté d’action, qui pousse aussi à l’imagination.

On passe consciemment sur quelques détails, tant il nous paraît indispensable de laisser une dose de mystère à un jeu s’appuyant beaucoup sur ce dernier. Sachez simplement qu’on pourra aussi se lancer dans des mini-jeux (tir de pénalty, baseball, bowling etc), et l’on a droit à des phases où l’on suit l’action très « dragonballienne » de Balan, avec du QTE dont la réussite parfaite est récompensée d’une statue. Tout cela s’ajoute aux douze mondes, chacun comprenant deux niveaux. Et sachez que terminer l’aventure ouvre du gros, très gros contenu bonus. Vous pouvez donc être assuré d’une durée de vie bien solide. Enfin, la technique de Balan Wonderworld est sans doute plus sujette à controverse. La version PlayStation 5 est à la fois fluide et très propre dans ses textures, par contre on a relevé quelques bugs d’affichage. Mais le plus gênant reste cette caméra, la plupart de temps efficiente mais qui a du mal dans les petits espaces. La direction artistique, elle, ne surprendra pas les amateurs des travaux de Naoto Oshima (qui a travaillé avec Yuji Naka sur Sonic et Nights). On est parfois à la limite du shitty friends, cela manque peut-être un peu de liant dans les décors. Mais, alors que l’industrie s’enferme dans des représentations de plus en plus réalistes, ce genre de trip halluciné rappelant l’époque Dreamcast met du baume au cœur. Musicalement, c’est du tout bon, même si là encore on a un peu l’impression que ça part un peu dans tous les sens, avec des nappes parfois si surprenantes qu’elles peuvent rentrer en contradiction avec l’action.

Note : 14/20

Balan Wonderworld a tout du bon titre malheureusement incompris. Platformer 3D à la sauce Metroidvania, très généreux dans son contenu, le soft signé Yuji Naka se révèle comme un pur jeu d’auteur : il fait des choix difficiles, parfois en contradiction avec l’attente des joueurs. Si ce genre de production faisait mouche à une époque où le public aimait se laisser surprendre, aujourd’hui il est plus difficile de contenter des gens résumant l’expérience de la plate-forme à Mario. Du coup, on peut aussi assurer que le titre séduira les nostalgiques, ceux qui n’en revenaient pas de découvrir des mécaniques et autres détails après avoir pensé faire le tour de la question. Reste que tout n’est pas rose non plus, notamment à cause d’une caméra capricieuse, et d’une direction artistique qui ne manquera pas de cliver. Mais tout de même, il est évident que l’on est là face à une œuvre dont le fun se doit d’être découvert par celles et ceux qui aiment sortir des sentiers battus.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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