Caractéristiques
- Titre : Le discours
- Réalisateur(s) : Laurent Tirard
- Avec : Benjamin Lavernhe, Kyan Khojandi, Sara Giraudeau, Julia Piaton, François Morel et Guilaine Londez.
- Distributeur : Le Pacte
- Genre : Comédie
- Pays : France
- Durée : 88 minutes
- Date de sortie : 9 juin 2021
- Note du critique : 7/10 par 1 critique
Tirard dans le tas
Adrien est coincé à un dîner de famille où son père répète toujours la même anecdote, sa mère ressert le sempiternel gigot et Sophie, sa sœur, roucoule avec un futur mari qu’elle compare à Einstein. Alors il patiente en attendant que son ex, Sonia, réponde à son SMS pour mettre un terme à la pause qu’elle lui fait subir depuis un mois, en vain.
Cerise sur le gâteau, son futur beau-frère lui demande de faire un discours au mariage. L’angoisse vire à la panique pour Adrien qui pourtant tient peut-être sa chance de tout arranger…
Le réalisateur Laurent Tirard confirme une nouvelle fois, avec Le Discours, que c’est dans les petites comédies que son talent s’affirme pleinement. Hormis le regrettable « accident » que fut Astérix et Obélix : au Service secret de sa Majesté, il ne cesse de réaliser (et scénariser) des métrages où l’humour et l’émotion sonnent souvent juste. Que ce soit par le biais du cynisme (Le Retour du Héros) ou de l’enfance (Le Petit Nicolas), le cinéma de Laurent Tirard fleure souvent bon la nostalgie des petites comédies d’antan. En adoptant Le Discours de Fabcaro à l’écran, il revient aux bases de son cinéma, tout en innovant sur son univers visuel.
Un discours au rythme soutenu
Comme souvent dans les films de Laurent Tirard, la durée du Discours est courte (moins d’1h30) ce qui constitue un avantage vu la difficulté d’adapter un roman aussi abstrait. Le réalisateur peut ainsi synthétiser ou au contraire relier certains éléments de l’œuvre d’origine pour leur apporter une véritable cohérence narrative à l’écran. Sur une durée plus longue, le rythme en aurait pâti mais là, jamais le spectre de l’ennui ne montre le bout de son nez. Si certaines séquences ou dialogues sont inégaux, l’ensemble est suffisamment bien écrit et sympathique pour ne pas nous laisser le temps de décrocher.
Le scénario, quant à lui, n’est qu’un prétexte pour engendrer des situations et dialogues cocasses, ce qui n’est pas un mal en soi.
D’amusants clichés
Évidemment dans ce genre de métrage, l’interprétation se doit d’être au cordeau, car l’essentiel de la structure narrative repose sur ses acteurs et les personnages qu’ils composent. Benjamin Lavernhe dans le rôle d’Adrien s’en tire avec honneur en apportant une certaine tendresse à un protagoniste névrosé qui aurait pu virer facilement à l’antipathie. Une ambiguïté se généralisant d’ailleurs à l’ensemble du casting, qui compose avec justesse des individus souvent attachants, mais qui s’avèrent volontairement tellement caricaturaux qu’ils peuvent vite devenir agaçants.
Heureusement, le positif finit souvent par l’emporter grâce à des compositions subtiles, qui parviennent par l’humour et l’émotion à élever des personnages au départ désincarnés.
Un univers fantasmagorique
C’est certainement sur ce dernier point que l’on ressent le mieux tout le plaisir que Laurent Tirard a pu trouver en adaptant Le Discours de Fabcaro. Il multiplie les trouvailles de mise en scène afin de donner vie aux pensées chaotiques qui fourmillent dans la tête d’Adrien. Il développe de simples anecdotes dans le roman ou au contraire sacrifie de longs passages, mais toujours dans le but de donner une cohérence visuelle et narrative à l’ensemble. Que ce soit le pion de Puissance 4 qui roule pour représenter le temps qui s’enfuit ou l’allégorie des interprètes des Nations, traduisant les échanges de la famille pendant le dîner, on ne compte plus les trouvailles destinées à sublimer à l’écran la vision pourtant destructurée du roman d’origine.
Une inventivité de tous les instants qui ne peut que ravir les amateurs de comédie à l’ancienne.
Un dîner presque parfait
Finalement, Laurent Tirard nous livre une petite comédie familiale très sympathique, portée par des comédiens investis dans leurs rôles et un univers visuel inventif.
Néanmoins, il est impossible de ne pas penser qu’il manque quelque chose pour que tout soit parfait. Peut-être un zeste de mordant ou de folie. Le héros se veut cynique mais est en réalité désabusé, une sorte de clown triste qui juge et blâme les autres à sa place. Ce manque de jusqu’au boutisme dans la création identitaire du personnage principal et de ses actions le rendent trop lisse et, après une succession de sketchs, semble le conduire sans surprise à la prévisible morale de fin. Un peu plus de « méchanceté » aurait sans doute été bienvenue, mais Le Discours possède dans l’état bien assez de qualités pour assurer le spectacle sans rougir.