Caractéristiques
- Titre : Chaos Walking
- Réalisateur(s) : Doug Liman
- Avec : Tom Holland, Daisy Ridley, Mads Mikkelsen, David Oyelowo, Nick Jonas et Cynthia Erivo
- Distributeur : Metropolitan FilmExport
- Genre : Science fiction, Action
- Pays : Américain
- Durée : 109 minutes
- Date de sortie : 26 juillet 2021 en VOD
- Note du critique : 5/10 par 1 critique
Une adaptation d’une trilogie young adult très critiquée
Adapté d’une trilogie de l’auteur jeunesse/young adult Patrick Ness, Chaos Walking est en réalité l’adaptation du premier tome de sa saga Le chaos en marche, La voix du couteau, paru en 2008. Mis en scène par Doug Liman (Barry Seal -American Traffic) avec Tom Holland (Avengers Endgame) et Daisy Ridley (Star Wars : L’Ascension de Skywalker) dans les rôles principaux, le film a connu une production difficile, entre projections tests catastrophiques et reshoot de plusieurs scènes. Vilipendé par la critique lors de sa sortie aux Etats-Unis, ce film d’action dystopique pour ados sort finalement directement en VOD chez nous. Alors, méritait-il autant de haine ?
Avant de le découvrir, résumons brièvement le pitch de l’intrigue : dans un futur dystopique, suite à la dégradation de l’état de la Terre, les hommes partent coloniser une mystérieuse planète dans l’espoir d’y établir un Nouveau Monde. Malheureusement, ce monde est bien différent de ce qu’ils espéraient. Tous les hommes qui arrivent sur la planète sont atteints du Bruit : toutes leurs pensées et projections mentales sont révélées à tous par un étrange phénomène qui les rend particulièrement vulnérables. Pour éviter que leurs pensées « non filtrées » ne sèment le chaos parmi eux, ils doivent trouver des subterfuges pour masquer leurs pensées intimes les plus gênantes. Nous suivons les aventures de Todd, un jeune homme réfugié avec son père et son oncle dans la petite ville de Prentissville où les colons font face à de rudes conditions. Toutes les femmes ont disparu, exterminées par le peuple de natifs, les Spackles, à l’apparence d’extraterrestres primitifs. La communauté d’hommes est dirigée par David Prentiss (Mads Mikkelsen), surnommé « le maire », un homme à la fois autoritaire et ambivalent auquel le jeune héros est attaché, flatté de l’attention qu’il lui accorde depuis son plus jeune âge. Lorsqu’une jeune fille s’écrase à bord de son vaisseau spatial, seule survivante de son expédition, le maire cherche à s’emparer d’elle. Todd va alors s’enfuir avec elle et tout faire pour la protéger alors qu’elle cherche à entrer en contact avec le vaisseau chargé de la secourir et dont le maire souhaite également prendre le contrôle.
Une réalisation assez élégante pour un résultat mitigé
Si Chaos Walking satisfera sans doute les spectateurs qui avaient apprécié des films comme Divergente ou La 5ème Vague, il frustrera plus probablement ceux qui attendent une dramaturgie plus conséquente d’un film de SF dystopique ou d’une adaptation de Patrick Ness, dont les romans initiatiques (Quelques minutes après minuit, Nous autres simples mortels…) contiennent souvent une forte portée symbolique, mais aussi de l’émotion et pas mal de subtilité. Avec Doug Liman à la réalisation, on aurait pu s’attendre à un film possédant une certaine énergie, mais le résultat, sans être la catastrophe annoncée, est au final assez moyen.
Dans les bons points, on saluera une mise en images qui, à défaut d’être novatrice, est assez élégante et contribue beaucoup à nous maintenir devant l’écran, même lorsque l’ennui commence à pointer le bout de son nez dans la seconde moitié du métrage. On relèvera aussi que la métaphore qui est à la base du concept de la trilogie est rendue de manière compréhensible à l’écran, sans jamais que les scénaristes ne cèdent à la facilité de surexpliquer les éléments de l’intrigue. Patrick Ness étant crédité comme co-scénariste, on suppose que sa participation à l’adaptation de son œuvre a sans doute facilité les choses.
Un concept audacieux, un héros cucul la praline
Le problème, c’est que le film ne va jamais réellement au bout de son propos, sans doute de peur de s’aliéner le spectateur américain moyen (qui avait déjà rejeté l’adaptation ciné d’A la croisée des mondes en 2009 pour des raisons similaires) qui pourrait être échaudé par un récit critiquant l’obscurantisme par le biais de l’endoctrinement religieux. Du coup, le héros adolescent de Chaos Walking est terriblement gentil… et inintéressant. Alors que le principe de l’intrigue était riche en promesses dramatiques (des hommes qui doivent littéralement dissimuler leurs pensées les plus intimes dans un environnement hostile), le jeune Todd possède la psychée d’un bisounours baveux et ses pensées les plus gênantes ne sont que des pensées extatiques et romantiques niveau CM1 sur la jeune fille venue de l’espace, Viola, qui vient de débarquer dans sa vie. Du coup, là où il aurait pu être intéressant de jouer sur l’ambivalence du héros face à la situation, on n’a droit finalement qu’à de pseudos dilemmes adolescents qui parleront bien davantage aux filles qu’aux garçons – c’était sans doute la cible des producteurs, mais le spectateur adulte risque fort de lever régulièrement les yeux au ciel comme le fait le personnage de Daisy Ridley.
Et c’est bien dommage car il y avait une certaine audace à faire d’un adolescent (plutôt qu’une jeune fille comme cela est le cas de la plupart des films du genre) le véritable héros d’une saga young adult. En fin de compte, seuls les hommes étant touchés par ce curieux phénomène de « bruit », le récit entend (ou du moins entendait) explorer ce que cela signifie pour un garçon de devenir un homme dans ce monde violent où beaucoup de pression repose sur leurs épaules et où les femmes, dont ils sont incapables de percer à jour les pensées, sont considérées avec méfiance, voire crainte. Jeune homme partagé entre son père, son oncle et ce « maire » qui essaie de le séduire en jouant les pères d’adoption, Todd aurait réellement pu être un personnage intéressant. Il y avait là un certain nombre de questions qui ne demandaient qu’à être explorées. Comme : comment fera-t-il face à ses craintes et aux pressions de cette société d’hommes ? Et peut-être d’ailleurs était-ce le cas, avant que le retour des projections de presse ne pousse les producteurs à demander à ce que certaines parties ne soient retournées. Ce type de propos au sein d’un film à gros budget destiné aux ados et se voulant mainstream n’est pas forcément facile à tenir alors que les séries permettent finalement plus de liberté de ce côté-là, avec des risques plus limités.
Quoi qu’il en soit, le film de Doug Liman en pâtit forcément, car le résultat est lisse et le twist en milieu de métrage finalement peu surprenant.
Divertissant mais inabouti
A cela, on ajoutera qu’il est dommage, vu la durée du film, que Chaos Walking dévoile l’identité de son méchant bien trop tôt, détruisant ainsi rapidement l’ambiguïté que pouvait posséder le personnage du maire. Côté réalisation et structure narrative, une partie assez conséquente du film consiste à observer Tom Holland marcher devant ou derrière Daisy Ridley à travers bois, en cherchant à lui parler ou en nourrissant des pensées fleurs bleues à son encontre. Cela devient assez répétitif et un brin ennuyeux au bout d’un moment, même si les protagonistes atteindront une autre ville de colons, ce qui dynamisera le récit.
Au final, Chaos Walking demeure un film assez inabouti. Pas mauvais (et même plus sympathique que certains exemples d’adaptations young adult de ces dernières années), mais trop lisse et superficiel en dépit d’une histoire qui possédait un beau potentiel. Visiblement retouché pour correspondre aux attentes d’un public cible, le film de Doug Liman apparaît de manière frustrante comme une simple ébauche de ce qu’il aurait pu être. Le spectacle se laisse regarder et l’on sent que d’importants moyens ont été investis… mais ce chaos en marche s’oubliera néanmoins bien vite.