Caractéristiques
- Titre : Le dernier duel
- Titre original : The Last Duel
- Réalisateur(s) : Ridley Scott
- Avec : Jodie Comer, Adam Driver, Matt Damon et Ben Affleck.
- Distributeur : 20th Century Studios
- Genre : Jodie Comer, Adam Driver, Matt Damon et Ben Affleck.
- Pays : Américain/Britannique
- Durée : 152 minutes
- Date de sortie : 13 octobre 2021
- Note du critique : 8/10 par 1 critique
Ridley Scott revient avec un film d’époque
Nouveau long-métrage de Ridley Scott (Alien : Covenant), tiré d’une histoire vraie d’après l’ouvrage Le Dernier Duel : Paris, 29 décembre 1386 d’Eric Jager, et scénarisé par Matt Damon et Ben Affleck, Le Dernier Duel est un film historique se déroulant au 14ème siècle dans le royaume de France. Le chevalier Jean de Carrouges, de retour après une expédition militaire, retrouve son épouse, Marguerite de Thibouville. Celle-ci accuse l’écuyer Jacques Le Gris, vieil ami du chevalier, de l’avoir violée. L’homme se dit innocent. Un « procès par le combat » est décidé entre le chevalier et l’écuyer, pour déterminer la vérité. Si le mari perd le duel, la femme sera également brûlée vive pour fausse accusation…
Matt Damon, Ben Affleck et Nicole Holofcener ont écrit un scénario à la structure narrative qui pourra en dérouter plus d’un. Le long-métrage est découpé en cinq parties bien distinctes. Les trois premières racontent la même histoire, mais à chaque fois d’un point de vue différent : celui (dans l’ordre chronologique), de Jean de Carrouges, Jacques Le Gris et Marguerite de Thibouville. Alors oui, cela peut paraître bizarre sur le papier, mais en réalité, cela fonctionne très bien.
Les scènes sont interprétées différemment selon le point de vue de la personne et cela est essentiel pour l’histoire, chacun ne voyant pas vraiment le mal qu’il fait ; cela permet également de comprendre comment des incompréhensions naissent entre les personnages en fonction de leurs points de vue. Un procédé très intéressant.
Le comportement des deux hommes, se voyant, eux, comme des hommes droits, n’est évidemment pas exempt de tout reproche. Par ailleurs, il faut remettre l’histoire dans le contexte. La femme, à l’époque, avait des droits limités, qu’elle soit roturière ou noble [la femme au Moyen-Age est un vaste sujet. Pour aller plus loin, nous vous conseillons ce podcast de France Culture, ndlr]. Et certains agissement des hommes font écho à ce que l’on entend dans les médias depuis quelques temps. Ainsi, certains dialogues peuvent faire sourire tellement ils sont archaïques, mais ils renvoient néanmoins à certaines situations actuelles.
Le panneau nous disant quel point de vue nous allons voir va dans ce sens car, pour celui de Marguerite, le mot vérité reste bien à l’écran pour nous faire comprendre que ce qu’elle raconte n’est pas sa vérité, mais le point de vue qui compte vraiment. Il y a quelques défauts dans ces parties, comme des ellipses assez mal gérées au début mais qui sont compréhensibles par rapport à ce qui est raconté ensuite.
Un film historique aux résonnances actuelles
Les deux autres parties se concentrent sur le procès et le duel qui donne son titre au film. Le premier est assez écourté au vu des pratiques de l’époque. Le Roi de France prend sa décision assez vite, mais on retiendra l’interrogatoire de Marguerite par le Clergé, qui là aussi pose des questions bien archaïques, qui sont évidemment là pour montrer l’absurdité de la situation de la femme à l’époque. Même si elles peuvent prêter à rire, elles font aussi réfléchir.
Il faut aussi parler de la place de la foi à cette époque. Elle est bien évidemment importante et toute action d’une personne est guidée ou jugée par la religion. Enfin, le duel annoncé porte toutes ses promesses : il est violent, sanglant et le suspense est à son comble quand on ne connait pas les détails de ce duel judiciaire.
Une bonne réalisation et une Jodie Comer au sommet
Côté réalisation, Ridley Scott fait ce qu’il fait de mieux. La plupart de ses meilleurs longs-métrages (Gladiator, Les Duellistes, Kingdom of Heaven) sont des films historiques et il est évident qu’il sait recréer les environnements de l’époque. D’ailleurs, le film a été tourné en grande partie en France. Il arrive parfaitement à jouer entre les différents points de vue, avec des scènes jouées différemment à chaque fois. Cela peut se jouer sur un regard, une phrase ou un comportement différent.
Il garde une vraie maîtrise d’un bout à l’autre, jusqu’au duel où il se lâche du côté de la violence pour nous montrer ce qu’était un duel à l’époque. Il gère aussi bien le timing comique et des situations qui nous semblent aujourd’hui complètement dépassées. Le montage pose cependant légèrement problème, surtout en ce qui concerne les ellipses dans la première partie consacrée à Jean de Carrouges, où l’on perd la notion du temps. Ce défaut est néanmoins rattrapé par les parties suivantes. La musique de Harry Gregson-Williams est au niveau de sa composition sur Kingdom of Heaven. Peut-être moins forte dans ses thèmes, elle accompagne cependant parfaitement le film. Enfin, il faut aussi noter le soin apporté aux décors, aux costumes et aux coiffures pour nous replonger au 14ème siècle.
Côté casting, Jodie Comer (Free Guy, la série Killing Eve) est magistrale dans le rôle de Marguerite, qui est sûrement sa meilleure interprétation à ce jour, puissante et toute en émotion. Pour Adam Driver (Star Wars : L’Ascension de Skywalker, Paterson) c’est assez bien, en tout cas mieux que ce qu’il nous a proposé dans la saga Star Wars. L’ambiguïté de son personnage, qui se croit dans son bon droit et a été aveuglé par un amour qui n’est pas réciproque, est bien marquée. Le bilan est contrasté pour Matt Damon (Le Mans 66) car il a vraiment du mal à jouer les méchants et du coup, dans certaines scènes, il surjoue. Enfin, Ben Affleck (Zack Snyder’s Justice League) est assez drôle dans le rôle du Comte Pierre II d’Alençon. C’est par son personnage qu’on découvre la frivolité de cette époque.
Le Dernier Duel est un film historique actuel par son propos, qui propose également une bonne reconstitution de l’époque. Surtout, il tire toute sa puissance émotionnelle de l’interprétation de Jodie Comer, qui trouve là son plus beau rôle à ce jour. L’un des meilleurs films de Ridley Scott depuis bien longtemps, à découvrir à tout prix sur grand écran.