Scénariste(s) : Michel Hazanavicius, d'après le scénario de Ryoichi Wada et Shin'ichirô Ueda
Avec : Romain Duris, Bérénice Béjo, Grégory Gadebois, Finnegan Oldfield...
Distributeur : Pan Distribution
Genre : Comédie, Horreur
Pays : France
Durée : 1h50
Date de sortie : 18 mai 2022
Note du critique : 4/10par 1 critique
★★★★★
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Hazanavicius dans l’enfer zombie
Pour ceux qui l’ignorent encore, Coupez ! est la version française d’un film japonais ayant reçu un certain succès critique et public en 2018, et qui s’intitulait Ne coupez pas. L’exercice du métrage consistait à nous montrer un tournage de film d’horreur à petit budget subissant une véritable attaque de zombie, avant d’en découvrir les coulisses. Ce métrage était à la fois complètement barré et un véritable cri d’amour aux films de série Z, ainsi qu’une fine analyse du monde du cinéma et de ses aléas. Lorsque le réalisateur Michel Hazanavicius s’empara du projet, il était déjà clair que l’idée en elle-même était risquée. D’abord, parce que l’original se suffisait parfaitement à lui-même, ensuite parce que ça ne laissait que deux choix possibles : soit tenter de s’en éloigner le plus possible au risque de perdre sa substance, soit le reproduire quasiment plan par plan.
Que ce soit par opportunisme ou par paresse, il semblerait que le choix se soit nettement porté sur la seconde option. Reste néanmoins à savoir si son portage sur nos écrans français parvient au moins à capter l’humour de la première version…
Coupez ! Mais vite…
Pour ce qui est de l’histoire, il va nécessairement y avoir deux écoles avec, d’un côté, ceux qui ont vu la première version Ne coupez pas, et ceux qui ne l’ont pas vue. Pour les premiers, il est clair que Coupez ! ne va pas s’avérer être un spectacle très agréable à regarder. Quant aux autres, il est difficile de leur conseiller de voir cette version en premier lieu, car cela leur gâchera le plaisir de la version japonaise, beaucoup plus drôle et agréable. Bien sûr, comme la plupart des idées sont recyclées, Coupez ! n’est pas foncièrement mauvais, mais la plupart des gags ajoutés tombent à plat, car étirant les originaux de manière inutile ou en ajoutant des lignes de dialogues politisées.
Une des différences majeures avec l’original, c’est que si on était interloqué par le mauvais jeu des acteurs et la pauvreté des décors, l’énergie déployée et la bizarrerie des situations gardaient notre intérêt éveillé, alors que dans cette version, on sent bien que tout est factice, au point que la révélation à mi-film s’avère beaucoup moins surprenante. C’est d’ailleurs curieux que le réalisateur des deux premiers OSS 117 (les deux seuls qui vaillent) n’ait pas su à ce point capter l’énergie et l’humour de la première version.
Dans la seconde partie en revanche, on sent bien les connaissances cinématographiques du réalisateur, qui semble s’amuser à décortiquer l’univers du cinéma. Néanmoins, là encore, on ne peut pas lui apporter tout le crédit, car il repompe allègrement les idées de son modèle en se contentant d’apporter seulement un côté méta lorsqu’il cite le film original et assume ainsi pleinement à son métrage le statut de remake (un point tout de même pour le gag récurrent où on oblige le casting à conserver les noms japonais du script d’origine, alors que tous les acteurs sont caucasiens). Une note d’honnêteté bienvenue, qui rappelle le proverbe faute avouée, faute à moitié pardonnée mais, comme entre les premiers 50 % et le pardon complet certains auront dû payer une place de cinéma pour revoir le même film, ça fait quand même cher la démonstration.
La mort a raté le rendez-vous
Ce qui faisait la magie de la version japonaise était qu’il s’agissait d’un film d’étudiants passionnés bénéficiant d’un petit budget mais débordant d’énergie, et qui racontait les ficelles d’un film Z avec justement les moyens proportionnels. Le film Coupez !, paradoxalement, est budgété à 4 millions d’euros et certainement parce qu’il n’a pas su s’émanciper suffisamment de son modèle, en a rapporté moitié moins. Cette ironie peut s’expliquer par le fait que la première version respectait le genre qu’elle décrivait et évitait de le prendre de haut, alors que dans celle de Michel Hazanavicius, on s’est emparé de la trame tout en étirant inutilement plusieurs situations (dont celles mettant en scène sa propre fille, malheureusement terriblement tête à claque dans le film) ou en essayant d’analyser ou expliquer pratiquement tout à haute voix. Et cela sans respecter spécifiquement le genre, tout en accomplissant la prouesse de rendre la majeure partie de ses personnages totalement insipides (à l’exception de Romain Duris, qui livre une vraie composition, même si celle-ci n’égale pas celle de son homologue japonais).
Le plus drôle étant qu’à la fin du métrage, une ligne de dialogue précise qu’il faut éviter de prendre le spectateur pour un con et que le cynisme n’a pas sa place sur un tournage. Curieux étant donné que c’est sans doute ce qui transpire le plus de celui-ci…
Z……..comme Z
Évidemment, Coupez ! possède des qualités, mais des qualités qu’on ne peut pas vraiment lui prêter dans la mesure où il est un remake presque plan par plan et, qui plus est, un remake beaucoup moins sympathique et frais que l’original. Tous les éléments sont là, mais sans âme. Il n’y a pas la jubilation, la truculence et l’innocence naïve mise en scène par les étudiants de la première version. Tout semble être passé à la moulinette d’un studio qui se sent obligé d’enfouir toute cette fraîcheur sous des couches d’explications au sein de situations étirées, avec un zeste de politiquement correct. Une nouvelle preuve que l’ industrie occidentale a complètement perdu le sens du vrai cinéma, au point de négliger ses propres fondamentaux.
Ceux qui n’ont pas encore vu la version japonaise pourront se laisser convaincre, mais il est conseillé de voir cette dernière en premier, d’abord pour le plaisir, ensuite pour faire la comparaison qui, à notre sens, explique la faible note de Coupez !.
Depuis toujours, je perçois le cinéma, certes comme un art et un divertissement, mais aussi et surtout comme une porte vers l'imaginaire et la création. On pourrait dire en ce sens que je partage la vision qu'en avait Georges Méliès.
Avec le temps, de nombreux genres ont émergé, souvent représentatifs de leurs époques respectives et les bons films comme les mauvais deviennent ainsi les témoins de nos rêves, nos craintes ou nos désirs.
J'ai fait des études de lettres et occupé divers emplois qui jamais ne m'ont éloigné de ma passion. Actuellement, sous le pseudonyme de Mark Wayne (en hommage à l'acteur John Wayne et au personnage de fiction Bruce Wayne alias Batman), je rédige des critiques pour le site "Culturellement Vôtre".
Très exigeant dans ma notation des films, en particulier concernant le scénario car c'est la base sur lequel aucun bon film ne peut émerger s'il est bancal ou pour le moins en contradiction avec son sujet.
Je conserve une certaine nostalgie d'une époque qui me semble (pour l'instant) révolue où le cinéma ne se faisait pas à base de remakes, intrigues photocopiées et bien-pensance. Néanmoins, rien n'entame mon amour du cinéma, et chaque film que je regarde me le rappelle, car bons ou mauvais, ils restent le reflet de notre époque.
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