Caractéristiques
- Titre : Emily
- Réalisateur(s) : Frances O'Connor
- Scénariste(s) : Frances O'Connor
- Avec : Emma Mackey, Alexandra Dowling, Fionn Whitehead, Oliver Jackson-Cohen...
- Distributeur : Wild Bunch Distribution
- Genre : Biopic, Historique
- Pays : Grande-Bretagne
- Durée : 130 minutes
- Date de sortie : 15 mars 2023
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- Note du critique : 8/10 par 1 critique
Un biopic qui fait écho aux Hauts de Hurlevent
Premier long-métrage écrit et réalisé par Frances O’Connor et biopic semi-romancé sur l’autrice Emily Brontë, Emily imagine le parcours initiatique de cette jeune femme rebelle et marginale, qui la mènera à écrire son chef-d’œuvre Les Hauts de Hurlevent.
Les Hauts de Hurlevent est un chef d’œuvre de la littérature anglaise. Malheureusement, celui-ci sera l’unique roman de son autrice. Emily raconte donc l’histoire d’Emily Brontë. Un choix classique mais risqué pour un premier long-métrage. L’actrice Frances O’Connor devient ici scénariste et réalisatrice. Son scénario nous entraîne donc dans la vie d’Emily et nous raconte comment lui est venue l’idée du roman qui l’a rendue célèbre, à travers ses différentes relations. Il est important de noter que le film prend de ce côté-là certaines libertés avec la réalité ou, du moins, imagine des éléments en réalité inconnus des biographes.
Des thèmes bien développés
Nous commençons avec les relations qu’elle entretient avec ses sœurs. Si avec Anne tout se passe plutôt bien, avec Charlotte, ce n’est pas le cas. Cette dernière voit en Emily une personne bizarre et elle essaye de prendre le dessus sur elle pour la faire changer. A travers ces rapports de force, les deux sœurs vont apprendre l’une de l’autre, mais pas de la plus belle des manières… La relation avec son frère Bran est assez différente. On voit clairement qu’ils ont un certaine affinité tous les deux, mais celui-ci aura une influence néfaste sur Emily de bien des façons – à commencer par le recours à l’opium. Cette dernière prendra comme modèle son frère pour l’un des personnages principaux de son livre, et sa mort sera l’un des éléments déclencheurs pour écrire le roman.
Le film met également en scène une troisième relation d’importance, fictive celle-ci, avec William, le vicaire de son village. Si l’entente n’est pas cordiale avec cet homme au départ, cette relation deviendra une histoire d’amour assez tragique car, si les sentiments sont clairement présents, William représente l’église et son approche rigide alors qu’Emily représente la liberté, à commencer par celle de penser. C’est donc au travers de ces relations qu’Emily va se libérer. Si, au départ, celle-ci, agoraphobe, différente et « étrange », se montre peu, elle va peu à peu s’affirmer et se libérer. Ces relations représentent chaque chapitre de son histoire et tout est bien développé, y compris l’évolution du personnage. Tout est géré de façon à ce que la narration soit fluide et sans temps mort et les thèmes développés (l’affirmation de soi ou encore la féminité) le sont parfaitement. Le tout est fait de manière à ce que le spectateur familier des Hauts de Hurlevent voit des parallèles entre l’histoire d’Emily Brontë et celle de son roman.
Une réalisation assez inspirée
La réalisation de Frances O’Connor s’avère académique la plupart du temps, mais elle est aussi solide et inspirée sur beaucoup de plans. On sent qu’elle ne veut pas trop en faire et qu’elle privilégie une narration solide autant sur le papier que visuellement parlant, et elle y parvient sans peine. Si toutes les scènes dans la maison sont assez classiques au niveau de la réalisation (à l’exception de la scène du masque), elle arrive tout de même à offrir des plans magnifiques avec le paysage des landes du Yorkshire.
Elle est bien aidée par une reproduction des costumes et décors d’époque remarquable et une direction photo qui tend vers le réalisme sans trop en faire. Le rythme est aussi bon, ainsi que le montage malgré deux-trois coupes assez abruptes. Enfin, la musique d’Abel Korzeniowski est parfois grandiloquente, surtout dans son ouverture, mais accompagne tout même parfaitement le long-métrage.
Emma Mackey éblouissante
Du côté des acteur. Emma Mackey (Mort sur le Nil, Sex Education) donne vie à Emily. Sa prestation est fabuleuse. La meilleure, pour l’instant, de sa carrière. Elle offre une superbe variété de jeu et grâce à sa performance, on voit la progression du personnage et on y croit. Alexandra Dowling est aussi excellente dans le rôle de Charlotte. Fionn Whitehead montre une jolie palette de jeu dans le rôle de Branwell, que ce soit dans les bons moments que vit son personnage comme dans les pires. Enfin, Oliver Jackson-Cohen offre quelques subtilités au personnage de William, ce qui n’était pas évident.
Emily est un premier film bien écrit, bien réalisé et porté par une Emma Mackey qui nous offre une performance remarquable. Frances O’Connor marque ici un gros coup pour ce premier essai. On attend donc son prochain film avec impatience.
Certains des partis pris narratifs du film sont ainsi directement inspirés de ces légendes et, de ce côté-là, le film est assez cohérent au sens où il parvient à relier les deux dimensions en un tout à la fois intéressant et convaincant, notamment lors de la terrible conclusion, qui apporte une explication au fait que, des trois sœurs Brontë, Emily est celle dont le moins d’écrits nous soient parvenus en dehors de l’œuvre qui fit sa renommée.
Le film en lui-même est bien mené et réalisé, et Emma Mackey parvient à refléter de manière convaincante la dualité du personnage, à la fois renfermée et maladivement timide et aussi intense que passionnée. Sans être un chef d’œuvre du genre, il s’agit là d’une biographie romancée qui vaut le détour par l’hommage qu’elle rend à l’écrivaine et à son œuvre.