Un duo de cheffes à la tête d’un semi gastronomique original
Aux 2K est une nouvelle adresse semi gastronomique encore confidentielle, bien cachée au début de la rue montante Louise-Emilie de la Tour d’Auvergne dans le 9ème arrondissement parisien. Si l’on n’est pas attentif, on pourrait presque passer devant sans en remarquer la devanture, élégante mais discrète comme peut l’être un restaurant de poche. Et pourtant ! Cette très belle table, ouverte en septembre, a tout pour devenir un restaurant incontournable.
Entre cuisine française aux accents du Sud-Ouest et touches asiatiques, Aux 2K est le projet de deux cheffes passées par des établissements étoilés : la cuisinière d’origine vietnamienne Samantha Kagy et la pâtissière d’origine japonaise Kimiko Kinoshita. Les deux femmes se rencontrent alors qu’elles font leurs armes au restaurant gastronomique Le Violon d’Ingres, adresse étoilée renommée du 7ème arrondissement parisien. Elles apprennent à se connaître et poursuivent leur collaboration dans les cuisines de L’Ours à Vincennes avant de décider d’unir leurs talents et leurs envies pour ouvrir leur propre restaurant.
Originaire du Sud-Ouest, Samantha Kagy est tout naturellement influencée par cette cuisine (Bordeaux, Landes, Pays Basque), dont certains ingrédients comme le canard ou l’anguille s’accommodent fort bien de quelques petites touches asiatiques, que l’on retrouve également dans les succulents desserts de Kimiko, qui a également travaillé au Taillevent ou encore à L’Atelier Joël Robuchon Saint-Germain. La carte, régulièrement renouvelée, est imprégnée de ces influences et évolue également au gré des saisons et des marchés.
Une carte alléchante et travaillée pour toutes les occasions
Lorsqu’on pousse la porte des 2K, on est saisis à la fois par l’élégance et la simplicité des lieux. La salle est petite (20 places réparties sur 7 tables) mais bien agencée. Mur du fond et plafond noir, tables et chaises blanches, panneaux en bois ajourés tenant lieu d’étagères grimpant jusqu’au plafond, toilettes coulissantes cachées dans l’étroit couloir menant aux cuisines où les cheffes s’affairent… Rien n’a été laissé au hasard et l’on se sent rapidement à notre aise, aidés par un service aimable et chaleureux qui prend le temps de répondre aux questions de chacun et d’apporter des conseils.
Face à la carte, nous hésitons un long moment. Pour s’adapter à toutes les situations (pause déjeuner, dîner en amoureux ou entre amis…) mais aussi à différents budgets, différentes options sont proposées.
Pour ceux qui veulent manger assez rapidement avant de retourner au travail ou bien opter pour une solution économique, il existe une formule entrée/plat ou plat/dessert à 29 euros proposée en semaine, hors jours fériés. Il n’est pas possible de choisir les plats avec cette formule : le menu est élaboré par les cheffes et change d’un jour à l’autre en fonction du marché.
Toujours économique, mais plus complet et flexible, le menu déjeuner à 41 euros permet de choisir entrée, plat et dessert parmi 2 options indiquées à la carte à chaque fois. Là encore, ces propositions évoluent en fonction des semaines. On retrouve parmi elles des plats inscrits à la carte, mais aussi des assiettes exclusives à ce menu. C’est cette formule qui est la plus plébiscitée par la clientèle jusque-là.
Le menu dégustation à 68 euros (qui peut être complété par un accord mets & vins à 38 euros pour 5 verres) se décline en 6 assiettes. Il s’agit là d’un repas à l’aveugle : le menu est élaboré par les cheffes en fonction de leur inspiration et demeure une surprise d’un bout à l’autre du repas.
Enfin, il est également possible de choisir ses assiettes à la carte. Celle-ci propose 4 entrées, 4 plats et 5 desserts.
Après avoir repéré différents mets alléchants et nous être laissés convaincre par les conseils avisés de notre hôte, nous décidons finalement d’opter pour un menu à 41 euros et des assiettes choisies à la carte. Pour les assiettes du menu, nous choisissons la fameuse jimbourra basque (une soupe de boudin noir) en entrée, le lieu noir gratiné et sa fondue de poireaux et algues en plat principal et le moelleux matcha et chocolat blanc en dessert. A la carte, nous optons pour les ravioles de canard croustillantes en entrée (14 euros), le pigeon rôti et anguille fumée en plat principal (30 euros) et le dessert noisettes et citron noir (14 euros).
Une très belle entrée en matière
Pour nous faire patienter, on nous amène, avec un excellent verre de pinot noir de Loire 2023 Jousselin père et fils (Soings-en-Sologne), fruité et très léger, des gougères au comté. La pâte est légère et aérée, le fromage possède du caractère sans être trop fort. Maîtrise et simplicité sont au rendez-vous pour cette mise en bouche classique.
Lorsque les entrées arrivent, on ne peut qu’admirer la présentation des assiettes. Là encore, le dressage est simple et épuré en apparence, mais très soigné. Il attire l’œil, nous met l’eau à la bouche et permet de mieux aiguiser nos sens. Ainsi, la soupe est d’une élégance folle avec sa belle couleur chocolat qui se détache sur la blancheur de la porcelaine blanche, avec les chips d’ail déposés en tas sur l’œuf parfait au centre de l’assiette, et les croûtons de pain d’épices parsemés sur le contour extérieur. La couleur des ravioles de canard croustillantes, servies dans un bol de grès bleu-gris, se détache, de même que le brun-rouge du consommé dans lequel elles baignent. Une petite feuille d’oxalys en forme de cœur apporte une sympathique touche finale.
En bouche, notre bonne impression se confirme, à commencer par la jimbourra, présentée ici avec ses chips d’ail, son œuf parfait, et ses croûtons de pain d’épices. Cette spécialité basque est relativement peu connue des personnes non originaires de la région et, à dire vrai, bien qu’ayant passé la plupart de ses vacances au Pays Basque enfant à déguster des spécialités régionales en compagnie de locaux, l’auteure de cet article avoue ne jamais avoir entendu parler de ce met auparavant, qui éveillait donc particulièrement notre curiosité. Il s’agit là de l’une des entrées signature de Samantha Kagy avec les ravioles de canard, et on ne peut que comprendre pourquoi tant il s’agit d’une belle découverte.
La soupe de boudin est divinement veloutée et très fine, pas lourde du tout. Le jaune de l’œuf parfait est coulant à souhait et se déverse dans la soupe quand on le coupe. Les fins chips d’ail relèvent subtilement l’ensemble, tandis que les croûtons de pain d’épices apportent une petite touche de contraste sucré. Ingrédient surprise caché au fond de l’assiette au centre, quelques dés de citron confit apportent une petite pointe de fraîcheur joliment acidulée. Un vrai régal !
Quant aux ravioles de canard croustillantes et leur consommé, la pâte est à la fois fine et assez tendre, pas grasse pour un sou, tandis que le canard est merveilleusement fondant à l’intérieur. Le consommé est quant à lui un bouillon aussi fin que léger, joliment parfumé.
Des plats de haut vol aux association de saveurs originales
Après cette entrée en matière de haut niveau, les plats ont achevé de nous convaincre. Commençons par le pigeon rôti, anguille fumée, échalote confite et sauce salmis. L’anguille, très parfumée, se marie particulièrement bien à la saveur douce et raffinée du pigeon, dont le filet est incroyablement tendre, cuit à la perfection, joliment rosé à l’intérieur et bien grillé sur le dessus. Les ailes de l’oiseau, à la chair très fines, sont présentées avec le filet et les morceaux d’anguille. L’échalote confite est fondante et apporte un contraste légèrement sucré assez plaisant.
La sauce salmis, présentée à part dans un petit pichet, est la touche finale qui permet de lier et sublimer l’ensemble. Cette sauce est préparée à partir d’un fond brun de pigeon au vin rouge réduit puis généralement fini à l’essence de truffe et monté au beurre.
Lorsqu’on la verse sur l’assiette, elle a l’apparence veloutée d’une crème un peu épaisse, entre la mélasse et la crème de vinaigre balsamique, dont elle se rapproche aussi par sa saveur légèrement acidulée. Une assiette terre et mer aussi savoureuse et maîtrisée qu’originale.
Le lieu noir gratiné et sa fondue de poireaux et algues, surmonté d’une émulsion citronnelle, est aussi fin que fondant. Là encore, l’assiette est très élégante. La fondue de poireaux et algues est étalée sur le poisson, surmonté d’une jolie émulsion. La finesse et la douceur du poisson se marie très bien avec la fondue de poireaux, qui en relève et révèle le goût. En ce qui concerne celle-ci, la présence des algues permet de donner un joli coup de fouet en bouche à ce légume ô combien classique, et lui apporte une certaine originalité. Sous la fondue de légumes, on trouve quelques tranches de chorizo, fines au point d’être quasiment transparentes. L’émulsion de citronnelle achève ce joli tableau culinaire avec une seconde petite touche asiatique. Le goût de la citronnelle cuite est ici fin et chaleureux et se rapproche un peu de celui du panais.
Des desserts-bijoux, gourmands et légers, en guise de bouquet final
Alors que nous doutions de réussir à pouvoir manger autre chose (les entrées et plats principaux ne sont en aucun cas lourds, mais malgré tout consistants et nous avions aussi été au restaurant la veille), les desserts de Kimiko Kinoshita, aussi beaux que gourmands, sont venus nous détromper. Chaque assiette est un véritable petit bijou, si bien que cela nous fendrait de prime abord presque le cœur de devoir y planter notre cuillère… Enfin, jusqu’à ce que nous prenions la première bouchée, qui vient emporter définitivement tout sentiment de culpabilité !
Commençons par le dessert noisettes et citron noir, qui est le dessert signature du moment avec le riz au lait banane/caramel. Celui-ci se présente sous la forme de deux petites boules gourmandes accompagnées d’un sorbet au citron noir surmonté d’une tuile croquante en forme de feuille. La noisette est ici déclinée sous toutes ses formes dans l’assiette.
On la retrouve ainsi dans le délicieux nappage des boules, qui tient presque (avec une texture différente) de la pâte à tartiner de luxe, mais aussi à l’intérieur de celles-ci, garni d’une mousse légère. La tuile est également à la noisette, qui est aussi présente grillée et émiettée en petits tas au fond de l’assiette.
Le résultat est aussi gourmand qu’original. Les boules sont un vrai délice d’autant plus que, lorsqu’on les ouvre, on découvre en leur cœur un coulis de caramel divin. Le goût fumé de la noisette grillé répond à celui du sorbet de citron noir, d’une finesse et d’une fraîcheur incroyables. On a là une assiette très travaillée, qui joue aussi bien sur les saveurs que sur les textures avec une maîtrise remarquable.
Enfin, le moelleux matcha et chocolat blanc est également un dessert-bijou, où le moelleux se trouve dans un très bel écrin, entouré d’une fine bande de pâte matcha, surmonté d’un disque sur lequel est posée une boule de mousse au chocolat blanc au-dessus de laquelle trône une jolie tuile ajourée à l’apparence florale. Le moelleux possède une texture aérienne proche du biscuit éponge. Là aussi, on retrouve un jeu de textures, avec la bande de matcha, mais aussi le disque et la tuile apportant différents niveaux de croquant, et un goût caractéristique de thé vert plus prononcé. La mousse au chocolat blanc, très légère et peu sucrée, fond délicieusement en bouche.
Il s’agit là de deux desserts de haut vol qui ont également le mérite d’être étonnamment légers et de glisser tous seuls en fin de repas, même quand on a pris, comme nous, une entrée et un plat auparavant, accompagnés d’un ou plusieurs verres de vin. Une vraie gageure !
Une cuisine chaleureuse et originale au coeur de Paris 9ème
Au final, notre découverte du restaurant Aux 2K se révèle être un véritable coup de cœur. Le rapport qualité-prix est plus qu’excellent pour un restaurant semi-gastronomique parisien (y compris en dehors des menus) et, surtout, la carte et ses différentes assiettes sont d’une qualité exceptionnelle. La cuisine de Samantha Kagy et Kimiko Kinoshita est authentique et chaleureuse, les assiettes travaillées et originales, que ce soit dans la préparation, l’alliance des saveurs, mais aussi le jeu sur les textures. Pour autant, il n’est guère besoin d’être un expert pour les apprécier, cette maîtrise ne se mettant jamais en travers du plaisir culinaire à l’état brut. Comme dans la décoration et l’aménagement de la salle, il y a une certaine épure et un sentiment de simplicité qui se dégage et rend cette cuisine conviviale, généreuse et riche en émotions, à l’image de la région du Sud-Ouest dont elle s’inspire.
Aux 2K est clairement l’adresse idéale pour passer un moment privilégié avec des proches. Si vous venez pour un déjeuner professionnel en catimini, vous êtes sûrs de surprendre agréablement vos collaborateurs. Une adresse à suivre donc, qui vaut clairement de faire le détour par le 9ème, et que nous ne pouvons que vous recommander. Courez y tant qu’elle tient encore du secret bien gardé, elle a tout d’une grande !
Restaurant Aux 2K, 5 rue Louise-Emilie de la Tour d’Auvergne, 75009 Paris (Métro Poissonnière, ligne 7). Ouvert le mardi de 19 à 22h et du mercredi au samedi de 12h à 14h et de 19 à 22h. Réservation en ligne sur le site du restaurant. Un menu spécial à 120 euros par personne (et 80 euros pour l’accompagnement mets et vins) sera proposé le soir de la Saint-Valentin.