[Critique] Rossosperanza : Jeunesse dorée dans un monde en ruines

Caractéristiques

  • Titre : Rossosperanza
  • Réalisateur(s) : Annarita Zambrano
  • Avec : Margherita Morellini, Leonardo Giuliani, Ludovica Rubino...
  • Distributeur : Blaq Out
  • Genre : Dame
  • Pays : Italie, France
  • Durée : 87 minutes
  • Date de sortie : 23 février 2025 en VOD / 1er avril 2025 en DVD
  • Acheter ou réserver des places : Cliquez ici
  • Note du critique : 6/10

Sorti en catimini en France, directement en VOD en février dernier, Rossosperanza, d’Annarita Zambrano vient de paraître en DVD en avril 2025. Sélectionné en compétition à Locarno, le long-métrage nous entraine en Italie, dans un lieu aussi somptueux qu’oppressant : une maison de redressement huppée pour adolescents « incontrôlables ». Ici, l’ordre bourgeois tente de museler les écarts de conduite d’une jeunesse qui ne rêve que de chaos, de liberté et de musique…

Adolescence dorée mais torturée

Nous sommes en Italie, dans les années 90. Jeune fille de seize ans, Nazzarena débarque dans un établissement très particulier : un institut de rééducation pour enfants difficiles. Elle y fait la rencontre d’Alfonso, Marzia, et Vittoriano. Tous sont issus de familles riches, comme elle. Tous ont franchi une ligne rouge. Dans ce pensionnat de luxe faisant office de prison, la rébellion se soigne à coups d’exercices de respiration et de thérapie du rire encadrés par des éducateurs guindés.

Le casting de jeunes acteurs incarne avec justesse cette galerie de personnages troubles et baroques. Margherita Morellini campe Nazzarena, jeune sociopathe aux élans meurtriers qui trouve sa respiration dans le DJing. Leonardo Giuliani joue Alfonso, qui assume pleinement son homosexualité malgré un père rigide et politicien. Marzia (Ludovica Rubino) est attirée par les feux de la rampe et prête à tout pour y accéder, tandis que Vittoriano (Luca Varone), figure mutique et quasi cannibale, observe le monde sans y participer. Tous oscillent entre provocation outrancière et douleur contenue, et chacun exprime à sa manière la violence contre un système dépassé.

Les années 90, entre héritage figé et besoin de transgression

Dès les premières minutes de Rossosperanza, le spectateur se retrouve plongé dans les années 90 : vinyles, walkmans, tapisseries aux motifs surannés… Chaque détail ressuscite l’époque avec minutie. La bande-son, omniprésente, navigue entre électro nerveuse, techno entêtante et éclats rock, donnant au film une pulsation rythmique omniprésente. Mais ce décor reconstitué devient également le théâtre de mondanités frivoles et de soirées déguisées, faisant basculer le film dans la fable cruelle, une satire grinçante du vernis bourgeois.

Derrière cette esthétique soignée, se joue une confrontation brutale entre adultes figés et adolescents en rupture. Rossosperanza donne voix et corps à une jeunesse en ébullition, bien décidée à faire exploser les carcans moraux hérités de leurs aînés. La musique, le sexe, l’alcool et la drogue deviennent les armes de leur insurrection débridée. Le long-métrage filme les corps de très près et flirte avec les codes du cinéma de genre pour mieux dénoncer l’emprise glacée du conservatisme sur l’Italie des années 90.

Un cri de révolte plus formel que viscéral

La mise en scène de Rossosperanza impressionne par sa maîtrise formelle. Le début du film use et abuse de montages alternés qui accentuent les contrastes entre ombre et lumière, entre retenue et débordement. Les cadres sont travaillés et le film prend le temps – sans jamais ennuyer – d’observer les rituels adolescents : baignades, strip-poker, danses endiablées… Par instants, le long-métrage s’autorise quelques échappées plus expérimentales, intégrant par exemple des séquences animées pour rejouer certains souvenirs, ou des séquences grotesques et fantasmées. La couleur rouge, omniprésente, incarne une ambivalence permanente : sang et désir, mort et pulsion de vie.

Cependant, malgré ces qualités esthétiques indéniables, le film peine à installer une véritable tension narrative et à provoquer de l’empathie pour ses personnages. Annarita Zambrano semble faire le pari d’un cinéma avant tout formel, au risque de laisser le spectateur à distance. Les scènes s’enchaînent dans le désordre, au gré de flashbacks imprécis, exigeant une attention constante pour tenter de reconstituer le fil narratif. Malgré leurs frasques, les personnages restent la plupart du temps opaques, et leurs relations, leurs motivations et leurs trajectoires demeurent floues. À force de brouiller les pistes, le film perd en puissance émotionnelle ce qu’il gagne en esthétisme.

Avec Rossosperanza, Annarita Zambrano signe donc une œuvre singulière, audacieuse sur le plan visuel, déroutante sur le fond. Naviguant entre satire sociale et chronique adolescente, le film séduit par son ambiance et son esthétique soignée, mais laisse souvent le spectateur frustré, comme tenu à l’écart de ce cri de révolte qu’il entend sans jamais pleinement le comprendre.

Article écrit par

Lorsqu’elle n’enseigne pas l’italien, Lucie Lesourd aime discuter de sa passion pour le cinéma, le théâtre et les comédies musicales. Spécialisée en littérature young adult et grande amatrice de polars et thrillers, elle rejoint Culturellement Vôtre en février 2020 pour y partager ses avis lecture et sorties culturelles.

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