[Critique] Les Ensorceleuses : Des sorcières comme les autres ?

Caractéristiques

  • Titre : Les Ensorceleuses
  • Titre original : Practical Magic
  • Réalisateur(s) : Griffin Dunne
  • Scénariste(s) : Alice Hoffman, Robin Swicord, Akiva Goldsman
  • Avec : Sandra Bullock, Nicole Kidman, Stockard Channing, Diane Wiest, Aidan Quinn, Goran Visjnic, Evan Rachel Wood...
  • Distributeur : Warner Bros
  • Genre : Comédie dramatique, Fantastique, Romance
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 1h44
  • Date de sortie : 16 octobre 1998 (Etats-Unis), 17 mars 1999 (France)
  • Note du critique : 8/10

Une fois n’est pas coutume, pour Halloween, j’ai décidé de revenir sur un film qui n’est ni un film d’horreur, ni un film « qui fait peur ». Néanmoins, Les Ensorceleuses de Griffin Dunne, en tant que film fantastique hybride entre la comédie, le drame, le conte, le suspense et la romance, autour d’une famille de sorcières, a pleinement sa place en ce mois d’octobre. Pour un Halloween plus cosy… ou pour commencer léger avant de sortir l’artillerie lourde avec des thrillers ou films d’horreur.

La deuxième jeunesse d’un film fantastique des années 90

Il aura fallu environ 20 ans pour que le film Les Ensorceleuses de Griffin Dunne, four critique et public à sa sortie, soit réévalué à sa juste valeur… par le public, du moins. Adaptation du roman éponyme d’Alice Hoffman publié trois ans plus tôt, Practical Magic de son titre original possédait pourtant de sérieux atouts, à commencer par un casting de haut vol réunissant Sandra Bullock et Nicole Kidman dans les rôles principaux, mais aussi Stockard Channing (inoubliable Rizzo dans Grease et comédienne de théâtre réputée), Dianne Wiest (Edward aux mains d’argent, Hannah et ses sœurs…) et Aidan Quinn (Légendes d’automne, Michael Collins…), sans compter l’acteur croate Goran Visnjic, alors célèbre pour son rôle récurrent dans la série Urgences. Griffin Dunne lui-même n’était pas un illustre inconnu à l’époque bien sûr puisqu’il a accédé à la célébrité et à la reconnaissance dès les années 80 pour avoir incarné le rôle principal dans les films cultes Le loup-garou de Londres de John Landis (1981) et After Hours de Martin Scorsese (1984). Bien qu’il ne soit alors pas connu du public en tant que réalisateur, son premier long-métrage derrière la caméra à peine un an plus tôt, Addicted to Love, avait dû suffisamment convaincre la Warner de lui confier les rênes de ce divertissement populaire. Le roman d’Alice Hoffman avait remporté un joli succès tant public que critique et le scénario mêlait conte initiatique, romance, drame, fantastique et suspense, le tout avec un message féministe.

Tourné pour un budget de 75 millions de dollars, Les Ensorceleuses sort le 16 octobre 1998 aux États-Unis (en mars 1999 en France) et n’en rapportera malheureusement que 46 millions au box-office mondial. A sa sortie, beaucoup de critiques sont négatives, et parfois assassines. François Forestier de L’Obs écrivait ainsi : « C’est nunuche, banal à pleurer, bêtifiant. Le genre de film que les grand-mères s’imaginent génial pour le petit dernier (qui attend « La Guerre des Etoiles, part 4″ avec impatience) » tandis qu’Olivier Père écrivait dans Les Inrocks (alors nettement moins féministes) : « Point de fantastique ici, et d’érotisme encore moins. Mais un infect bouillon de féminisme et de new-age censé mettre en avant les talents dramatiques de ses comédiennes principales pourtant à leur désavantage dans ce produit aseptisé. » En France, seuls L’Écran Fantastique et Mad Movies le défendent et cernent ce qui en fait la force. Julie Deh (L’Écran Fantastique) écrivait ainsi : « Ce duo pétri de contrastes et soudé par une complicité sans faille qu’aucune ombre ne saurait altérer, constitue assurément le sortilège le plus puissant de cette œuvre tendre et poétique » tandis que Frédéric Lelièvre de Mad Movies saluait un film « malin », dont le « le scénario sacrifie aux jolis clichés sans tomber dans la caricature ringarde », permettant à « un casting furieusement féminin de s’épanouir ».

Outre-Atlantique, beaucoup ne savaient pas véritablement dans quelle case mettre le film et se plaignaient qu’on leur ait vendu une « comédie de sorcières » alors qu’il s’agissait d’une œuvre hybride mêlant différents genres, sentimental et enfantin par certains aspects (mièvre ou sirupeux, diront ses détracteurs), grave à d’autres égards, avec des thématiques abordées telles que le deuil, l’emprise, les violences conjugales, les féminicides, la transmission des traumatismes de génération en génération au sein d’une famille ou encore les préjugés à l’égard des femmes qui osent sortir du moule, qui tiennent souvent de superstitions archaïques toujours présentes au sein de la société malgré l’évolution du monde et des mœurs. La critique ne savait pas vraiment quoi faire du film et le public non plus, manifestement. Etait-il trop en avance sur son temps, thématiquement parlant ? La « malédiction » entourant les films avec Sandra Bullock (au creux de la vague depuis le bide monumental de Speed 2 en 1997 et moquée de toutes parts) avait-elle encore frappé, rendant le public suspicieux ? Ou le fait que les effets spéciaux étaient assez cheap et naïfs alors que de grands films populaires en mettaient plein la vue aux spectateurs ? Probablement un peu de tout ça et le film fut vite rangé au rang des innombrables navets produits par Hollywood.

Or, depuis quelques années, il suffit de faire une recherche sur Internet, de consulter régulièrement les comptes d’influenceuses (et plus particulièrement de booktubeuses) sur Instagram et YouTube pour se rendre compte que beaucoup de gens sont toujours très attachés à cette œuvre et qu’un nouveau public (assez majoritairement féminin) continue de le découvrir. Même Taylor Swift semble avoir été inspirée par le film quand on lit les paroles de sa chanson « The Prophecy » (elle diffusait aussi la chanson « Crystal » de Stevie Nicks tirée de la B.O. du film, avant le début de ses concerts du Eras Tour). Suite logique de cette réévaluation heureuse, une suite a été mise en chantier et tournée cet été avec Sandra Bullock et Nicole Kidman, qui ont accepté de reprendre leurs rôles.

Un joli film plus profond qu’il n’y paraît

En ce qui me concerne, j’avais loupé le film au moment de sa sortie et ne l’ait découvert en DVD qu’en 2005. Tout en reconnaissant certains défauts, qu’il serait difficile de nier (les effets spéciaux principalement, qui ont assez mal vieilli mais « passent » aujourd’hui en raison de l’imagerie de conte de l’ensemble), je me souviens avoir été profondément touchée par le film, emballée par les performances du casting féminin et quelque peu étonnée de la dureté de l’accueil à sa sortie. Au fil des ans, je l’ai revu à intervalles réguliers et il est devenu un peu un film « doudou », dans le bon sens du terme, qui me fait du bien quand j’en ressens le besoin, et je pense même que je l’ai encore plus apprécié en vieillissant qu’au moment où je l’ai découvert.

Après tout, l’histoire, derrière ses airs de fable toute simple et son utilisation d’archétypes et de clichés (volontaires) livre une réflexion bien plus profonde qu’il n’y paraît sur l’amour, la famille, la confiance en soi et les croyances limitantes qu’on nous a (souvent) inculquées ou transmises d’une manière ou d’une autre, que l’on intériorise et qui peuvent nous bloquer telles des « malédictions » ou auto-prophéties réalisatrices si l’on ne parvient pas à s’en libérer. Il possède une gravité sous-jacente et une part de mélancolie qui pourrait sembler de prime abord en décalage avec la dimension plus naïve et romantique du film, tout en étant profondément tendre et optimiste.

sally et gillian enfants arrivent chez leurs tantes dans les ensorceleuses

Il était une fois deux sœurs

Mais commençons par le commencement : l’histoire. Que nous raconte donc Les Ensorceleuses ? L’histoire de deux sœurs aussi opposées qu’elles peuvent l’être : Sally, la brune, est timide, sérieuse et terre à terre tandis que la rousse Gillian n’est que tout feu tout flamme. Au début du film, alors qu’elles ne sont encore que deux enfants, Sally se fait la promesse de ne jamais tomber amoureuse tandis que sa sœur, elle, n’a qu’une hâte : connaître l’amour dans toute son intensité. Il faut dire que les deux sœurs sont issues de la famille Owens, qui compte une longue lignée de sorcières et qu’elles ont grandi avec les récits horrifiques de leurs tantes, les excentriques Jet et Frances, qui leur ont expliqué comment, depuis plusieurs siècles, toutes les femmes de la famille sont frappées par une terrible malédiction : l’amour leur est interdit et, à chaque fois qu’elles tombent amoureuses, l’homme qu’elles aiment meurt tôt ou tard de manière aussi soudaine que tragique. La faute à leur ancêtre Maria, qui échappa à une mise à mort pour sorcellerie grâce à ses pouvoirs et fut à la place condamnée, seule, à l’exil alors qu’elle était enceinte. Abandonnée par son amant et en proie au désespoir, elle jeta alors un sort pour ne plus jamais tomber amoureuse, croyant ainsi s’épargner de futures souffrances. Sa malédiction se transmis malheureusement de génération en génération…

stockard channing et diane wiest dans les ensorceleuses de griffin dunne

Pour les tantes, si les seuls hommes qu’elles ont aimé dans leur jeunesse sont morts, c’est de la faute à la malédiction, de même que c’est la malédiction qui a tué le père de Sally et Gillian et conduit leur mère à se laisser mourir de chagrin. Élevées par leurs tantes dans une grande maison au sein d’une petite commune côtière de l’Amérique profonde, les gamines grandissent choyées mais sont la risée de tous leurs camarades de classe qui, comme le reste de la ville, considèrent les femmes Owens comme des sorcières, donc des marginales à éviter à tout prix… sauf lorsqu’une femme de la communauté vient voir en toute discrétion Frances et Jet pour jeter un sortilège d’amour sur l’objet de leur attention ou récupérer un mari infidèle. Conséquence de cette ostracisation permanente : devenue adulte, Sally ne veut surtout pas entendre parler de magie et fait tout pour s’intégrer comme une personne « normale », pour ne pas dire ordinaire, tandis que Gillian fuit vite la ville avec un béguin de passage pour poursuivre sa destinée sous d’autres cieux, là où personne n’a jamais entendu parler de la famille Owens ni de malédiction. Contre toute attente, Sally a un coup de foudre pour un livreur de la ville qu’elle épouse et avec lequel elle a bientôt deux petites filles pendant que Gillian la séductrice enchaîne les conquêtes amoureuses pour fuir la malédiction, quitte à se brûler les ailes.

Le point de bascule s’opère lorsque le mari de Sally meurt renversé par un camion de manière on ne peut plus stupide. Après l’avoir sortie de son deuil, Gillian l’appelle soudain à l’aide quelques mois plus tard au milieu de la nuit : l’homme avec lequel elle entretenait une histoire torride, Jimmy Angelov, l’a frappée et menacée et elle doit fuir au plus vite. Un enchaînement de circonstances font que les sœurs tuent accidentellement Jimmy et se retrouvent avec son cadavre sur les bras. Elles pensent être parvenues à « gérer » la situation quand un policier, Gary Hallet, qui enquête sur des féminicides, se présente à la porte des Owens : Jimmy est le principal suspect et il est parvenu à retrouver la trace de Gillian grâce à la lettre que Sally lui avait envoyée peu de temps auparavant.. Entre le policier, foncièrement intègre, et Sally, le courant passe immédiatement. L’amour (aussi bien familial, amical que sentimental) sera-f-il plus fort pour les sœurs Owens face à la malédiction qui ne semble cesser de les frapper ?

sally enfant lance un sortilège d'amour dans le film les ensorceleuses

Un conte pour adultes autour de la « magie » des liens qui nous unissent

Dès le début, Les Ensorceleuses séduit par sa tonalité de fable. Tout y est : la voix-off de tante Jet (Stockard Channing) racontant l’histoire de Maria Owens tandis que nous assistons à un premier flash back au XVIIème siècle, l’enfance de Sally et Gillian auprès de leurs tantes qui lancent des sortilèges d’amour et se chamaillent après la mort de leurs parents, la musique d’Alan Silvestri qui rappelle un peu celle qu’il avait composée pour Forrest Gump tout en s’en distinguant… Tous les ingrédients des contes et récits initiatiques sont présents, et beaucoup d’éléments récurrents que l’on trouve dans les histoires de sorcières : filtres d’amour, pleine lune, cristaux… Le film joue d’emblée avec tout cet imaginaire et cette imagerie plutôt que de chercher à l’éviter ou à les renouveler, ce qui est assez intéressant.

la grenouille crache la bague dans le film les ensorceleuses

Une partie de ces motifs tiennent d’une imagerie enfantine liée aux livres pour enfants et permettent de relier les héroïnes (et les spectateurs à travers elles) à la part d’enfance qui demeure en chacun d’entre nous. Cette dimension se révélera particulièrement touchante dans le film car le nœud dramatique intervient à un moment où les héroïnes ne sont pas au mieux de leur forme et ont besoin de retrouver foi en la vie et en l’amour. Les autres tiennent de poncifs et clichés liés aux sorcières (y compris dans le côté new age du néo-paganisme, qui était revenu à la mode durant les années 90) : cristaux et grigris, shampoings et crèmes aux herbes, malédiction, sortilèges qui tournent mal… En ce qui concerne ces deux derniers éléments, le scénario s’appuie dessus pour la partie fantastique du film, tant dans le comique que le dramatique. Les éléments plus new age permettent quant à eux d’appuyer sur le fait que ces femmes sont somme toutes assez innocentes et inoffensives et que, derrière les mystères et rumeurs les entourant, ne se cache rien de maléfique.

Car, finalement, dans Les Ensorceleuses, il est assez transparent que, si les héroïnes se font traiter de « sorcières », ce mot, dans un contexte non fantastique, pourrait tout aussi bien être remplacé par « folles », « hystériques », « bizarres » ou, tout simplement, « différentes ». Comme dans tous les contes, les sœurs Owens sont considérées comme différentes dès l’enfance et rejetées pour cette raison, et elles devront apprendre à accepter leur histoire et embrasser cette différence qui fait leur richesse et leur singularité (Sally, plus particulièrement) plutôt que de la masquer afin de pouvoir trouver leur place au sein d’une communauté de femmes qui, au départ, les rejette alors qu’elles les jalousent secrètement. De sorte que, lorsque Sally avouera enfin aux mamans de l’école de ses filles qu’elle est une sorcière et les invitera chez elle pour un exorcisme collectif, l’une d’elle s’écriera « Sally fait son coming out ! ». Ce schéma classique participe là encore à la force du récit.

Le film est ainsi touchant et, par moments, bouleversant dans son approche de la « magie » au-delà des sortilèges et du fantastique, qui tient de la foi en l’amour, en la vie et en soi, de notre capacité à nous connecter à autrui et d’un certain lien à l’enfance qui nous permet de puiser la force d’avancer, de nous épanouir et de devenir meilleurs.

Au début du film, juste avant que l’on ne suive les héroïnes devenues adultes, la scène du rituel lorsque Sally et Gillian sont enfants et s’amusent à imaginer l’homme dont elles tomberont amoureuses une fois devenues adultes se révèle aussi simple que belle et poétique. Sally décrit son homme idéal en jetant son premier rituel d’amour… en faisant en sorte de décrire un homme qui ne saurait exister, de manière à ne jamais souffrir des conséquences de l’amour. L’image de ces pétales de fleurs s’envolant au vent par une nuit de pleine lune avec ces mots d’enfant rêvant de pancakes et d’étoiles touche toujours profondément mon âme d’enfant. Nous nous connectons facilement à cette « magie » enfants, où nous avons une facilité à projeter notre vie intérieure et à l’utiliser pour nous sentir connectés à la nature et à ce et ceux qui nous entourent. On le fait sans y penser, et c’est pour ça que les enfants jouent naturellement. Et ce type d’image me touche d’autant plus profondément que, derrière la gentille fable se trouve un contexte bien plus sombre et douloureux.

la fin du film les ensorceleuses la nuit d'halloween

Symboles, superstitions, préjugés et fausses croyances

Le film s’attache beaucoup aux liens qui nous unissent et nous connectent (au monde, à la nature, à l’enfance et, surtout, les uns aux autres), mais aussi à la manière dont les symboles possèdent un « pouvoir » qui peut nous aider… Le monde dans lequel nous vivons en étant bien sûr rempli, de même que les histoires – et plus particulièrement les contes et histoires fantastiques, qui sont souvent bâties sur le modèle de récits initiatiques (ou coming of age stories ).

Sur le sujet de la superstition, au milieu d’éléments plus naïfs, le film avance, par le biais du personnage incarné par Sandra Bullock, un point très vrai : les symboles (et objets arborant ces symboles) possèdent un pouvoir car nous leur en donnons un en plaçant en eux notre foi. Et de prendre pour exemple l’étoile de l’insigne des policiers américains, immédiatement reconnaissable de tous et qui fait forte impression lorsque le policier, convaincu du bien fondé de sa mission, la brandit. Bien que cet élément sera employé de manière à remplacer un crucifix brandi face à un vampire par la suite, le scénario marque un point puisque les institutions, bien sûr, ont recours aux symboles pour transmettre et représenter les valeurs qu’elles défendent. Et que, au sein de la société, beaucoup de symboles sont universellement connus, de sorte qu’ils suscitent une réaction instinctive. Celle-ci peut être positive, mais aussi négative en fonction de la croyance véhiculée, qui peut aussi tenir du préjugé irrationnel lié à une forme de conditionnement. D’où l’importance de rappeler, comme le fait le personnage incarné par Quinn, que les « malédictions » n’ont du pouvoir que si l’on y croit.

exorcisme dans le film les ensorceleuses

Le film ne prétend clairement pas être un traité autour du féminisme, des fondations de la société patriarcale ou des violences systémiques faites aux femmes, mais ces éléments sont malgré tout bien présents, même si le film préfère rester sur la dimension symbolique pour représenter le traumatisme lié à l’emprise au sein d’une relation amoureuse, par exemple. Et de ce côté-là, il peut compter sur une Nicole Kidman qui sait passer du registre comique avec une attitude sexy et des réparties envoyées avec style à la vulnérabilité la plus totale. Le monologue de Gillian à sa nièce (interprétée par une toute jeune Evan Rachel Wood) sur l’amour et ses vertiges est ainsi l’un des passages les plus bouleversants du film, auquel on ne s’attend pas à ce moment-là et qui prend presque le spectateur au dépourvu tandis que son jeu lors de la possession finale au moment de l’exorcisme apporte une véritable intensité émotionnelle et dramatique là où le résultat aurait pu être plat si le rôle avait été joué par une actrice moins chevronnée.

le cleansing final dans le film les ensorceleuses avec nicole kidman sandra bullock et stockard channing

Si le film se refuse à embrasser pleinement sa dimension la plus dark, le rôle du policier incarné par Aidan Quinn incarne un peu (hors de toute dimension sentimentale) une vision idéale (et idéalisée) de ce que devrait être un représentant de la loi face à des femmes victimes d’hommes violents : un professionnel intègre dont l’éthique de travail et les qualités humaines lui permettent de venir en aide aux victimes et d’obtenir leur confiance. Le film ayant cette petite dimension Thelma et Louise (avec une fin toute différente) qui avait décontenancé les critiques à sa sortie, l’évolution vers le conte fantastique et romantique de ce point de vue là (qui agit aussi en partie comme un deus ex machina solutionnant les problèmes juridiques auxquels les héroïnes auraient pu faire face) ne peut que nous rappeler que, dans la vraie vie dans une situation réaliste, les choses auraient sans doute été bien différentes.

Le film fait en tout cas une nette distinction entre les liens bénéfiques et ceux, toxiques, qui exercent une emprise néfastes sur les individus. Gillian tombe ainsi sous l’emprise d’un homme qui ne pense qu’à la posséder… ce qui sera illustré de manière littérale à la fin, donnant lieu à un exorcisme mouvementé où la jeune femme pourra compter sur le soutien de sa sœur, ses tantes, mais aussi des femmes de la petite ville côtière où elles résident. In fine, ce sont les liens rendus possibles par la confiance et la solidarité, une fois les peurs ancrées en chacun(e) dépassées, qui permettent d’aboutir à une fin heureuse.

nicole kidman et sandra bullock dans les ensorceleuses

Nicole Kidman, Sandra Bullock, Stockard Channing, Diane Wiest : un casting féminin de haut vol

Et puis, surtout, Les Ensorceleuses vaut pour son casting assez exceptionnel d’actrices : le tandem Sandra Bullock-Nicole Kidman fonctionne particulièrement bien et l’alchimie entre elles contribue largement à la force émotionnelle découlant de la relation entre les deux sœurs et permet aussi d’adhérer aux ruptures de ton du film puisque les deux stars sont capables de passer avec un naturel confondant du registre comique au registre dramatique. Stockard Channing et Dianne Wiest sont toutes les deux très drôles et charismatiques dans le rôle des tantes sorcières et apportent là aussi un véritable charme au film.

Si la réalisation de Griffin Dunne est somme toute assez classique, il sait aussi mettre en valeur les actrices et filmer joliment et simplement les passages les plus intimistes entre ses personnages féminins. La B.O. est quant à elle marquée, outre le très joli score d’Alan Silvestri, par deux chansons inédites de Stevie Nicks (chanteuse du groupe folk 70’s Fleetwood Mac) de toute beauté : « Crystal » et « If You Ever Did Believe », et une bonne sélection de morceaux, dont celle, assez mémorable, du « Coconut » d’Harry Nilsson (également entendue dans Reservoir Dogs).

Au final, bien qu’il ne s’agisse pas d’un « grand film », Les Ensorceleuses est une jolie fable fantastique à voir ou revoir en ce mois d’octobre pour Halloween, une œuvre tendre et optimiste, plus profonde qu’il n’y paraît, dont la simplicité fait également la force.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Spécialiste de la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch, elle effectue également un travail de recherche approfondi sur les artistes américaines Tori Amos et Taylor Swift. Directrice de publication du site, elle en corrige également les articles, au-delà de leur validation.

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