article coup de coeur

[Critique] La Convocation : Une Caméra d’Or méritée ?

Caractéristiques

  • Titre : La Convocation
  • Titre original : Armand
  • Réalisateur(s) : Halfdan Ullmann Tøndel
  • Scénariste(s) : Halfdan Ullmann Tøndel
  • Avec : Renate Reinsve, Ellen Dorrit Petersen et Endre Hellestveit.
  • Distributeur : Tandem
  • Genre : Drame, Thriller
  • Pays : Allemagne, Pays-Bas, Norvège, Suède
  • Durée : 117 minutes
  • Date de sortie : 12 mars 2025
  • Acheter ou réserver des places : Cliquez ici
  • Note du critique : 8/10

La Convocation est le premier long-métrage du jeune réalisateur et scénariste norvégien, Halfdan Ullmann Tøndel, petit-fils d’Ingmar Bergman et fils de l’autrice et journaliste Linn Ullmann. S’entourant de la talentueuse Renate Reinsve, révélée dans Julie (en 12 chapitres), le réalisateur fait une entrée remarquée dans le monde du cinéma puisqu’il remporte avec La Convocation la Caméra d’Or du Festival de Cannes 2024.

Un huis clos scolaire étouffant

Elisabeth, maman du jeune Armand, est convoquée à l’école de son fils. Sur place, les parents de Jon, son camarade de classe, sont déjà arrivés et font face à Sunna, professeure peu sûre d’elle et inexpérimentée. Dans la chaleur étouffante de ce début d’été, les tensions se font rapidement sentir. Armand aurait eu un comportement inapproprié envers Jon et l’institution doit prendre des mesures. Cependant, aucun enfant n’est présent, et le récit des adultes sonne étrangement faux…

Avec, comme décor principal, la salle de classe exiguë et les longs couloirs de l’établissement scolaire, La Convocation devient rapidement un huis clos anxiogène où Halfdan Ullmann Tøndel utilise un dispositif quasi théâtral. La situation traîne désespérément en longueur et les protagonistes transpirent et s’épuisent, prisonniers d’une école en apparence luxueuse, mais dont on découvrira au fur et à mesure que les murs s’effritent, à l’image du système qu’elle incarne, mais aussi des certitudes des parents. Avec ses travellings sur les toits de l’école, ses plans fixes dans les longs couloirs vides et ses gros plans sur les visages, le réalisateur crée une sensation de malaise et de claustrophobie palpable.

Copyright Eye Eye Pictures 2024

Une première réalisation impressionnante

Si la première partie du film est très dialoguée et resserrée sur ses personnages, la suite laisse davantage de place à une mise en scène virtuose, par instants surréaliste. Le travail du son est également incroyable. Les bruits de pas se rapprochant de la salle de classe accentuent le stress de l’attente et de l’incertitude, tandis que l’alarme incendie audible en arrière-fond renforce l’inconfort de la situation. Les mouvements de caméra sont variés et signifiants, Halfdan Ullmann Tøndel jouant souvent sur les arrière-plans flous, comme lorsque le visage d’une mère se superpose à celui d’une autre, ou éloignant son objectif des personnages pour suggérer qu’ils sont écoutés, ou par pudeur.

La réalisation est versatile et flirte dans sa dernière partie avec le film de genre, transformant l’école en un décor inquiétant et lugubre dans un crescendo de tension très réussi. Avec quelques scènes complètement fantasmées, en contre-jour ou sous l’éclairage phosphorescent d’un vidéoprojecteur, le réalisateur brise la narration conventionnelle et propose des éléments incongrus, tantôt embarrassants, tantôt cathartiques. Ces choix très affirmés pourront clairement désarçonner et laisser certains spectateurs de côté mais, à l’exception d’un message un peu trop appuyé dans sa dernière partie, et de certains excès, le film fascine et impressionne par sa maîtrise et son audace.

Copyright Eye Eye Pictures 2024

Non-dits et règlements de comptes

Alors que les enfants sont au centre du film, ils en sont étrangement absents, dans ces lieux scolaires vidés de leur vie. Réduits à des photographies sur les murs, ils sont rapidement mis de côté au profit des adultes, qui s’avèrent les véritables protagonistes du long-métrage. Le comportement inapproprié d’Armand devient donc secondaire, tandis que se confrontent les anciennes rancœurs, les mensonges et les traumatismes des parents. Halfdan Ullmann Tøndel crée un contraste très intéressant entre les deux mères présentes à l’écran : Elisabeth (Renate Reinsve) est sûre d’elle, bruyante et très impressionnante avec son imperméable de cuir rouge, ses bijoux clinquants et ses hauts talons, tandis que Sarah (Ellen Dorrit Petersen, vue dans The innocents), la maman de Jon, est plus renfermée et introvertie. Ces différences annoncent un point de discorde déterminant dans le scénario, et stigmatisent Elisabeth, proie toute indiquée d’une chasse aux sorcières moderne.

Les différents acteurs livrent des performances remarquables, les hommes n’étant pas en reste, qu’il s’agisse du mari de Sarah, interprété par Endre Hellestve, ou du Directeur Jarle (Øysten Røger) qui peine à maintenir la diplomatie dans ce tribunal improvisé. Au milieu de tous, Renate Reinsve, célèbre comédienne dans le scénario, illumine le film par sa présence solaire et magnétique. Très émotive, excessive, elle se donne en spectacle et envoûte autant qu’elle dérange, révélant une intensité de jeu incroyable. Sa scène de fou-rire, volontairement interminable, plonge les personnages comme les spectateurs dans un sentiment de gêne mémorable.

La Convocation est donc un premier film ambitieux, parfois excessif, mais impressionnant de maîtrise. Mettant volontairement les enfants en dehors de son dispositif, quasi théâtral, il plonge le spectateur dans un huis-clos anxiogène et expérimental qui donne une furieuse envie de suivre la suite de la carrière de Halfdan Ullmann Tøndel.

Article écrit par

Lorsqu’elle n’enseigne pas l’italien, Lucie Lesourd aime discuter de sa passion pour le cinéma, le théâtre et les comédies musicales. Spécialisée en littérature young adult et grande amatrice de polars et thrillers, elle rejoint Culturellement Vôtre en février 2020 pour y partager ses avis lecture et sorties culturelles.

Et maintenant, on fait quoi ?

L'équipe de Culturellement Vôtre vous remercie pour vos visites toujours plus nombreuses, votre lecture attentive, vos encouragements, vos commentaires (en hausses) et vos remarques toujours bienvenues. Si vous aimez le site, vous pouvez nous suivre et contribuer : Culturellement Vôtre serait resté un simple blog personnel sans vous ! Alors, pourquoi en rester là ?

+1 On partage, on commente

Et pour les commentaires, c'est en bas que ça se passe !

+2 On lit d'autres articles

Vous pouvez lire aussi d'autres articles de .

+3 On rejoint la communauté

Vous pouvez suivre Culturellement Vôtre sur Facebook et Twitter (on n'a pas payé 8 euros par mois pour être certifiés, mais c'est bien nous).

+4 On contribue en faisant un don, ou par son talent

Culturellement Vôtre existe grâce à vos lectures et à l'investissement des membres de l'association à but non lucratif loi 1901 qui porte ce projet. Faites un don sur Tipeee pour que continue l'aventure d'un site culturel gratuit de qualité. Vous pouvez aussi proposer des articles ou contribuer au développement du site par d'autres talents.

S’abonner
Notification pour

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x