Caractéristiques

- Titre : Sinners
- Réalisateur(s) : Ryan Coogler
- Scénariste(s) : Ryan Coogler
- Avec : Michael B. Jordan, Miles Caton, Hailee Steinfeld, Jack O’Connell, Wunmi Mosaku, Jayme Lawson, Omar Benson Miller et Delroy Lindo
- Distributeur : Warner Bros France
- Genre : Action, Thriller
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 131 minutes
- Date de sortie : 16 avril 2025
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- Note du critique : 8/10 par 1 critique
Nouveau long-métrage écrit et réalisé par Ryan Coogler (Creed, Black Panther, Black Panther: Wakanda Forever), Sinners raconte l’histoire de deux jumeaux, Elijah et Elias, qui reviennent dans leur ville natale et essaient de laisser leur passé trouble derrière eux. Mais ils découvrent alors qu’une menace encore plus grande les y attend…
Un retour mystérieux dans le Sud profond
Peu de choses avaient filtré sur le nouveau long-métrage de Ryan Coogler, qui prépare actuellement Black Panther 3. Quelques informations avaient été dévoilées au compte-gouttes. Nous savions qu’il s’agirait d’une histoire de vampires, mais avec Coogler au scénario, on se doutait que cela irait plus loin, au vu de ses précédents films — et c’est bien le cas. Nous découvrons ainsi deux jumeaux qui reviennent dans le Mississippi après être partis sept ans. Smoke et Steak, comme ils se font appeler, souhaitent ouvrir un club de blues. Toute la première heure de Sinners est consacrée à la présentation des personnages, du contexte des années 1930 dans cet État du Sud, et à la mise en place de leur projet.
Les jumeaux (interprétés parfaitement par Michael B. Jordan et un acteur fidèle à Coogler) ont un passé à explorer, des relations à renouer, et un objectif clair en revenant dans leur ville natale. À leurs côtés, un troisième personnage principal : leur cousin Sammie (Miles Caton, épatant pour son tout premier rôle au cinéma), un jeune homme, fils de pasteur et passionné de blues, qui va jouer lors de l’inauguration du club. On découvre sa vie entre les champs de coton et son amour viscéral pour la musique. Une galerie de personnages secondaires complète le tableau, chacun jouant un rôle dans l’ouverture du club.

La nuit s’éveille
Cette introduction, qui se déroule pendant une seule journée et s’étend sur une bonne heure, permet de poser des bases solides. Elle montre une communauté soudée (majoritairement afro-américaine, mais pas exclusivement) et attachante. On pourrait croire à une chronique sociale simple et immersive, mais l’élément perturbateur ne tarde pas à surgir. Nous faisons alors la connaissance de Remminck — incarné par le toujours excellent Jack O’Connell, trop rare à l’écran —, un vampire dont l’arrivée va semer la discorde au sein de la communauté, lors de la soirée d’ouverture. Le jour laisse donc place à la nuit.
Avant de basculer pleinement dans le film de vampires, Coogler offre une séquence musicale magistrale. Dans un plan-séquence impressionnant, il convoque des musiques tribales du passé, les sons des années 30, et les mêle à des styles plus actuels : blues, country, hip-hop, électro, rock… Comme si toutes ces musiques dialoguaient entre elles, ne formant plus qu’une seule et même mémoire. La métaphore est limpide, et la maîtrise de cette scène en fait l’un des sommets de Sinners.

L’Amérique mordue par son histoire
Puis, le film plonge pleinement dans l’horreur. Sans rien révéler sur le sort des personnages, Sinners utilise le mythe du vampire comme métaphore puissante : celle d’un passé américain toujours vivace, marqué par les divisions raciales, la violence et la peur de l’autre. Le film est clairement politique, mais Coogler évite le piège du manichéisme facile opposant blancs et afro-américains. Il intègre aussi le Ku Klux Klan à son récit, mais cela reste en filigrane, voire juste pour le final. Des deux côtés — vampires ou résistants à la transformation —, on retrouve une diversité d’ethnies, ce qui permet de poser des questions intéressantes sur l’identité, l’héritage et la marginalisation.
Le seul reproche que l’on pourrait faire au scénario est peut-être son trop-plein d’ambition. À force de convoquer la musique, l’histoire, les ethnies, les croyances (ancestrales ou catholiques), le pouvoir de l’argent, le racisme, etc., Sinners risque parfois de s’éparpiller. Même si l’ensemble est globalement maîtrisé, cette richesse thématique peut rendre le film un peu trop chargé, à la limite de l’indigestion.

Une mise en scène millimétrée aux crocs bien affûtés
Sur le plan formel, Ryan Coogler livre un travail impressionnant. Il réalise quelques plans-séquences qui ont du sens, notamment celui sur les différentes musiques et danseurs, extrêmement bien pensé. Sa mise en scène est précise, pensée dans les moindres détails, que ce soit pour suivre ses acteurs ou pour orchestrer les scènes d’action. Tourné en pellicule 65 mm pour une exploitation IMAX, Sinners profite aussi d’un grain argentique qui accentue l’immersion dans les années 30.
D’ailleurs, on notera aussi l’excellent travail de la direction artistique, qui reproduit par les décors et les costumes, cette décennie. Tout le long-métrage n’est pas en IMA – d’ailleurs, le format général du film, en 2.76 : 1, est assez spécial. Cela place les personnages dans un cadre assez restreint. Cadre qui se libère lorsque nous passons en format IMAX. Cela aura un gros impact visuel. Nous vous conseillons donc d’aller voir, si possible, le film dans ce format car il y a une vraie plus-value.

Une musique dévorante
Le travail sur la musique est aussi important et Ludwig Göransson offre une composition mélangeant énormément de styles, même si le blues est le principal style attribué au film. Ce mélange se marie parfaitement et permet aussi d’accentuer la métaphore centrale. Le rythme du long-métrage est aussi bon et on ne s’ennuie pas durant 2h15. D’ailleurs, restez bien durant le générique, Sinners se terminant vraiment au milieu de celui-ci. Enfin, le reste du casting, composé, entre autres, de Hailee Steinfeld, Wunmi Mosaku, Jayme Lawson, Omar Benson Miller et Delroy Lindo, offre de très belles performances.
Sinners est donc autant un divertissement maîtrisé, un film d’horreur de vampires à la métaphore simple et efficace qui reste terriblement actuelle, même si le scénariste-réalisateur convoque un peu trop de choses, parfois à la limite de l’indigestion. Avec un casting impliqué, la vraie découverte qu’est Miles Caton et une réalisation enlevée, nous avons là un très bon long-métrage. Une morsure cinématographique aussi intense qu’ambitieuse.