[Critique] TKT : Un film imparfait, un message essentiel

Caractéristiques

  • Titre : TKT
  • Réalisateur(s) : Solange Cicurel
  • Scénariste(s) : Solange Cicurel
  • Avec : Lanna de Palmaert, Emilie Dequenne, Stéphane De Groodt...
  • Distributeur : Sony Pictures Releasing France
  • Genre : Drame
  • Pays : Belgique
  • Durée : 82 minutes
  • Date de sortie : 24 septembre 2025
  • Acheter ou réserver des places : Cliquez ici
  • Note du critique : 7/10

Peu de temps après le carton de la série Adolescence sur Netflix, la réalisatrice belge Solange Cicurel signe son troisième long-métrage, TKT, sur un sujet brûlant d’actualité, le harcèlement scolaire. Après Faut pas lui dire (récompensé d’un Magritte du Meilleur premier film) et Adorables, elle choisit de s’attaquer de front à ce fléau qui gangrène les cours de récréation, avec la volonté claire de sensibiliser les jeunes et leurs parents à cette violence silencieuse, trop souvent ignorée.

Une sensibilisation nécessaire au harcèlement scolaire

Le film débute de façon brutale : Emma, adolescente apparemment bien dans sa peau, se retrouve entre la vie et la mort après une tentative de suicide. Alors que ses parents, dévastés et rongés par la culpabilité, cherchent à comprendre l’impensable, c’est Emma elle-même, devenue fantôme omniscient, qui mène l’enquête. En revisitant ses souvenirs, elle remonte le fil des événements et redécouvre les mécanismes qui l’ont conduite à ce geste désespéré. Inspirée par le roman Tout ira bien d’Elena Tenace, Solange Cicurel opte pour un point de vue original, celui de la victime devenue spectatrice de sa propre chute.

Ce procédé narratif, qui rappelle par instants 13 Reasons Why, permet d’aborder la complexité du harcèlement scolaire, en montrant comment des actes en apparence anodins, quand ils s’accumulent, peuvent briser une vie. Le choix de faire d’Emma une adolescente populaire, avec des amis, un petit copain et des parents aimants, déconstruit l’image de la victime isolée et présente un engrenage qui peut survenir dans n’importe quel milieu. Pour nourrir son scénario, la réalisatrice a rencontré de nombreux adolescents et recueilli leurs témoignages, ce patchwork d’expériences rendant l’histoire d’autant plus crédible. Pensé comme un véritable outil de prévention au harcèlement scolaire, TKT est également accompagné d’un dossier pédagogique à destination des établissements scolaires.

Fantôme et point de vue omniscient

En faisant d’Emma un fantôme omniscient, le film lui offre la possibilité de mener une enquête lucide sur son propre passé, tout en conservant une forme d’innocence, puisqu’elle redécouvre les événements comme si elle les vivait pour la première fois. Ce dispositif narratif apporte une dimension intéressante, mais il tend aussi à rendre le film un peu trop didactique, comme s’il fallait constamment guider le spectateur dans son interprétation. La mise en scène, qui reste globalement très classique, s’en trouve ponctuellement rehaussée par quelques mouvements de caméra originaux et par l’intégration des messages échangés entre adolescents, affichés à l’écran. Ce procédé souligne la porosité entre le réel et le numérique, sans toutefois marquer durablement la mémoire par sa singularité visuelle.

L’idée du double d’Emma, fantôme lucide parfois accusateur, est l’un des ressorts émotionnels les plus forts du film. Le message est alors très clair : parler peut tout changer. Ne pas rester seul face au harcèlement, oser se confier à un adulte, un ami, une association constituent autant de clés pour rompre la spirale. TKT interroge aussi le rôle des parents, souvent démunis face au silence de leurs enfants. Les acteurs adultes, interprétés par la regrettée Émilie Dequenne et Stéphane De Groodt, incarnent cette souffrance avec justesse.

Un long-métrage par et pour les adolescents

Pensé pour toucher les jeunes, TKT adopte un langage cinématographique contemporain, mêlant montage dynamique et codes narratifs issus des plateformes de streaming. Le personnage d’Emma, campé par une jeune actrice investie, Lanna de Palmaert, n’est jamais idéalisé. C’est une ado comme les autres, dans laquelle chacun peut se reconnaître. Quelques scènes d’intimité sexuelle sont abordées avec pudeur, bien que le film ne fasse pas l’économie d’un épisode particulièrement explicite, difficile mais nécessaire. Un regret cependant : en ne montrant pas les conséquences judiciaires ou éducatives pour les harceleurs, TKT laisse planer une forme d’impunité.

Le long-métrage a cependant le mérite de souligner une réalité trop peu souvent montrée, à savoir que le harcèlement est rarement l’œuvre d’un seul bourreau. C’est l’accumulation de petites lâchetés, de regards détournés et de plaisanteries de groupe qui tissent la toile de l’exclusion. Aucun des personnages ne se pense harceleur, et pourtant, tous participent à la chute d’Emma. Les jeunes acteurs entourant l’héroïne livrent des prestations globalement solides, malgré quelques dialogues un peu trop écrits, pouvant sonner comme artificiels.

Si TKT n’est pas exempt de défauts, avec une écriture parfois un peu appuyée, une mise en scène inégale et un jeu d’acteurs qui manque parfois de naturel, il n’en reste pas moins un film profondément utile. Solange Cicurel réussit à capter l’attention des adolescents en adoptant leurs codes, tout en leur tendant un miroir sans complaisance. Porté par une ambition pédagogique sincère et une vraie volonté de faire bouger les lignes, TKT est un long-métrage imparfait mais essentiel, à montrer et à débattre.

Article écrit par

Lorsqu’elle n’enseigne pas l’italien, Lucie Lesourd aime discuter de sa passion pour le cinéma, le théâtre et les comédies musicales. Spécialisée en littérature young adult et grande amatrice de polars et thrillers, elle rejoint Culturellement Vôtre en février 2020 pour y partager ses avis lecture et sorties culturelles.

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