Caractéristiques
- Titre : Replace
- Réalisateur(s) : Norbert Keil
- Avec : Rebecca Forsythe, Lucie Aron, Barbara Crampton, Sean Knopp...
- Genre : Fantastique, Epouvante-horreur, Science Fiction, Thriller
- Pays : Allemagne, Canada
- Durée : 1h41
- Note du critique : 5/10 par 1 critique
Miroir, mon beau miroir
Kyra est une jolie jeune femme d’une vingtaine d’années hantée par l’abandon de sa mère, qui l’a abandonnée enfant pour pouvoir vivre sa vie et s’octroyer une nouvelle jeunesse. Résultat : sa pire crainte est de vieillir et de finir vieille et désséchée en maison de retraite, comme elle l’explique à son nouveau petit-ami avant de le suivre chez lui. Le lendemain, elle est seule dans l’appartement, souffre de trous de mémoire et sa peau commence à se recouvrir d’épaisses peaux mortes, comme si son épiderme vieillissait et mourait prématurément. Lorsqu’elle se rapproche de sa voisine, elle découvre par hasard que la seule manière de régénérer sa peau est de la remplacer par une autre…
Deuxième long-métrage du réalisateur allemand Norbert Keil douze ans après son premier essai, Replace est un thriller fantastique autour d’un sujet maintes fois traité à toutes les sauces : la peur de vieillir et la recherche obsessionnelle d’une jeune éternelle. Une thématique qui nous renvoie bien évidemment aux contes, et notamment à Blanche-Neige. Et, même si l’intrigue se veut résolument contemporaine, voire futuriste, mélangeant habilement fantastique et SF, cette veine noire des contes se fait sentir à plusieurs reprises, venant apporter une petite touche onirique, tout en restant suffisamment discrète.
Un thriller formellement percutant
Disons-le franchement : Replace vaut davantage le détour pour sa mise en scène très esthétique et charnelle, ainsi que le jeu de Rebecca Forsythe et Barbara Crampton, que pour le traitement finalement assez conventionnel et maladroit de son sujet. Si le twist en milieu de film est plutôt bien amené, et que le premier acte, où Kyra perd ses repères spatio-temporels, fonctionne parfaitement, on a bien du mal à s’identifier à l’héroïne et ses obsessions une fois la cause de son mal révélée. L’intrigue est traitée de telle sorte que l’on a l’impression que cette histoire de refus de vieillir n’est en fin de compte qu’un simple prétexte à des recherches esthétiques, et à un travail autour de l’ambiance.
Et, de ce côté-là, le thriller de Norbert Keil se révèle assez intéressant, et souvent prenant. La dimension charnelle et sensuelle se fait sentir de manière assez viscérale, et l’on pourra trouver en ce sens un certain lien de parenté avec Grave, toutes proportions gardées. Kyra a envie de sensualité mais, dans le même temps, elle a peur de ce corps qui semble l’abandonner et se décomposer, et semble en lutte permanente avec elle-même. La solution au mal inexplicable qui la frappe (prélever des morceaux de chair vivante sur d’autres femmes) permet quant à elle de mêler désir et angoisse de manière assez intéressante : Kyra est à la fois envieuse du corps des autres femmes, qui semblent lui tendre un cruel miroir, tout en désirant sa voisine, pour laquelle elle développera des sentiments. Esthétiquement, cela se traduit par des ambiances nocturnes aux couleurs franches, et un travail sur le cadre souvent intéressant, mêlant froideur clinique, sensualité et quelque chose de beaucoup plus viscéral. Ce n’est pas toujours entièrement subtil, mais il y a là des qualités et une recherche qui donnent en tout cas envie de suivre la suite de la filmographie de Keil.
Du coup, on ne pourra que regretter de rester sur notre faim avec ce dernier acte à côté de la plaque d’un point de vue dramatique, auquel on ne parvient pas à croire une seule seconde. Si la relation de Kyra avec sa voisine Sophia était au départ plutôt intéressante, et l’actrice qui incarne cette dernière, Lucie Aron, charismatique, les ficelles se font très vite sentir et les interprètes sont impuissantes à nous faire adhérer à cette conclusion téléphonée, que l’on pourra trouver ratée voire un peu grotesque. Présenté en compétition internationale de L’Étrange Festival, Replace nous laisse donc un sentiment mitigé, qui ne retire cependant en rien ses qualités formelles. On persiste à dire qu’il serait bien intéressant de voir ce que Norbert Keil est capable de faire avec un récit mieux maîtrisé…