[Critique] Kinotayo 2017 : Rage

Caractéristiques

  • Titre : Rage
  • Réalisateur(s) : Lee Sang-il
  • Avec : Ken Watanabe, Mirai Moriyama, Kenichi Matsuyama, Go Ayano, Suzu Hirose, Pierre Taki, Mitsuki Takahata
  • Genre : Thriller, Drame
  • Pays : Japon
  • Durée : 142 minutes
  • Note du critique : 4/10

Le thriller perdu de vue

Présenté lors de l’édition 2017 du Kinotayo, le festival du cinéma japonais contemporain, Rage est l’un des deux thrillers qui habitaient la compétition. Réalisé par Lee Sang-il, devenu un nom assez solide depuis le succès de Vilain, le film avait tout pour s’avérer l’une des claques de la programmation. Un pitch intéressant, la présence de Ken Watanabe (Inception, Godzilla), il n’en fallait pas plus pour créer la curiosité.

Un an après un effroyable meurtre, le coupable court toujours. Dans plusieurs endroits au Japon, des personnes se trouvent dans des situations où, peu à peu, la confiance envers leurs proches, ou des relations beaucoup plus nouvelles, vole en éclat. Le doute s’installe, et alors que l’enquête avance, lentement mais sûrement, relayée par les médias, la violence ne tarde pas à surgir.

C’est donc sur cette base que Rage s’ouvre. Cette introduction, effectivement digne d’un thriller, dévoile une imagerie prometteuse, sanglante certes mais aussi travaillée, grâce à une caméra qui sait exactement comment créer l’interrogation chez le spectateur. Un carnage, un mot écrit à l’encre de sang, voilà de quoi titiller l’imaginaire. Une promesse, donc, qui ne sera absolument pas tenue par la suite, le scénario bifurquant presque totalement vers le drame le plus pur, et la critique de la société japonaise.

Si le changement de paradigme, au cours d’un film, voire la variation des genres, est parfois une idée qui apporte de la force à la forme (on pense évidemment à Une nuit en Enfer, et une tripotée de films sud-coréens), il est plus difficile de passer outre une promesse non-tenue. Et ce même si cet éloignement soudain provoque un développement des personnages très intéressant. Alors qu’on a du mal à se faire à l’idée que Rage ne creusera pas les bonnes impressions laissées par ses premières minutes, on perd le fil du récit, comme définitivement déconcentré, alors que le scénario se révèle exigeant. En effet, les intrigues se multiplient vite, les lieux aussi, et bientôt on ne comprend plus l’intérêt de ce long-métrage, ni même ce qui rassemble ces différentes situations.

Promesse non-tenue, mais casting solide

image critique rage

Rage a cela de frustrant que l’on perçoit tout de même une lueur. Tout d’abord, précisons que le récit se focalise sur trois segments : un couple gay, un père et sa fille mentalement instable, et deux adolescents aux prises avec un ermite. La situation de chacune de ces intrigues profite d’une situation globale anxiogène : le tueur peut être n’importe qui, du côté des hommes. Mais le réalisateur de désintéresse totalement de cette ambiance, préférant la tonalité très intimiste aux trompettes du thriller. On aurait aimé un juste milieu. Las, il n’en est nullement le cas, d’ailleurs l’identité du coupable saute aux yeux dès une séquence, assez pénible, voyant l’un des personnages craquer, physiquement. On n’en écrira pas plus à ce sujet.

Les thèmes se multiplient, sans trop de rapports convaincants avec ce qui reste de fil rouge. Rage nous prend d’assaut, afin d’aborder l’homosexualité au Japon, sa perception pas toujours facile au sein de la société. L’instabilité psychologique, qui ne peut être un frein à l’amour, mais qui créée tout de même des situations difficiles chez les proches, plongés en plein doute. Le plus étonnant restant le rapports des japonais avec les soldats américains, encore présents sur l’archipel. Le sujet est clairement difficile et, pour l’aborder, Lee Sang-il utilise le pouvoir d’évocation très puissant du viol. Cela fonctionne, même si l’on s’éloigne totalement des émotions du thriller, et ce jusqu’à un final qui se vit comme un cheveu sur la soupe miso.

Le casting de Rage n’a rien à se reprocher. Comme très souvent, Ken Watanabe est bon, assez touchant dans son rôle de père qui perd petit à petit le fil. Mirai Moriyama aussi, même si l’écriture de son personnage ne l’aide pas spécialement. Globalement, la direction des comédiens est satisfaisante, tout comme la réalisation dans sa globalité. Le souci provient de l’utilisation du genre, à des fins qui ne justifient en aucun cas la promesse formulée en ouverture. Et c’est bien dommage…

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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