Caractéristiques
- Titre : Coco
- Réalisateur(s) : Lee Unkrich & Adrian Molina
- Avec : les voix Françaises de Andrea Santamaria, Ary Abittan, François-Xavier Demaison...
- Distributeur : The Walt Disney Company France
- Genre : Animation, Famille
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 1h49
- Date de sortie : 29 novembre 2017
- Note du critique : 9/10 par 1 critique
Un grand Pixar
Après Cars 3 cet été, nous étions nombreux à attendre le nouveau film original des studios Pixar avec impatience, qui tient lieu ici de Disney de Noël. En effet, comment ne pas s’enthousiasmer à l’idée de voir l’équipe dirigée ici par le réalisateur Lee Unkrich s’attaquer à la culture des morts au Mexique, avec toute la richesse de l’imagerie qui lui est associée ? Le résultat est donc Coco, nouveau grand film et premier vrai chef-d’œuvre du studio depuis bien longtemps à vrai dire – depuis Toy Story 3, pour être plus précis.
Vice-Versa avait beau être une excellente comédie autour de la gestion de nos émotions, le design plus carré (et donc froid) de cet univers ne permettait pas, à notre humble avis, d’obtenir le même impact émotionnel qu’un Monstres & Compagnie ou Là-haut, pour ne citer que ces deux-là. Le sujet justifiait tout à fait cette approche plus cérébrale et l’intelligence du concept fut encensé à raison, mais retrouver la magie Pixar à l’état brut, celle qui nous fait nous émerveiller tout en nous bouleversant, manquait, malgré un troisième tour de piste de haut vol pour Flash McQueen. Que Lee Unkrich, auquel on doit ce sommet d’émotion qu’est Toy Story 3 – qui n’a pas versé sa petite larme devant la fin ? – soit aux manettes de ce nouveau long-métrage était donc de bonne augure et, au final, Coco fait partie des meilleurs films du studio, de ceux qui toucheront autant les adultes que les enfants, quoique pas forcément pour les mêmes raisons.
Une vision de la mort haute en couleurs
Miguel, le jeune héros, est un petit garçon d’une dizaine d’années qui rêve de suivre les traces de son idole, le chanteur et acteur de cinéma Ernesto de la Cruz, et de devenir un guitariste reconnu. Malheureusement, sa famille a renié la musique depuis que son arrière-arrière grand-mère, tante Imelda, a été abandonnée elle et sa fille Coco par un mari obsédé par ses rêves de gloire. Depuis, on est fabricants de chaussures de père en fils dans la famille, et les parents et grands-parents de Miguel voient d’un mauvais œil sa passion pour la musique, surtout à la veille de célébrer El Dia de Los Muertos, où les Mexicains honorent leurs morts en leur laissant des offrandes, leur permettant de traverser la frontière pour rejoindre le monde des vivants le temps d’une nuit. Mais, lorsque Miguel vole la guitare d’Ernesto de la Cruz pour participer à un concours de musique ce soir-là, il se retrouve propulsé dans le monde des morts. Il a la nuit pour obtenir l’approbation de ses ancêtres pour suivre sa voie, sans quoi il appartiendra à jamais au monde des morts.
Dès le résumé de son pitch, on sentait tout le potentiel de Coco, mais la question principale était de savoir si Lee Unkrich traiterait l’élément culturel mexicain à la manière d’Halloween (dont El Dia de Los Muertos est le pendant, à certains égards) ou embrasserait vraiment l’imaginaire de cette fête si particulière. La seconde option est bien heureusement la bonne, et le résultat est visuellement époustouflant ! Alors que dans de nombreux pays occidentaux, nous avons peur de la mort et de l’imagerie qui lui est associée, El Dia de Los Muertos n’est pas un jour triste pour les Mexicains, ni un événement commercial, d’ailleurs. Du coup, si certains parents sont inquiets à l’idée d’emmener leurs enfants de 6 à 10 ans voir Coco, qu’ils se rassurent : ces derniers ne seront pas effrayés. Pixar a trouvé le moyen de reprendre les couleurs associées à cette fête (beaucoup d’orange, notamment), les crânes et les squelettes tout en leur apportant grâce et beauté.
Une animation et des décors sidérants
Cela donne des personnages de squelettes drôles et ultra-expressifs, dont l’animation, os par os, est tout simplement renversante : la scène où Miguel et le défunt Hector chantent et dansent devant un public sidéré est ainsi confondante tant l’animation est fluide et le rendu réaliste ! Le monde des morts, montré comme un véritable pays ou, du moins, une immense ville, est également une belle réussite d’une maîtrise peu commune et, de ce côté-là, on sent que Zootopie (film Disney, mais produit par John Lasseter) est passé par là.
Chaque « quartier » de cet univers a une ambiance, une atmosphère différente et, par certains aspects, on a l’impression d’avoir à faire à un Disneyland des morts, avec son quartier des pirates, ses portiques où l’on doit montrer patte blanche avec une photo pour entrer, etc. Chaque élément a été peaufiné et les personnages secondaires, comme le chien tout fou de Miguel ou Pepa, la panthère représentant l’âme de tante Imelda, ont fait l’objet d’un soin particulier pour les rendre d’autant plus mémorables.
Un message émouvant sur la transmission
Et puis, il y a le plus important : l’histoire, l’émotion qui se dégage du film et la manière dont Lee Unkrich transcende ce thème de la mémoire envers les disparus pour aborder des thèmes universels tels que la recherche de légitimité, d’approbation et, de manière plus simple, le souhait de laisser une trace de notre passage sur Terre, qui dise quelque chose de nous et établisse un lien par-delà le temps. En mêlant le rêve de devenir musicien de Miguel aux querelles familiales et à la perte de mémoire de son arrière grand-mère Coco, atteinte d’Alzheimer, Pixar a réussi à trouver cet équilibre prodigieux qui permet à chaque trame narrative d’exister et surtout, qui permet au spectateur de passer du rire aux larmes très facilement.
Coco est à la fois un film d’animation extrêmement drôle, référencé (Frida Kahlo fait partie des clins d’œil), mais aussi mélancolique par moments – de manière plus prononcée que Là-haut, d’ailleurs – et tout simplement émouvant. Que l’on se rassure, le message final est optimiste, mais l’œuvre n’a pas peur de prendre à bras le corps les thématiques et émotions plus sombres qui la sous-tendent, sans pour autant s’aliéner les enfants. C’est là aussi l’une des grandes réussites du dessin animé : les adultes pourront se sentir bouleversés tandis que les enfants, tout en ressentant une émotion, ressentiront moins fortement cette mélancolie. Néanmoins, Coco pourra être l’occasion pour les parents d’expliquer la maladie d’Alzheimer aux enfants confrontés à la maladie de leurs grands-parents ou arrière grands-parents, et d’aborder avec eux l’importance de la transmission.
Quoi qu’il en soit, qu’on se le dise, Coco est un grand Pixar, qui atteint à la fois des sommets de rire et d’émotion avec une grâce et une inventivité rare, tout en rendant un très bel hommage à la culture mexicaine. Si l’on craignait qu’après tant de chefs d’oeuvres le studio d’animation ne finisse par perdre son mojo et se contente d’enchaîner des suites ou des œuvres conventionnelles, il semblerait que ce jour soit encore loin d’être arrivé…