Caractéristiques
- Titre : Chien
- Réalisateur(s) : Samuel Benchetrit
- Avec : Vicent Macaigne, Bouli Lanners, Vanessa Paradis...
- Distributeur : Paradis Films
- Genre : Comédie dramatique
- Pays : France
- Durée : 1h34
- Date de sortie : 14 mars 2018
- Note du critique : 7/10 par 1 critique
L’histoire d’une chute implacable
Avec ce nouveau film satirique difficilement classable, Samuel Benchetrit réalise son oeuvre la plus aboutie, mais aussi la plus sombre. Tout commence par une scène de rupture absurde, où la femme du héros (incarnée par Vanessa Paradis), prétexte être devenue littéralement allergique à lui pour justifier sa demande de divorce. Traité en chien, sans la moindre compassion, cet homme « ordinaire », trop gentil, va alors subir une chute d’une violence assez monumentale. Chute d’un point de vue familial et donc émotionnel, mais aussi social et tout simplement humain, puisque, afin de pouvoir assister à des leçons de dressage alors qu’il n’a plus d’animal domestique, un maître-chien abusif lui impose de tenir le rôle du clébard, ni plus ni moins. Pendant quelques instants, on pense alors se trouver devant une nouvelle version farfelue de Didier d’Alain Chabat. Or, il n’en est rien : l’amusement face aux blagues autour d’un chihuahua ressemblant à Hitler cèdent vite la place à un malaise palpable, qui n’ira qu’en grandissant, à mesure que Jacques laisse cet individu le malmener et piétiner tout ce qui constituait jusqu’alors sa vie.
Il ne nous faut pas longtemps pour comprendre que cette implacable descente aux Enfers n’a été rendue possible que parce-que le monde de Jacques Blanchot a été renversé par cette rupture inattendue, qui vient également modifier sa place en tant que père. De ce point de vue-là, Chien offre une vision corrosive et assez pessimiste des relations humaines, puisque la seule manière qu’aura le personnage pour retrouver un semblant d’équilibre sera de devenir le chien de sa propre famille, laquelle s’est recomposée puisque sa femme emménage bien vite avec son amant. Le film prend alors des allures, non pas de réflexion, mais de cauchemar particulièrement frappant où Samuel Benchetrit aurait déversé toutes les pensées négatives et désabusées que l’on peut avoir sur soi et les relations humaines lorsqu’on est au plus bas. Il n’est en ce sens pas étonnant de savoir que le réalisateur a écrit le roman Chien après une période de dépression. Son adaptation à l’écran possède une force brute qui met mal à l’aise, interpelle et sidère, notamment dans sa conclusion quelque peu surprenante.
Une manière de reconquérir son identité ?
Le personnage incarné par l’impeccable Vincent Macaigne, tout en vulnérabilité, symbolise, avant même sa « transformation », une bonté toute canine qui en dit long sur la médisance dont on peut faire preuve au quotidien : doux et compréhensif dans un monde dur et cynique, il préfère croire que les autres ne pensent jamais à mal, même lorsque tout semble indiquer le contraire. C’est aussi de ce côté-là que le film se révèle particulièrement efficace : si nous éprouvons de l’empathie pour ce sympathique quidam, le fait qu’il refuse de riposter et se laisse traîner de plus en plus bas est bien source de malaise.
Mais, de manière inattendue, c’est ce refus qui lui permettra, en un sens, de parvenir à s’affirmer à sa manière : en refusant de devenir aussi mauvais ou con qu’un autre, le personnage semble chercher à reconquérir son humanité voire, tout simplement, son identité. Même si celle-ci doit s’apparenter à celle d’un chien. Et ce nouveau film de s’imposer comme une véritable proposition d’auteur, drôle par moments, mais surtout acide et dérangeante.