Une édition plus homogène
Comme chaque année, la rentrée est synonyme d’une nouvelle édition de l’Étrange Festival, et l’édition 2018 vient de s’achever. Alors que nous sommes encore plongés dans la nostalgie post-événement, phénomène bien connu des habitués, il est tout de même temps de tirer quelques conclusions concernant ces quelques onze journées passées au Forum des Images. Et impossible de débuter cet article sans, de suite, féliciter l’équipe du festival, formidable de bout en bout. Si le rendez-vous est toujours aussi agréable à vivre, c’est avant tout grâce à ces travailleurs de l’ombre, passionnés tout autant que professionnels. C’est aussi grâce à eux que 33 000 personnes se sont ruées dans les salles, un chiffre impressionnant.
Passons de suite à la programmation. L’Étrange Festival 2018 fut une édition bien plus homogène que le plutôt décevant millésime 2017. Dès la lecture du programme, on retrouvait des films à valeur de rendez-vous : ici de la grosse baston bien énervée (le pas très concluant Buybust), là une folie excessive à la limite de l’insoutenable (Frig, qu’on a malheureusement raté), etc. Certes, on pourra reprocher une certaine prudence, une envie de brosser les habitués dans le sens du poil, mais on ne peut nier le sentiment, assez plaisant, qui accompagne ce cocon cinéphile.
Cependant, L’Étrange Festival 2018 a aussi confirmé une tendance assez inquiétante : la présence de films dont l’intérêt, dans le cadre de cet événement, est plus que discutable. On se souvient de la présence, en 2017, de Sweet Virginia et Une prière avant l’aube. Des réussites, le propos n’est pas de contester ce fait, mais dont l’ADN ne correspondait pas à l’esprit du festival. On avait, à l’époque, un peu peur que ce duo fasse office d’ouverture de boîte de Pandore, et cela s’est vérifié. Cette année, on aura vu non pas deux, mais trois longs métrages qui, clairement, ont fait le jeu du remplissage : The Spy Gone North, A Vigilante et Utoya, 22 juillet. Un de plus, donc. Le pire étant que le premier cité a remporté les deux Prix en compétition. Aberrant…
Mais rassurez-vous : au-delà de cette anicroche, les cinéphiles auront pu passer une bien bonne dizaine de jours. Ils auront pu profiter de l’exceptionnelle occasion de découvrir le très, très bon Mandy. Le trip le plus corsé de cette édition, sans aucun doute, avec un Nicolas Cage comme on ne l’avait plus vu depuis Volte Face. Autre excellente surprise, et sûrement l’œuvre la plus fun vu à L’Étrange Festival 2018 : Upgrade se hisse sans mal dans nos tops. Voire même à la première place, c’est dire. On est aussi assez satisfait de la petite pause dans le trip Sono Sion, qui commençait à sérieusement nous agacer. Cette année, le Japon a pu montrer d’autres choses, comme le particulièrement barré Violence Voyager, film d’animation à base de dessins découpés, typiquement dans l’esprit de la science fiction des années 1970… à la sauce nipponne.
Découvertes, déceptions et confirmations
Des satisfactions, L’Etrange Festival 2018 en a proposé de bien belles. On reviendra longuement sur le très savoureux (mais un peu mal dégrossi) The House That Jack Built, véritable doigt d’honneur adressé aux arguments des détracteurs de Lars Von Trier. The Dark a retenu notre attention, grâce à son point de vue courageux, dans un genre (le film de zombie) aussi bouché que le marché de l’emploi, de l’autre coté de la rue. Sans oublier Lifechanger, qui lorgne vers L’invasion des profanateurs de sépulture, mais de manière plus intimiste. She, de son côté, aura su nous surprendre d’un bout à l’autre, autant de par son animation inventive que la poésie qui l’habite. D’autres longs métrages ont partagé la rédaction, créant des débat rageurs. On pense surtout à L’heure de la sortie, qui peut se targuer de fabriquer une véritable ambiance, mais dont le scénario, et le traitement du crescendo paranoïaque, peut exaspérer.
Un Étrange Festival ne serait pas fidèle à lui-même sans quelques films qui ne touchent pas au but. Pas besoin d’en rajouter sur ceux-ci, ils auront aussi droit à leur article plus détaillé. Par contre, il faut signaler quelques véritables déceptions. Tout d’abord, les longs métrages sélectionnés pour l’Ouverture et la Clôture n’étaient pas à la hauteur de l’événement. Anna And The Apocalypse s’avéraient parfois fun, mais l’ensemble pâtit d’un ton très inoffensif, et de chansons imbuvables, qui ne dépareilleraient pas dans High School Musical. Quant à The Man With The Magic Box, de la science fiction polonaise, c’était indigeste, surtout en fin de festival. On note d’autres ratés, comme le nouveau film d’un des Mo Brothers, May The Devil Take You sous-Evil Dead écrit avec les pieds, par un cul-de-jatte. Ou encore Amalia, formellement très charmant, mais qui s’embourbe dans un récit beaucoup trop lent.
C’est exactement ça un Étrange Festival : des découvertes, des déceptions, des confirmations. Soit le triptyque du cinéphile. Cette fournée 2018 aura su mieux tenir son rang que la précédente, sans non plus atteindre le niveau des meilleurs millésimes (ah, le 2015…), mais avec assez de panache pour qu’on s’y retrouve. C’est sur ce sentiment que l’on quittait un Forum des Images en travaux. Un lieu qui, par ailleurs, désire se renouveler, notamment dans des programmations plus courtes qu’auparavant. Mais c’est un autre sujet. Le principal reste qu’il accueillera, on l’espère, encore de nombreuses éditions de ce festival, qu’on retrouvera avec plaisir renouvelé en 2019.
Les tops
Cécile Desbrun
- The House that Jack Built
- Mandy
- L’heure de la sortie
- A Vigilante
- Upgrade
Mickael Barbato
- Upgrade
- Mandy
- Violence Voyager
- Up Upon the Stars
- The House that Jack Built