Une introduction agréablement nébuleuse
Depuis un moment, et plus particulièrement depuis le succès de la série Lost, on a vu fleurir un peu partout les récits basés sur le mystère de l’éveil. Le cinéma de genre, par exemple, s’est pas mal emparé du ressort, notamment avec des films comme Saw ou Cube. Et il faut bien écrire qu’on tient là l’une des situations les plus propices à construire une ambiance énigmatique (avec l’amnésie du héros, spécialité du jeu vidéo japonais), voire carrément paranoïaque. Certes, on peut avoir l’impression que ce schéma est pas mal usité, cependant Espace vital volume 1 nous rappelle à quel point rien n’est jamais trop exploité quand on a des idées.
Espace vital volume 1 s’intéresse particulièrement à Garth Sneebs, un homme de 43 ans qui, un matin, se réveille dans une chambre qui n’est pas la sienne. Marqué par l’habitude de ses rituels matinaux, Garth se lève, se rase, se lave puis s’habille, avant de découvrir qu’il s’est éveillé dans une maison qui ne l’a pas vu s’endormir. Dans le salon, cinq inconnus qui parlent la même langue : Helen, Abel, Hans, Nathan et Albert. Ce dernier, apparemment le plus expérimenté, tente de prendre sous son aile un Garth médusé. Il va falloir se rendre à l’évidence : tous se sont réveillés dans ce manoir, et chacun d’entre eux vient d’une époque différente…
Espace vitale volume 1 est ce genre de tome d’introduction qui arrive à installer une ambiance en quelques pages, avant de dérouler une construction de récit exemplaire. Il ne faut pas s’attendre à autre chose qu’une mise en place, qui multiplie les questions, les problématiques, et ne cherche pas encore à donner ne serait-ce qu’un début de réponse. Le groupe va de découverte en découverte, d’interrogation en interrogation, et de danger en danger. Pourquoi les personnages ont chacun un objet important avec eux ? Et, bon sang, pourquoi le lieu lui-même semble vouloir attenter à la vie de ces six âmes perdues ?
Un espace vital qui menace des vies…
Espace vital volume 1 prend son temps pour développer chacun des personnages, mais aussi afin que le lecteur s’approprie bien le lieu, ce gigantesque manoir qui pourra vaguement rappeler l’hôtel Overlook de Shining. Car de six protagonistes on passe à sept, tant la bâtisse gagne en caractère au fil du récit : elle devient inquiétante, comme habitée d’une vie menaçante. D’ailleurs, ce premier volume est déjà l’occasion de disparitions alarmantes, et de situations stressantes. Car si l’album est une introduction à ce nouvel univers, LF Bollée (Terra Australis, L’ultime chimère, Les Maîtres Saintiers) pousse déjà son récit en distillant des menaces qui, soyons-en assurés, se développeront dans la suite de la série.
Il faut aussi saluer le travail de l’illustrateur Fabrice Meddour (Le temps des cendres, Ganarah, Hispanola), au style réaliste et pas mal influencé par l’art de la peinture. Les jeux d’ombre sont nombreux, ils donnent à la fois au lieu et aux personnages une identité rapidement reconnaissable. Le style du duo à l’œuvre donne un résultat qui paraît cohérent, comme si la vision de l’un s’adaptait à celle de l’autre. Cela donne une patte visuelle remarquable à cet Espace vital volume 1, qui imprime bien les images dans l’esprit du lecteur.
On l’aura compris, on a apprécié ces premiers pas dans l’étrange manoir, endroit visiblement maudit et quasiment doté d’une conscience (incarnée ou pas, telle est l’une des questions). Espace vital volume 1 se termine sur une révélation qui rappelle à quel point cette situation est propice à certaines surprises pas toujours agréable, et nul doute que les prochains tomes creuseront certains doutes que le lecteur peut avoir à propos de certains personnages. C’est là l’une des nombreuses force de cette bande dessinée : elle demande à l’anagnoste du neuvième art de rester alerte tout du long, et ça fonctionne du tonnerre.
Espace vital volume 1, une bande dessinée scénarisée par LF Bollée, illustrée par Fabrice Meddour. Aux éditions Glénat, collection Grafica, 48 pages, 13.90 euros. Sortie le 22 février 2017.