[Critique] Silent Hill de Christophe Gans

Caractéristiques

  • Titre : Silent Hill
  • Réalisateur(s) : Christophe Gans
  • Scénariste(s) : Roger Avery
  • Avec : Radha Mitchell, Jodelle Ferland, Laurie Holden, Sean Bean, Deborah Kara Unger...
  • Distributeur : Metropolitan FilmExport
  • Genre : Horreur, Fantastique
  • Pays : France, Canada
  • Durée : 2h05
  • Date de sortie : 26 avril 2006
  • Note du critique : 6/10

Une ambiance impressionnante

Adaptation ciné du jeu vidéo culte de Keiichiro Toyama par l’un de ses plus grands fans, le réalisateur de Crying Freeman et du Pacte des Loups Christophe Gans, Silent Hill était hautement attendu, aussi bien par les fans du jeu que les amateurs de films d’horreur.

Et si j’avoue avoir bien aimé et avoir été assez fortement impressionnée par l’ambiance qui s’en dégage et tous ces paysages dévastés et figés sous la brume, j’ai trouvé que, narrativement, il manquait vraiment quelque chose pour qu’on y croit et que le film nous prenne aux tripes. On reste à distance un peu tout du long, y compris après la révélation de toute l’histoire derrière l’étrange malédiction qui semble toucher la ville et c’est assez dommage car certains éléments semblent du coup un peu convenus et mécaniques. Surtout, le film ne fait pas réellement peur, notamment si l’on est ne serait-ce qu’un tout petit peu familiers de l’univers visuel du jeu puisque l’on ne sera du coup pas choqués par l’apparence des monstres (très réussis par ailleurs).

Silent Hill raconte l’histoire (classique mais efficace et attachante) d’une mère prête à tout pour protéger son enfant. Rose et son mari Christopher sont les parents d’une petite fille qu’ils ont adoptée neuf ans auparavant, Sharon, et qui fait chaque nuit des cauchemars où elle ne cesse de prononcer le nom d’une ville-fantôme de Virginie, Silent Hill. Le problème étant qu’elle fait à chaque fois des crises de somnambulisme qui la mettent en danger (comme se rendre au bord d’une falaise pour tenter de s’y jeter) et adopte parfois des comportements étranges (modifier ses dessins pour les rendre effrayants) dont elle est incapable de se souvenir.

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Refusant de croire que Sharon est malade et doit être internée comme le suggère son mari, Rose décide d’emmener la petite fille à Silent Hill pendant que Christopher est au travail, espérant ainsi lui faire retrouver des souvenirs enfouis qui la soigneraient. Mais une femme apparaît au milieu de la route et Rose ne parvient pas à freiner et perd connaissance. Lorsqu’elle se réveille, elle est à Silent Hill, déserte et emplie de brume et Sharon a disparu. Elle s’élance à sa recherche…

Une approche trop distanciée

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Comme je le disais, la grande réussite du film (reconnue de manière unanime par les fans du jeu) est d’avoir su retranscrire l’ambiance pesante du jeu et ses paysages impressionnants, ses décors de ville américaine moyenne laissée à l’abandon. L’image est superbe, la réalisation de Christophe Gans, très clairement à la hauteur, donne lieu à des plans de toute beauté… Mais cette force est également la faiblesse du film car, dans les moments qui se veulent les plus flippants, ce trop-plein d’esthétisme nous tient à distance. On contemple les décors et les monstres avec fascination, bien trop pour avoir peur, d’autant plus que les créatures apparaissent immédiatement et ne sont que trop peu suggérées. D’où une certaine frustration, car on sait qu’on devrait avoir peur dans ces moments-là et on aimerait bien…

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Je n’aime pas forcément les films d’horreur très premier degré, j’apprécie que les personnages soient fouillés et que le film nous raconte une histoire avec un fond dérangeant qui prend aux tripes, émotionnellement parlant… Mais Silent Hill échoue malheureusement en grande partie pour moi là où des films comme Les Autres, Ring (et son remake US), The Descent ou The Mist se montraient remarquables. Tout d’abord, si les personnages sont
plutôt attachants et les acteurs bons, on n’en sait pas assez sur Rose, Christopher et la flic Cybill Bennett (qui se retrouve aussi à Silent Hill), d’où un certain détachement.

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Gans semble tellement occupé à nous faire découvrir l’histoire de la ville et de la jeune Sharon qu’on regrette un peu de ne pas en apprendre un peu plus sur Rose et Christopher Da Silva, qui ne font pas assez « vrais ». Rhada Mitchell et Sean Bean ont beau être tout à fait crédibles, leurs personnages ne s’incarnent jamais tout à fait et nous laissent un peu en plan, trop occupés à chercher et à survivre. Le même commentaire s’applique pour Cybil Bennett, très bien campée par Laurie Holden, mais qui se contente de suivre Rose, puis de tirer sur les monstres, de tenter de les protéger sans jamais que son personnage ne révèle une autre dimension. Peut-être est-ce là un travers lié à l’adaptation d’un jeu vidéo, qui s’appuie plus sur une ambiance mystérieuse que sur des personnages fouillés.

Fanatiques, faites-moi peur!

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Quant à l’histoire et au fond, pour le coup, je trouve que ça tombe plutôt à plat, contrairement aux films d’horreur nommés plus haut. Tous les ingrédients sont là (une petite fille flippante, une critique du fanatisme religieux, un fond psychanalytique…) mais la sauce ne prend jamais vraiment et lorsque la vérité sur les origines de Sharon/Alessa et la malédiction de Silent Hill est révélée, là encore, la déception pointe : les fils sont trop visibles et la « révélation » guère surprenante pour qui a vu ne serait-ce que Ring. Et, si l’ensemble se tient, on reste un tant soit peu détaché. Le film est très agréable à regarder et n’ennuie à aucun moment, mais je ne me suis guère sentie touchée ou ne serait-ce que troublée.

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Je suis d’habitude très réceptive aux films de genre qui proposent une critique de la manière dont la religion a stigmatisé les femmes, n’hésitant pas à traiter de putains ou de sorcières celles qui sortaient du « droit chemin », mais là, je dois dire que cela m’a paru très artificiel et je ne suis pas parvenue à adhérer à cette dimension, très maladroitement amenée et gérée. Il aurait fallu que les fanatiques soient véritablement terrifiants, or, ils ne le sont à aucun moment, même lorsqu’ils s’apprêtent à commettre des actes atroces. Ils manquent singulièrement de folie ou plutôt, celle-ci semble bien trop scénarisée pour paraître réelle.

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Si seulement on avait pu comprendre comment la secte avait réussi à embobiner et captiver ses membres, si seulement les héroïnes avaient été séduites (et les spectateurs par leur biais, donc) avant que la nature véritable de ces « braves gens » (qu’on devine à des kilomètres dès la première confrontation) ne soit révélée, on aurait en revanche pu ressentir un vertige et un malaise véritables. Le personnage de Marcia Gay Arden dans The Mist, évangéliste folle furieuse mais troublante car un certain nombre de ses dires se vérifient, est l’exemple même du type de fanatique flippante car il sert de révélateur terrifiant de l’aspect primitif de la nature humaine. L’escalade dans la terreur doit beaucoup à ce personnage et c’est clairement ce que Silent Hill s’évertue à faire sans jamais y parvenir. Du coup, les moment gore de la fin perdent singulièrement de la force qu’ils auraient dû avoir : on fait « beurk », mais sans avoir peur.

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Au final, Silent Hill est un film plaisant à regarder et plutôt prenant, impressionnant par ses images et son ambiance, superbes et glaçantes à la fois, mais qui échoue malheureusement à faire peur et échoue également d’un point de vue narratif et émotionnel. Reste que la jeune Jodelle Ferland (déjà géniale et complètement barrée dans Tideland de Terry Gilliam), avec son regard tour à tour innocent et maléfique, est bel et bien ce qu’il y a de plus terrifiant dans le film de Christophe Gans et c’est à elle que l’on doit les plus grands moments de tension de Silent Hill. Lors de la dernière très belle séquence, son personnage distille même très efficacement une peur sourde… mais le film est déjà terminé. Dommage !

Commentaire sur le Blu-Ray : Silent Hill est définitivement un film à apprécier en Blu-Ray. L’image est vraiment superbe
et rend justice à la mise en scène de Gans et à la photographie de Dan Laustsen. Si vous avez un bon home cinema, le son devrait également en jeter.
D’ailleurs, à ce propos, Akira Yamaoka, responsable de la musique et des sons du jeu, a collaboré avec le cinéaste sur ces derniers, pour un résultat très réussi.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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