[Critique] Ghost In The Shell : une adaptation à moitié réussie

Caractéristiques

  • Titre : Ghost in the Shell
  • Réalisateur(s) : Rupert Sanders
  • Avec : Scarlett Johansson, Pilou Asbæk, Michael Pitt, Takeshi Kitano, Juliette Binoche
  • Distributeur : Paramount Pictures
  • Genre : Science-fiction
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 106 minutes
  • Date de sortie : 29 mars 2017
  • Note du critique : 6/10

Il fallait oser

L’adaptation « live » de Ghost In The Shell, voilà un projet qui a fait réagir tout au long de sa production. Les doutes des fans du manga (et de l’animé), les réticences face au nom du réalisateur, celles qui ont suivi l’annonce du casting, on peut écrire que ce film s’est monté contre vents et marées. On pouvait aussi se demander comment le long métrage allait se dépatouiller de l’aura de l’œuvre initiale, pleine de panache certes mais aussi fortement philosophique, pas vraiment le type de film qui cartonne en ce moment dans les salles obscures. On était donc très curieux de découvrir ce Ghost In The Shell, car les plus belles surprises ne peuvent venir que de là où on ne les attend pas.

Le scénario de Ghost In The Shell est sans aucun doute ce qui est disséqué en premier. On ne va rien vous spoiler, mais sachez qu’il ne nous a pas vraiment convaincu. Comme écrit plus haut, l’œuvre d’origine (et son adaptation en animé), se construisait sur une approche profondément humaine et philosophique : il y est question de définition d’un être vivant, de ce qui fait la différence, ou les rapprochement, entre un Homme et un robot ayant conscience de son existence. Si la problématique du film provoque bel et bien quelques interrogations sur le Major (Scarlett Johansson), on ne peut malheureusement pas penser que celles-ci sont suffisamment profondes pour rejoindre le traitement du manga d’origine, brillamment écrit par Masamune Shirow. On trouve certes de l’émotion, de cette sève capable de provoquer le questionnement, mais elle est utilisée pour un conflit finalement superficiel.

Un scénario en dessous du manga et de l’animé

image scarlett johansson ghost in the shell

Qui dit cinéma dit codes qui vont avec, et d’autant plus quand les œuvres produites sont destinées à faire le plus d’entrées possible, histoire de rentabiliser un budget. Pour faire clair, il ne faut pas provoquer la méfiance chez la cible potentiel, notamment en proposant un spectacle qui tiendrait plus de 2001 que de Deadpool. Ghost In The Shell version cinéma allège donc le rapport philosophique entre humains et robots, en mettant en place une intrigue finalement assez bateau, et qui plaira certainement à un auditoire pas spécialement connaisseur. C’est d’ailleurs loin d’être disqualifiant : la tonalité plutôt légère du récit, en terme de réflexion, joue en la faveur d’un divertissement plutôt efficace, et qui sait aussi créer des sentiments. Écrivons, simplement, qu’invoquer un tel titre et ne pas l’utiliser pour ce qui en a fait une œuvre culte… c’est un peu dommage.

Nous vous écrivions que nous ne spoilerions rien du scénario, et on va s’y tenir. Seulement, il faut tout de même signifier que le choix de Scarlett Johansson (Ave Cesar !, Scoop) pour le rôle principal se justifie de par le scénario lui-même. Les accusations autour du prétendu «  »whitewashing » (mot barbare utilisé sur Twitter par des pseudo-marginaux fans de Marvel et équipés d’un smartphone) se brise devant un petit retournement de situation pas spécialement bluffant mais plutôt appréciable. Ghost In The Shell n’a rien à prouver à qui que ce soit de ce côté : son fondamental est léger mais bon, clairement marqué par une envie de réunir, et non de séparer. On en veut pour preuve la séquence du début, qui voit cohabiter africains, asiatiques, européens… et robots. Certes, il ne faut pas trop faire attention quand se déchaîne une certaine frange de la population sur les réseaux sociaux, mais nous devions signaler que, comme souvent, elle se trompe lourdement. Pour rester dans le sujet du casting, il faut aussi signaler la très bonne prestation de Takeshi Kitano (comme toujours, en fait), et même la bonne surprise Pilou Asbaek (Lucy, A War, Ben-Hur), qui apporte un peu de cette spécificité au rôle de Batou : rien par les yeux, tout par le visage.

De bonnes surprises côté casting

image film ghost in the shell

Avec sa philosophie bazardée au profit d’un scénario accessible mais pas idiot, Ghost In The Shell peut ravir le nouveau venu, et décevoir le fin connaisseur (encore que, tout ceci est relatif). Par contre, s’il est bien un critère sur lequel les deux parties vont se rejoindre : c’est le formel. Alors oui, certains pesteront sur cette envie de faire de l’animé live, en faisant remarquer notamment qu’à force on se demande pourquoi Rupert Sanders n’a pas réalisé un film d’animation. Remarque qui, d’ailleurs, se justifie quand certains plans trop ambitieux dévoilent des CGI incapables de recréer le réel, alors que le dessin ne souffre pas de telles difficultés. Ceci est une impression subjective, par contre objectivement il est impossible de ne pas remarquer l’incroyable folie visuelle qui s’exprime tout du long de ce Ghost In The Shell. Sans trop vous la décrire, car elle ne se savoure que sur grand écran, la cité futuriste est une sacrée réussite, la direction artistique du film donnant de très jolis fruits. On pense notamment à ces flèches sur le sol, qui rappelleront beaucoup de choses aux amateurs d’open worlds côté jeu vidéo.

La représentation de l’univers est une réussite, et l’action de Ghost In The Shell s’avère aussi plutôt étonnante. Le montage ne part pas dans tous les sens, c’est toujours lisible, tant mieux. On a cependant quelques réserves sur l’envie de Rupert Sanders de donner dans la pose : Scarlett Johansson semble parfois jouer dans une pub pour parfum, certes classe mais tout de même trop accentuée. On retrouve aussi pas mal de plans iconiques de l’œuvre originale, ce qui ne manquera pas d’émouvoir les cœurs des fins connaisseurs. D’ailleurs, signalons que certains passages obligés sont bien présents, notamment un certain combat avec un tank, même si globalement l’impact est moins fort, sans être décevant pour autant. On s’attendait à un résultat bien en-dessous de ce que Mamoru Oshii a pu livrer avec l’animé, et sur le point précis du grand spectacle c’est une impression qui se révèle erronée : on prend plusieurs fois son pied, et quelque part c’est le principal.

Finalement plus réjouissant que ce qu’on pouvait en attendre

image cinema ghost in the shell

Pour terminer, impossible de ne pas coucher quelques mots concernant la bande originale du film, signée Clint Mansell (Pi, Moon, High Rise) et Lorne Balfe (13 Hours, Terminator Genisys). On apprécie leur envie de coller au résultat glaçant de ce qu’a pu donner le travail de l’immense Kenji Kawai (compositeur sur l’animé). Seule petite retenue, l’utilisation des sonorités semble un peu moins intelligente, moins sciemment distillée, même si globalement cela atteint un très bon niveau. Au final, Ghost In The Shell est loin d’être la catastrophe tant redoutée, et le résultat pourra parfaitement convenir à un public en quête d’un divertissement (très) captivant, et d’un fond pas bête. Par contre, les fans absolus de l’œuvre originale pourront faire la grimace pendant quelques séquences, en hurlant à la simplification d’un propos pourtant important. Dès lors, il est clairement impossible de ne pas voir en Ghost In The Shell une réussite au moins partielle, et nous sommes certains que le film sera vécu pour le mieux en salles. C’est donc très au-dessus de ce qu’on pouvait en attendre, donc plutôt une bonne surprise.

Retrouvez également la critique (beaucoup plus réservée) de Mark Wayne :

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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