Caractéristiques
- Titre : Song to Song
- Réalisateur(s) : Terrence Malick
- Avec : Ryan Gosling, Rooney Mara, Michael Fassbender, Natalie Portman, Cate Blanchett, Patti Smith...
- Distributeur : Metropolitan FilmExport
- Genre : Drame
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 2h08
- Date de sortie : 12 juillet 2017
- Note du critique : 7/10 par 1 critique
Une énergie nouvelle et une approche quasi-documentaire
Après deux dernières expérimentations filmiques ayant quelque peu laissés perplexes de nombreux cinéphiles, y compris ceux qui le portaient auparavant aux nues, Terrence Malick est de retour avec Song to Song, romance musicale à la fibre documentaire filmée durant les différents festivals accueillis par Austin au Texas. En dehors du quatuor de stars portant le film, on apercevra ainsi Patti Smith, Iggy Pop, Lykke Li ou encore (le temps de 2 plans) Florence Welch de Florence + the Machine. Cet étonnant mélange a visiblement dynamisé le cinéaste, qui, en dépit d’une intrigue loin d’être folichonne, réussit à transcender son sujet à travers une réalisation toujours aussi sensorielle, avec de beaux moments aériens, tout en étant assez différente, plus brute et moins abstraite, que ce qu’il a pu proposer dernièrement. Pour le dire clairement, Malick ne s’auto-caricature plus comme il avait pu le faire dans A la merveille (2013), qui s’était avéré assez clivant, aussi bien par sa mise en scène que le traitement de thèmes désormais rabâchés.
Tout en tournant autour de thématiques similaires concernant l’amour et la perte d’innocence, mais aussi l’opposition entre un monde matérialiste et une nature faisant écho aux besoins de sacré de l’être humain, Song to Song étonne par sa vitalité et donnerait presque l’impression d’avoir été réalisé par un jeune homme. Loin d’être figé, le style Malick se remet ici régulièrement en question, multipliant les plans en caméra portée ou les séquences en coulisses avec les artistes dans un style documentaire plus brut qu’à l’accoutumée, qui vient l’empêcher de tomber dans certains travers de ses deux précédents films. Les moments backstage et les plans filmés depuis la scène insufflent une énergie différente à ce long-métrage, donnent le sentiment d’une plus grande spontanéité. On trouvera également de nombreux exemples de jump cut utilisés avec pertinence et, bien entendu, des scènes d’intimité plus malickiennes, se passant généralement de dialogues tandis que les personnages s’expriment en voix-off en de longs monologues intérieurs pour exprimer ce qu’ils n’osent se dire de peur de rompre le charme ou d’être confrontés à la désillusion.
Un équilibre réussi entre expérimentations formelles et rêverie contemplative
Si ces fameux monologues intérieurs feront sans doute soupirer les spectateurs qui considèrent cette composante centrale de ses films comme un tic, ces derniers sont dans l’ensemble plutôt réussis, tout en étant plus bavards et moins forts que ceux du Nouveau Monde (2005), par exemple. L’écriture est plus directe, moins poétique, et a parfois tendance à formuler des choses un peu évidentes, mais l’excellent travail sur le montage permet de ne pas trop s’en formaliser. Les plans solaires sur Rooney Mara, entre candeur et désillusion, sont d’une justesse constance et permettent de nous rendre son personnage et ses errances plus sympathiques qu’ils ne le sont en réalité. Car, de quoi parle, au final, Song to Song ? D’artistes cherchant leur voie et la réussite, ainsi qu’une certaine forme d’absolu qui n’est au final qu’assez illusoire et qui tombent amoureux, simulent ou se trahissent tout du long. Certains obtiendront le pardon, d’autres pas.
Classique donc et, en dépit de beaux moments (le personnage de Ryan Gosling et son père mourant, Rooney Mara passant de Michael Fassbender àGosling le temps d’une séquence où elle danse à la manière de Q’orienka Quilcher dans Le Nouveau Monde), l’aspect purement narratif du film, bien plus développé que dans A la merveille et Knight of Cups, ne passionne pas forcément outre mesure. Le casting est juste, avec une mention toute particulière pour les actrices (Rooney Mara, Natalie Portman, Cate Blanchett, mais aussi Holly Hunter), qui semblent plus particulièrement intéresser Terrence Malick, tandis que Ryan Gosling et Michael Fassbender s’avèrent convaincants dans des rôles où ils restent finalement dans leurs emplois habituels. L’utilisation de la musique, moins classique que précédemment (on retrouve certes du Mahler et du Ravel, mais aussi un morceau live quasi-incantatoire de Patti Smithà la puissance électrique, et de nombreux titres de rock indé), fait aussi partie des points positifs qui viennent bousculer les codes du cinéaste et donner du corps au film.
Song to Song, sans être le chef d’œuvre que beaucoup attendent du réalisateur de La Balade sauvage et Tree of Life à chaque nouveau film, est donc une belle manière de clôturer ce qui ressemble à une étrange trilogie expérimentale et sentimentale. Alors qu’il s’apprête à s’engager sur un nouveau projet historique avec une équipe technique complètement différente (edit : Une vie cachée), Terrence Malick continue à faire fi des reproches de ses admirateurs, parfois un peu décontenancés par ses derniers partis pris, mais, alors qu’on pouvait regretter qu’il flirte dangereusement avec l’auto-caricature contemplative dans A la merveille et Knight of Cups, il trouve ici un équilibre délicat entre ses expérimentations formelles et ses thèmes de prédilection. Austin et ses festivals de rock-phares (Austin City Limits, South by Southwest et Fun Fun Fun Fest) l’ont visiblement inspiré et dynamisé, lui permettant d’insuffler une énergie nouvelle et des contrastes assez frappants à ce Song to Song rempli de grâce en dépit d’une intrigue convenue dont les tenants et aboutissants apparaissent finalement secondaires.