Caractéristiques
- Titre : Blade Runner 2049
- Réalisateur(s) : Denis Villeneuve
- Avec : Ryan Gosling, Harrison Ford, Ana de Armas, Sylvia Hoeks, Robin Wright, David Bautista, Mackenzie Davis
- Distributeur : Sony Pictures Releasing France
- Genre : Science-fiction
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 163 minutes
- Date de sortie : 4 octobre 2017
- Note du critique : 4/10 par 1 critique
Une très belle coquille vide
Blade Runner 2049 est le genre de suite que l’on n’attendait pas. Trente cinq ans après le classique de Ridley Scott, voilà qu’une séquelle pointe le bout de son nez, et toute auréolée d’un succès critique américain qui ne peut que résonner à l’heure de découvrir l’œuvre. Il faut dire qu’on peut largement y croire, en rentrant dans la salle. Car, à la tête du projet, on trouve nul autre que l’un des réalisateurs les plus doués de son époque : Denis Villeneuve. Film typiquement casse-gueule, Blade Runner 2049 avait au moins l’assurance de ne pas décevoir les amateurs d’oeuvres formellement efficaces. Ne restait plus qu’à convaincre sur tout le reste. Et là…
Blade Runner 2049 porte dans son titre l’époque au sein de laquelle il se déroule. Trente ans après les événements issus du premier film, la Terre a connu le Black-Out, sorte de bug de l’an 2000 en version bien taquine. Une catastrophe nucléaire est également évoquée, sans grands détails. On sait juste que ça a explosé, histoire de poser un contexte. C’est dans un Los Angeles toujours aussi futuriste que l’intrigue prend place, et il sera bien entendu question de Replicant, d’humains, et de questionnement sur les frontières qui séparent ces deux entités. Sans ne rien spoiler, sachez qu’une enquête va prendre forme, et qu’elle emmènera l’officier K, androïde de son état, à croire aux miracles.
Une histoire qui ne laissera aucune trace
Autant rentrer de suite dans le vif du sujet : Blade Runner 2049 porte plusieurs stigmates. La première est celle d’un script carrément atrophié. Hampton Fancher et Michael Green, les scénaristes, livrent l’exact inverse du premier film. Si, dans celui-ci, le doute était permis concernant l’humanité de Rick Deckard, dans la suite nous sommes en permanence questionnés sur l’inhumanité de l’officier K. Celle-ci explose lors d’une ouverture mouvementée, face à un adversaire surpuissant, incarné par le très baraqué David Bautista. Puis, petit à petit, la séquelle nous impose un cheminement intellectuel déjà vu cent fois ailleurs. On pense notamment à tout le discours sur l’intelligence artificielle, ici représentée par l’hologramme Joi (la très séduisante Ana de Armas). On assiste à un discours peu profond, une sorte de 2001, l’odyssée de l’espace pour les nuls. Si cette amourette impossible a une incidence directe sur le devenir de l’officier K, écrivons qu’elle ralentit un rythme déjà très, très accroché.
Chez Culturellement Vôtre, nous n’avons rien contre les films contemplatifs, bien au contraire. On a cité le classique de Kubrick, mais La ligne rouge, Valhalla Rising, et plein d’autres font partie des œuvres les plus régulièrement discutées au sein de la rédaction. Il ne faut pas confondre contemplatif et ennuyeux. Malheureusement, Blade Runner 2049 fait les frais de cette nuance. L’enquête policière est sûrement la grande coupable de cette constatation. Elle ne contient pas un gramme du suspense lancinant qui traversait Blade Runner. Le film de Denis Villeneuve ne sait pas jouer avec le spectateur, créer du rebondissement, et encore moins distraire aux moments opportuns. Il suffira au spectateur d’être moyennement attentif, et le final (que l’on ne dévoilera pas d’une miette, rassurez-vous) perdra grandement en impact émotionnel. Certaines séquences font tellement dans la répétition qu’on ne peut que se demander ce qu’elles fabriquent dans le montage final, ce qui constitue un indice assez probant. Et ça ne loupe pas, puisque la conclusion se rapporte directement à ces scènes rébarbatives…
Ryan Gosling, ce n’est plus possible
L’un des éléments les plus incompréhensibles est, malheureusement, le manque d’impact du grand méchant, incarné par un Jared Leto loin d’être mauvais. Blade Runner 2049 souffre de l’absence de présence physique de cet antagoniste carrément raté. En terme de temps d’apparition (et le film dure plus de 2h40 !), de mise en situation, tout est incroyablement inférieur au danger que représentait Rutger Hauer. Bien évidemment, comparer est de toutes manière voué à l’échec, tant le final de Blade Runner a marqué l’Histoire du cinéma. Mais on s’attendait tout de même à une dimension plus imposante. Ses quelques situations ont, de plus, le mauvais goût de rabâcher, ce qui ne fait qu’ajouter à l’impression très lourde laissée par l’œuvre. On pense souvent à David, l’androïde incarné par Michael Fassbender, dans Alien Covenant. Ils ont en commun une utilité philosophique, mais pèchent par une inconsistance dramatique flagrante.
Blade Runner 2049 a aussi un sacré handicap : son acteur principal. Voilà, l’auteur de ces quelques lignes vous l’avoue : ce n’est plus possible. On aura beau rétorquer que Ryan Gosling est utilisé pour son jeu monolithique, ça ne passe plus. Il était déjà transparent dans La La Land, ici il se surpasse. Alors oui, il joue un androïde, donc ses fans les plus hardcores pourront essayer de s’accrocher aux dernières branches d’un arbre qui commence à ressembler à une sacrée arnaque. Oui, il est stoïque, mais rien ne justifie ce regard bovin, cette présence dans l’espace proche du néant. De plus, la justification par le rôle a des limites dans ce film. Son personnage doit marquer une évolution, fine mais assez marquée. Il n’y arrive pas. Pire, il est à s’en « facepalmer » le front, sur certains gros plans en face caméra. Heureusement, ça va beaucoup mieux quand l’action explose. Problème, c’est très, très rare. Pour tout vous dire, on a eu une discussion en sortant de la projection, et l’on se demandait quand Ryan Gosling était vraiment bon ? La réponse fut saisissante : à l’occasion d’un très beau plan… alors que son visage est plongé dans un contrejour.
Une tronche de porte-bonheur
Blade Runner 2049, ce n’est pourtant pas que de mauvaises choses, loin de là. Il est impossible de ne pas applaudir, des quatre membres, l’incroyable réalisation signée Denis Villeneuve. Sa science du cadre, du « laisser tourner », dénote dans le paysage cinématographique actuel. Plusieurs fois, on s’est fait la remarque : « ça, c’est le plus beau plan que j’ai vu depuis un moment ». Par contre, la direction artistique est plus sujette à discussion. Le Los Angeles de cette suite est très propre sur lui, et bien moins charismatique que dans le classique de Ridley Scott. Pourtant, une explosion nucléaire a eu lieu pas très loin, mais visiblement, ça a nettoyé les sols, certes poussiéreux, admettons-le. Aussi, les séquences de vols en voiture sont ébouriffantes. Problème, elles sont vides de vie. L’engin de l’officier K est parfois désespérément seul, ça pétille infiniment moins que dans Blade Runner. Certains avanceront que c’est fait exprès, que c’est pour mettre en avant l’état d’esprit du personnage campé par Ryan Gosling. Cela nous paraît faux, et l’impact sur l’impression est trop fort pour que cela soit une bonne idée. Enfin, Hans Zimmer et Benjamin Wallfisch livrent une excellente bande originale, c’est toujours ça de pris.
Pour terminer ce constat assez terrible, une observation s’impose. Certes, Blade Runner 2049 est plus récent que son prédécesseur, mais il fait beaucoup plus vieillot. Triste précision, qui se fonde sur l’intégralité des arguments étayés au-dessus. Le rythme anémique y est pour beaucoup (c’est long, beaucoup trop long), mais aussi les intentions qui portent cette œuvre. Elle souffre de défauts inhérents au concept de suite tournée des dizaines d’années plus tard. Comme Indiana Jones 4, l’effort de Denis Villeneuve porte atteinte à sa base, et d’une manière si fatale qu’on se demande le pourquoi du comment d’une telle production. Qu’on se le dise : si Blade Runner a atteint le stade de film culte, toujours apprécié plus de trente ans après, c’est surtout grâce au doute. Replicant, ou pas ? Les réponses fusent de partout, sur Internet ou même de personnalités en fin de carrière. Mais le jeune spectateur peut regarder le film, vierge de tout avis, et se prendre la baffe du doute. La suite lui retire toute cette hésitation salvatrice, imposant Rick Deckard comme un androïde. Cette séquelle ne propose aucun questionnement qui perdurera après le visionnage, et l’on peut parier que le public aura oublié Blade Runner 2049 bien vite…
Retrouvez notre avis positif, écrit par Guillaume Creis.