[Critique] Le Spécialiste : quand Corbucci rencontre Hallyday

Caractéristiques

  • Titre original : Gli Specialisti
  • Réalisateur(s) : Sergio Corbucci
  • Avec : Johnny Hallyday, Françoise Fabian, Sylvie Fennec, Gastone Moschin, Mario Adorf, Serge Marquand
  • Distributeur : TF Vidéo (vidéo)
  • Genre : Western Spaghetti
  • Pays : Italie, France, Allemagne
  • Durée : 99 minutes
  • Date de sortie : 1969
  • Note du critique : 6/10

Un western spaghetti plein de spécificités

Désormais disponible dans un Blu-ray de très belle qualité, chez TF1 Vidéo, Le Spécialiste se rappelle à notre bon souvenir. Pourtant, on ne peut pas écrire qu’il s’agit d’un des films les plus en vue de son réalisateur, Sergio Corbucci, grande figure du cinéma italien des années 1960-1970. Et plus particulièrement du western dit « spaghetti », même si ses contributions à la comédie ont aussi laissé des traces chez les amateurs de ce style. Django, Le Grand Silence, Le Mercenaire, Far West Story, Les Cruels, chacun auront procuré parmi les meilleures émotions du genre, notamment grâce à l’écriture de personnages au destins christiques, qui doivent endurer bien des épreuves afin d’atteindre un objectif particulièrement ardu. Le Spécialiste s’inscrit typiquement dans cette démarche, mais nous allons voir que le long métrage est marqué par d’autres envies, parfois intéressantes.

Le Spécialiste ne peut cacher la motivation de sa production. Sur l’affiche du film (bien plus savoureuse que la jaquette du Blu-ray, soit écrit en passant), on voit son nom dominer sa silhouette à cheval : Johnny Hallyday hante le projet. On ne saura sans doute jamais si c’est ce dernier, fin cinéphile, qui a poussé la mise en chantier de cette production. Ou si les financiers ont surtout voulu surfer sur l’aura de l’idole des jeunes. À moins que ce ne soit les deux à la fois. Toujours est-il que le long métrage a connu un succès plus qu’honnête en France, et beaucoup moins à l’international. Une percée qui s’explique, avant tout, par la très bonne image du chanteur, et le caractère très inconditionnel des fans. Mais pas que. Le western à l’italienne cartonnait dans les cinéma de quartier de l’hexagone, et ces deux piliers ont assuré au film un retentissement assez malin.

Un scénario trop décousu

image film le spécialiste
Johnny campe un héros très eastwoodien.

Pourtant, Le Spécialiste n’est pas le meilleur effort de Sergio Corbucci, loin s’en faut. Le film raconte une histoire finalement assez classique et, plus problématique, un brin hachée. Johnny Hallyday incarne Hud Dixon, un tueur parmi les plus efficaces de l’Ouest. Il est en chemin pour Blackstone, bourgade vérolée par les intérêts d’argent, mais surtout tombeau du frère du pistolero. En effet, le frangin s’est fait lynché pour des raisons bien étranges, et Hud arrive pour tout mettre au clair. Seulement, sur place, il va falloir composer avec le shérif, qui a désarmé la ville. Tandis que la menace El Diablo, chef d’une bande de bandits sanguinaires, attirés par l’odeur du dollar, plane sur les protagonistes. Tout cela finira, vous vous en doutez, par une rencontre très tendue.

Le Spécialiste enquille les passages obligés du genre, sans la moindre envie de contourner les déjà-vus. Attention, cela n’a pas valeur négative de notre point de vue : le classicisme des situations, chez Sergio Corbucci, a quelque chose de savoureux. Par exemple, le saloon sera l’endroit d’une bagarre, mais pas du genre « coup de poing finalement inoffensif ». Aussi, le passage au cimetière intervient de manière attendue, mais il est habité par un croque-mort assez drôle pour divertir, au lieu de plomber le rythme. En parlant de plomber, l’action parvient aussi à sauver le film d’une certaine incertitude du récit. On est témoin de tonnes de séquences visiblement scénarisée à la va-vite, mais dont la finalité très pêchue garantie un minimum d’impact. Le spectacle pétaradant est là, et c’est déjà pas si mal.

Le réalisateur place quelques thèmes qui lui sont chers

image le specialiste
Un western spaghetti très classique dans l’ensemble.

Le Spécialiste est même l’occasion, pour Sergio Corbucci, de se laisser aller à une petite critique de son époque. Rien de bien acide, mais c’est tout de même assez appuyé pour qu’on relève cet élément. La soif de l’argent est au centre de l’intrigue : Blackstone est hantée par elle, par le fait que la banque, tenue par la perfide Virginia Pollywood (Françoise Fabian, qu’on a déjà vu beaucoup plus impliquée) a arnaqué les braves habitants. Ces derniers étant sur le point de craquer, délestés de leurs économie. Une atmosphère explosive donc, au sein de laquelle le scénario incertain rajoute quatre gamins assez improbables, habillés comme des hippies de l’Ouest. Ces derniers fomentent bien des sales coups, sont hors de contrôle, jusque dans un final assez hallucinant où ils forcent la population à se déshabiller, avant de ramper sur le sol boueux. Une vision rageuse de l’époque (rappelons que le film fut tourné en 1969, en plein cœur du courant contestataire) ? On n’ira pas jusque là, mais c’est tout de même assez parlant.

Du reste, Le Spécialiste reste un film mineur de son réalisateur, mais largement regardable, voire même savoureux. La photographie, assurée par Dario Di Palma (Romulus et Remus), est parmi les plus travaillées des travaux de Sergio Corbucci. Le casting, malgré d’évidents coups de moins bien, surtout dans le cas de la très peu intéressée Françoise Fabian, assure aussi une prestation globale plus qu’acceptable. Il est seulement dommage que l’histoire connaisse bien des creux, la faute à un terrible manque de liant entre les séquences. Aussi, on regrette que la musique du pourtant doué Angelo Francesco Lavagnino (Le Colosse de Rhodes, Othello) manque cruellement de force. Aucun thème n’accompagne réellement la personnalité de Hud, et c’est une véritable carence. Au final, Le Spécialiste a toute sa place dans une vidéothèque cinéphile, plus pour ses spécificités liées à son metteur en scène, que pour ses qualités cinématographiques bien présentes, mais parfois hésitantes.

Notez que la bande annonce n’est pas tirée du master de l’éditeur TF1 Vidéo. Enfin, retrouvez le test du Blu-ray.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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