[Critique] Halloween : un opus qui crée le débat

Caractéristiques

  • Réalisateur(s) : David Gordon Green
  • Avec : Jamie Lee Curtis, James Jude, Judy Greer, Andi Matichak
  • Distributeur : Universal Pictures International France
  • Genre : Horreur
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 109 minutes
  • Date de sortie : 24 octobre 2018
  • Note du critique : 5/10

Michael n’est plus le Meyer

image jamie lee curtis halloween 2018
Jamie Lee Curtis incarne une Laurie Strode survivaliste.

L’approche du 31 octobre est toujours l’occasion rêvée pour parler du cinéma d’épouvante. Si l’on se range du côté d’un constat plutôt alarmant, même si Netflix est entrain de changer la donne, on continue d’y croire, vaille que vaille. Et même quand on nous annonce un nouvel Halloween, après des itérations calamiteuses signées Rob Zombie, la curiosité est toujours vivace. Est-elle récompensée avec l’opus signé David Gordon Green ? On est bien tenté par une réponse du pur Normand…

Halloween cuvée 2018, c’est tout de même pas mal d’éléments douteux, sur le papier. En premier lieu, on ne pouvait que se demander ce qu’allait donner la réalisation de David Gordon Green, metteur pas du tout habitué au genre. Un rapide tour d’horizon sur sa carrière fait apparaître de la comédie pas spécialement drôle (aïe), comme Baby-sitter malgré lui, ou du drame tire-larme bien moyennasse (Manglehorn). Tout de même, Joe est à relever, film assez puissant avec un Nicolas Cage bien dirigé. Pas de quoi fouetter un chat donc, du moins, et encore une fois, sur le papier. Côté scénario, c’est un peu plus folichon, puisque la tendance est à la suite du chef-d’œuvre de John Carpenter, et non un reboot, remake, ou autre mauvaise idée de cet ordre. Aussi, les travaux immondes de Rob Zombie sont jetés aux oubliettes. Hell yeah !

Ce constat effectué, il est grand temps d’en venir à ce qui vous intéresse, la qualité de l’œuvre finie. Comme le stipule le titre de cet article, Halloween crée le débat, et même au plus profond de la psyché de votre humble serviteur, décidément loin d’être seul dans sa propre tête. Débutons par la plus belle surprise du film : la réalisation de David Gordon Green se révèle plus intéressante qu’espéré, plus stylisée. Ce sera aussi un reproche formulé plus bas, mais écrivons ici que le metteur en scène réserve quelques séquences qui marquent le spectateur. Sans ne rien vous dévoiler, sachez qu’il parvient à allier les références directes au Halloween originel, et de véritables tours de force formels. Les esthètes se régaleront d’une lumière divine, signée Michael Simmonds. Par contre, c’est dans le fond qu’on est beaucoup moins séduit.

Adieu la silhouette, bonjour l’amorce

image halloween 2018
Quelques effets gores assez carabinés.

David Gordon Green s’empare d’une franchise culte pour mieux parler de l’Amérique de 2018. Cette intention, on ne parvient toujours pas à la comprendre. Pourquoi ne pas aller au bout des choses, laisser Halloween et son croquemitaine tranquilles, et inventer un nouvel univers ? La question revient, à chaque énième opus d’une série populaire, et la réponse est toujours assez difficile à capter. Manque de courage ? Volonté de « pervertir » l’esprit originel ? Non, n’allons pas trop loin. Seulement, on ne peut que regretter la modification fondamentale qui accompagne ce nouveau Michael Myers. Il est dit, par l’un des personnages, que le croquemitaine n’est plus d’actualité, que désormais ce sont les tueurs de masse qui retiennent l’attention. Outre que cet argument est d’une bêtise assez gratinée, marquée par un cynisme effectivement très 2018 que l’on est en droit de vouloir combattre, il accouche d’un traitement maladroit.

Halloween se déroule quarante ans après le massacre filmé par Carpenter. On retrouve Laurie Strode, incarnée par une sublime Jamie Lee Curtis, devenue  une sorte de survivaliste hardcore, assez cinglée sur les bords. Ainsi préparée pour l’inévitable retour de Michael Myers (James Jude Courtney, qui manque d’envergure), elle affiche une certaine maitrise, malgré les distances prises avec sa propre famille, laquelle en avait un peu ras le bol de la vieille hystérique de service. Prenons le temps d’une respiration. Oui, on peut penser que David Gordon Green dessine, au loin, une sorte d’ode à l’auto-défense. D’ailleurs, certains confrères ne se sont pas gênés pour tomber dans le piège, et ainsi saluer l’écriture du personnage, en pointant le féminisme qui s’en dégage.

Dans les faits, Strode est montrée comme folle, très clairement. Le réalisateur en est-il conscient ? C’est possible : quand il la filme, se projetant hors de sa bagnole, toute armes dehors, provoquant une peur panique aux personnes qui l’entourent, on peut y voir une critique de cette volonté de se faire justice. Idem quand un personnage glisse, au détour d’une discussion, que la place de Myers est au fond d’une taule, pas au centre d’un jeu de massacre. Oui, messieurs les humanistes pro-vendetta, la meilleure solution reste de punir de manière non-létale. Bisous.

Le scénario est d’une bêtise inoffensive, mais tout de même appuyée, donc ces personnes peuvent y trouver un certain écho. Tout débute par la volonté de pervertir le concept même de Michael Myers. Adieu la silhouette fantomatique, au revoir à jamais les entrées de champ saisissantes. Le croquemitaine n’est plus, il se révèle un antagoniste lambda : une simple amorce. Pour bien s’en rendre compte, il faut comprendre la signification du fameux plan-séquence, véritable attraction de cet Halloween. Vous ne pourrez pas le louper. On y voit Myers déambuler de pavillon en pavillon, trucidant à tour de bras. C’est certes formellement jouissif, mais on perd tout sens du mystère. L’homme au masque devient alors un méchant sans trop de charisme, dénué de la dimension qui en faisait autre chose qu’un simple tueur tout droit sorti de Souviens-toi l’été dernier.

Pas un mauvais film pour autant

Une fois le croquemitaine déchu, Halloween enchaine les déconvenues. Les incohérences fleurissent, et les moments totalement surréalistes nous ont même arraché un ou deux rires bruyants. David Gordon Green ne parvient pas à éviter les clichés absolus, comme ce personnage qui, au lieu de prendre la fuite au volant d’une voiture disponible (il lui suffit de passer du siège arrière au volant), préfère prendre la fuite dans une forêt plongée dans une nuit bien profonde. Comment peut-on se réclamer d’un esprit 2018, tout en se fourvoyant dans une telle idée ? On pourra aussi regretter plusieurs fautes de goût assez gratinées, comme l’instant très gênant de la rencontre avec les mannequins de plastique. On n’en écrit pas plus, vous comprendrez vite où l’on veut en venir avec cette séquence totalement inutile, qui nous sort de l’intrigue.

Un croquemitaine qui n’a plus rien d’iconique, un scénario débilitant, pourquoi n’est-on pas aussi jusqu’au-boutiste que pour le récent et cauchemardesque The Predator ? Parce qu’il reste tout de même de bons éléments, dans cette production Blumhouse. On a parlé de la forme de Halloween, imparfaite mais parfois très charmante. Précisons ici qu’elle provoque quelques meurtres qui régaleront les amateurs d’effets à peu près gores, et c’est déjà pas mal. On pourra aussi citer la très bonne utilisation du thème musical, idéalement remis au goût du jour. Le dernier tiers est aussi une belle réussite, même si la toute fin ne nous satisfait pas, loin de là. Oui, c’est peu, mais suffisant pour s’accrocher aux branches, et tout de même passer un bon moment.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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