article coup de coeur

[Critique] Ne Coupez Pas : un petit bijou venu du Japon

Caractéristiques

  • Titre : Ne Coupez Pas
  • Titre original : Kamera o tomeru na!
  • Réalisateur(s) : Shinichiro Ueda
  • Avec : Takayuki Hamatsu, Mao, Harumi Shuhama, Yuzuki Akiyama
  • Distributeur : Les Films de Tokyo
  • Genre : Comédie, Horreur
  • Pays : Japon
  • Durée : 96 minutes
  • Date de sortie : 24 avril 2019
  • Note du critique : 8/10

Une aventure humaine jouissive au possible

image critique ne coupez pas
Un film qui réserve bien des surprises.

Si l’on nous avait dit que l’un de nos coups de cœur 2019, côté cinéma, de proviendrait du Japon, on ne l’aurait pas forcément cru. Il faut bien dire que le pays du Soleil levant ne connaît as un âge d’or de son septième art, c’est le moins que l’on puisse écrire. Et ceci est aussi vrai pour le cinéma de genre, un peu phagocyté par des grands noms un peu largués, on pensera à Sono Sion ou Takashi Miike, dont leur dernier vrai bon effort commence à remonter sérieusement. Du coup, quand on voit arriver en France Ne Coupez Pas, on est à la fois agréablement surpris et un peu sur nos gardes. Détendez-vous, ce qui vous attend est tout bonnement fantastique.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, il est intéressant de revenir en quelques mots sur le phénomène Ne Coupez Pas. Car il en s’agit bien d’un : quand on rapporte l’équivalent vingt-six millions de dollars, sur sa terre d’origine (plus de trente millions à travers le monde), pour un budget de vingt-sept mille dollars, il y a de quoi se lancer dans les grands mots. Cela nous rabiboche avec cette industrie, dont le box office est sans cesse pris d’assaut par des grosses productions infamantes, blindées de super héros super débiles. Cette bobine japonaise sort de nulle part, est tourné avec des étudiants (issu de l’école Enbu Seminar, en plein Tokyo), et se voit dans un premier temps distribuée dans un tout petit circuit. Minuscule même : une salle d’art et d’essai, et pendant une seule semaine. La misère. Seulement, le long métrage est vu, et ses qualités sautent aux yeux des spectateurs, qui ne se privent pas de lui façonner une réputation plus que positive. Du coup, le film est acheté par une boîte qui lui accorde une sortie plus conséquente, et c’est le succès. À tel point que le PIFFF 2018 lui réserve une place dans sa programmation, premier pas vers l’acquisition des droits chez Les Films de Tokyo, ce qui nous emmène à cette découverte, aujourd’hui.

Avec Ne Coupez pas, on fait face à ce qu’on appelle un film dans le film, plus une figure de style qu’un genre en lui-même. En fait, on pourrait aussi parler mise en abîme, pour utiliser un terme plus littéraire. Vous connaissez sûrement La Nuit Américaine, de François Truffaut, ou Intervista de Frederico Fellini ? On tient là le schéma que l’on retrouve dans l’œuvre japonaise ici abordée : le récit que l’on suit n’est que le point de vue d’une caméra, laquelle révèle par la suite sa profondeur. Le tout avec une volonté de jouer avec les codes non pas du film de genre, mais du cinéma, de sa pratique. Vous nous suivez toujours ? Bien, car le résultat à l’écran est d’une limpidité confondante.

Une écriture intelligente, qui ne laisse aucune place au hasard

Ne Coupez Pas s’ouvre de manière complètement dingue. Et pour cause, il s’agit d’un plan séquence de trente minutes. Voilà le film du film dans le film. Tout est clair ? Craignos, bourré d’approximations, ce programme va vous surprendre. Les trous scénaristiques sont énormes, certaines réactions des personnages pas crédibles pour un sou, certains dialogues ne se justifient en rien. Bref, derrière la prestation technique qui force le respect, et même elle n’est pas parfaite, on se demande bien ce qu’il se trame sous nos yeux certes ébahis mais pas forcément gâtés. Et la réponse intervient : on assistait au tournage, en live, d’un programme destiné à une chaine de télévision factice. Dès la fin du plan-séquence, on retrouve tous les personnages, mais cette fois-ci en préproduction. Et tout, absolument tout, prend du sens.

Ne Coupez Pas est d’une intelligence d’écriture rare. Et, surtout, utilise avec une grande maitrise la figure du film dans le film. Sans que notre intérêt ne connaisse de temps mort, le (vrai) réalisateur, Shinichiro Ueda, nous propulse aux côtés de Takayuki Hamatsu, (faux) metteur en scène d’oeuvres bis, connu pour sa propension à boucler des projets avec rapidité et sans grand budget. Efficace donc, mais loin d’être génial, l’artiste va devoir faire face à une avalanche de décisions malheureuses imposées par la production, mais aussi des imprévus ubuesques, et jouissives à vivre. De fil en aiguille, le voilà empêtré dans un tournage quasiment impossible à gérer, et pourtant sacrément révélateur. Car l’énorme satisfaction est là : on jubile devant tant de problématiques et de folles solutions, ce qui explique tous les points problématiques du film vécu en ouverture. Tel dialogue vous a paru bien trop long ? C’est justifié. Cette actrice vous paraissait beaucoup trop impliquée ? Ça l’est aussi.

Tout se tient dans Ne Coupez Pas, et tout converge vers un final en forme de dernier effort sublimant. Bouche bée (et ce n’est pas une image), on voit s’étaler, à l’écran, bien des choses qui paraîtront véridiques pour qui a déjà eu une expérience du tournage. Oui, on peut parler d’aventure humaine, ce n’est pas qu’une expression trop usitée par un milieu qui manie allégrement l’hyperbolle. Le film de Shinichiro Ueda parvient à traduire cela avec une facilité déconcertante, preuve qu’il a sûrement dû en enchainer, des courts métrages amateurs, à n’en pas douter. Ainsi, c’est dans l’euphorie la plus totale qu’on quitte cette bande d’acteurs et de techniciens de l’extrême, après une dernière montagne à gravir, et ce n’est pas peu dire. Vivifiant, malin et très encourageant, voilà le long métrage parfait pour éviter de penser que les salles obscures ne sont envahies que par les blockbusters impersonnels.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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