Pierre-Jean Quinonero revisite le tea time pour Le Burgundy
Si la plupart des gens ignorent que l’on doit la tradition du tea time à une certaine Anna, 7ème duchesse de Bedford en Angleterre qui eut l’idée en 1840 de demander à ses serviteurs un plateau de thé avec du pain, du beurre et une tranche de cake à 16h avant de propager cette habitude parmi son entourage, celle-ci est depuis longtemps devenue une institution que de nombreux hôtels de luxe parisiens (sans compter d’innombrables salons de thé) proposent à leur clientèle. L’occasion pour les chefs pâtissiers de se dépasser et de proposer une sélection représentative de leur travail servie sur un (joli) plateau.
C’est notamment le cas de Pierre-Jean Quinonero, le jeune chef pâtissier de l’hôtel spa Le Burgundy dans le 1er arrondissement parisien. Ce talentueux Auvergnat de 28 ans a pris ses quartiers à l’hôtel en avril 2021 et propose depuis aux clients du restaurant de l’hôtel, Le Baudelaire, mais aussi du bar, des mets sucrés frais, inventifs et de saison. Les classiques y sont revisités, réinventés avec à chaque fois une touche personnelle qui ne manque pas de surprendre et d’emporter l’adhésion.
Le tea time, servi du jeudi au dimanche de 15h à 18h sous la verrière de l’hôtel, est ainsi l’occasion idéale de découvrir la pâtisserie de cette étoile montante, qui a auparavant fait ses armes au George V. Nous prenons place sur les jolis et confortables fauteuils et canapés jaunes de l’hôtel un samedi après-midi de juillet à 16h. Les tables ont été réparties (comme pour la terrasse du restaurant) de manière à privilégier l’intimité des discussions des clients. Non loin de nous, un comptoir vitré présente les pâtisseries du chef disponibles au détail (en dehors des deux formules du tea time) à la manière d’une vitrine de bijoutier. On nous amène la carte présentant l’offre de l’Afternoon Tea : formules, pâtisseries et carte des thés, tous issus de la maison familiale Dilmah basée au Sri Lanka. La carte des thés, bien conçue, propose à la fois thés d’origine et thés d’exception de différentes sortes, mais aussi plusieurs thés parfumés aux tonalités estivales, de manière à ce qu’il y en ait pour tous les goûts.
Deux formules très complètes pour un Afternoon Tea haut de gamme
Deux formules sont proposées pour le tea time, mais la seule différence (de 10 €) entre les deux tient en réalité à l’ajout d’une flûte de champagne pour accompagner le thé, les mets sucrés et les bouchées salées. Au vu de la température élevée, nous partons sur la formule classique (45 euros par personne). Chaque met nous sera présenté dans le détail par le personnel, mais il faut savoir que le chef pâtissier privilégiant les produits du marché de saison, sa carte évolue sans cesse en réalité. Et, si certaines pâtisseries sont récurrentes en fonction des saisons, il ne s’interdit jamais d’adapter ses recettes. Par exemple, au moment de notre venue, la grosse brioche est fourrée d’une compotée de myrtilles, alors que le chef la préparait auparavant à la framboise. On est donc presque assurés de découvrir des spécialités différentes si l’on vient à différents moments de l’année.
Commençons par parler de la présentation. Les mets sucrés sont disposés élégamment sur un grand plateau à étages typique du tea time, qui a ici des allures d’arbre métallique avec ses grandes tiges en acier chromé sur le dessus – la designer Marie Deroudilhe en est la créatrice. Disposé à côté de la table basse, cet arbre impressionne et prépare nos papilles en parlant à nos yeux… Le look de chaque pâtisserie (dont certaines parsemées de pétales de fleurs comestibles) et de la brioche dodue est tellement beau et gourmand que l’on se sentirait presque aussi décadents que Marie-Antoinette face à ses montagnes de macarons et son thé à la fleur de jasmin dans le film de Sofia Coppola. Il faut dire que, quand on voit toutes ces jolies délicatesses sucrées (sans compter l’assiette de mets salés posée directement à table), on se demande bien comment on va pouvoir terminer tout ça, même si la taille de chaque bouchée est parfaitement adaptée à une dégustation en milieu d’après-midi. Un conseil cependant : mangez léger à midi et préparez-vous au fait que vous n’aurez sans doute pas un grand appétit au moment du dîner.
Avant d’en venir au commentaire de chaque met, voici le détail de ce qui nous a été servi ce jour-là.
Bouchées salées
Sandwich crème fraîche-saumon-concombre
Gaspacho burrata concombre
Mini burger bœuf fumé & oignons caramélisés
Bouchées sucrées
Tartelette fraises-verveine
Cheesecake pêche-verveine
Galette vanille-hibiscus
Brioche à la myrtille servie avec crème fraîche citronnée
Madeleine marbrée enrobage au chocolat
Bouchée façon Paris-Brest aux noix de pécan
Le tout était accompagné d’un thé de la carte au choix. Nous avons opté respectivement pour un thé blanc d’exception (d’une très belle finesse au palais, même en l’ayant laissé infuser plus longtemps que prévu) et d’une infusion parfumée au gingembre et à la cardamome, équilibrée et très agréable en cette période estivale.
Des bouchées salées simples faisant la part belle à la qualité des produits
Commençons par les bouchées salées imaginées par le chef du Baudelaire, Anthony Denon. Le sandwich crème fraîche-saumon-concombre est un classique indémodable du tea time et ce n’est pas pour rien. C’est la simplicité à l’état pur, qui exige du coup une qualité d’ingrédients sans faille pour pouvoir être réellement apprécié… ce qui était de toute évidence le cas ici. L’excellence des ingrédients et de l’assaisonnement rendent cette bouchée aussi délicieuse que délicate. Onctuosité de la crème fraîche (assez légère), saumon fumé fondant, concombre en brunoise mûr à point et légèrement croquant, pain de mie blanc moelleux haut de gamme… Un sans faute, qui met en appétit pour les deux bouchées suivantes, plus originales dans leurs associations.
Ainsi, le gaspacho burrata-concombre nous a conquis. Avec sa belle pointe d’acidité, sa fraîcheur et sa texture veloutée, il s’agit d’une très jolie mise en bouche, parfaite pour l’été.
Enfin, le mini-burger bœuf fumé & oignons caramélisés étonne dans le cadre d’un tea time, mais fonctionne parfaitement en apportant une touche fumée qui tranche avec les deux bouchées précédentes. Le bœuf se marie très bien avec le goût caramélisé des oignons, le pain maison est quant à lui bon et ferme.
Quelques gorgées de thé et nous sommes ensuite fin prêts à passer aux pâtisseries, tellement jolies que l’on croquerait presque à regret dedans de prime abord… ce qui ne durera pas au vu de la qualité de chacune d’entre elles.
Des classiques de la pâtisserie revisités de manière personnelle
Le cheesecake pêche-verveine fait clairement partie de nos propositions préférées. Avec sa gelée pêche-verveine très fine sur le dessus (parsemée de jolies petites pétales de fleurs) et sa crème vanillée à l’intérieur sur une petite base sablée, il s’agit d’un met reposant sur le délicat équilibre entre des saveurs fruitées assez subtiles et un joli jeu de textures. La gelée révèle ses parfums avant de laisser place à la densité de la crème, tandis que la base apporte une texture plus sèche.
Dans la même lignée, la tartelette fraise-verveine est très agréable en cette saison et se révèle aussi gourmande que légère et subtile par ses saveurs. Là encore, on a une gelée aussi fine que délicieuse en surface (la verveine sublime la fraise de la même manière qu’elle révélait la pêche) et une petite crème légère à l’intérieur, qui fait que cette bouchée se mange toute seule.
La galette vanille-hibiscus est également assez étonnante. Sans doute en partie inspirée du dessert Signature que Pierre-Jean Quinonero propose au sein du menu dégustation du restaurant de l’hôtel, au moins par ses associations de parfums, il s’agit d’une mini-pâtisserie à la texture crémeuse. Les deux parfums sont assez subtils : l’hibiscus se révèle en bouche avec une belle fraîcheur, mais ni celui-ci ni la vanille ne prend le dessus sur l’autre. Le croquant de la pâte, salée, crée un jeu de textures et tranche avec la douceur fruitée de l’ensemble. Une belle surprise.
La madeleine au chocolat gourmande à souhait, est quant à elle plus dense. Son enrobage chocolat possède un goût intense particulièrement séduisant et on a la surprise de découvrir un coulis marbré en croquant dans cette jolie gourmandise… Celui-ci se libère pleinement quand on croque au cœur de la madeleine. Là encore, un classique revisité avec beaucoup de goût et d’originalité derrière une apparente simplicité.
La bouchée croquante aux noix de pécan façon Paris-Brest suit la même logique : l’originalité vient de l’emploi de la noix de pécan, qui crée un délicieux contraste sucré-salé. On retrouve bien la saveur pralinée dans le fourrage à l’intérieur, mais les noix concassées sur le dessus tranchent clairement avec la recette classique, au niveau du goût comme dans la texture et la présentation.
Enfin, on termine sur la brioche aux myrtilles. La plus grosse des pâtisseries servies, celle-ci donne véritablement envie avec ses formes dodues saupoudrées sur le dessus de sucre muscovado. En même temps, arrivés dans la dernière ligne droite de ce tea time, nous avons une petite appréhension : parviendrons-nous à la déguster jusqu’au bout ? La réponse est oui car, là encore, la recette est particulièrement équilibrée. Ce mets fait appel aux plaisirs des sens : on doit couper la brioche en deux avant de la déguster accompagnée de sa crème fraîche délicatement citronnée parsemée de cacao et on se rend compte qu’elle possède une texture étonnante, entre le pain et la brioche, qui crée là aussi la surprise. Son garnissage à la myrtille, exquis, se situe quelque part entre la compotée et la confiture. Là encore, rappelons que celui-ci est appelé à varier en fonction des saisons et du marché effectué par le chef. Dans tous les cas, il s’agit là du point final parfait à ce tea time de très belle qualité, qui nous invite à prendre le temps de déguster chaque bouchée, entre deux gorgées de thé, tout en profitant d’une agréable conversation avec des proches.
Vous l’aurez compris, l’Afternoon Tea du Burgundy nous a plus que convaincus. Pour 45 euros (sans champagne), on a le droit à une très belle sélection de bouchées, à la fois consistantes et équilibrées, qui témoignent du véritable savoir-faire du chef pâtissier Pierre-Jean Quinonero, le tout accompagné d’une jolie carte des thés. On sort à la fois repus et séduits, tout en ayant passé un excellent moment dans un joli cadre. En faisant appel à de jeunes chefs aussi dynamiques qu’inventifs et talentueux, il est en tout cas évident que l’hôtel Le Burgundy souhaite continuer à innover et à surprendre, ce qui est plutôt une très bonne chose.