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[Critique] Une histoire d’amour : Encore un succès pour Alexis Michalik ?

Caractéristiques

  • Titre : Une histoire d'amour
  • Réalisateur(s) : Alexis Michalik
  • Scénariste(s) : Alexis Michalik, d'après sa pièce de théâtre
  • Avec : Marica Soyer, Juliette Delacroix, Alexis Michalik, Pauline Bression, Léontine d'Oncieu, Charles Lelaure...
  • Distributeur : Le Pacte
  • Genre : Drame
  • Pays : France
  • Durée : 1h30
  • Date de sortie : 12 avril 2023
  • Acheter ou réserver des places : Cliquez ici
  • Note du critique : 8/10

Un mélodrame intense

Quatre ans après avoir transposé des planches vers le grand écran sa pièce multi récompensée Edmond, Alexis Michalik propose de reproduire l’expérience avec une création plus récente : Une histoire d’amour, présentée pour la première fois en janvier 2020 au Théâtre de La Scala de Paris. Ici, pas de costumes d’époque, mais un pitch moderne et simple : deux jeunes femmes se rencontrent lors du déménagement d’un ami commun. Très marquée par la vie, Katia va pourtant ouvrir son cœur à Justine, la romantique, et de ce coup de foudre inattendu naîtra une grande histoire d’amour et la première expérience lesbienne de Justine. Désirant un enfant, cette dernière parvient à convaincre Katia d’avoir recours en même temps qu’elle à une insémination artificielle. Mais lorsque Katia tombe finalement enceinte, Justine décide de la quitter. Katia doit alors assumer seule sa future maternité, jusqu’à ce que la maladie ne la rattrape…

Balayer quinze ans de la vie de ces personnages à travers leurs joies, leurs drames et leurs amours n’était pas chose aisée, mais le réalisateur parvient à construire un film intime et intense, en resserrant l’intrigue autour du noyau restreint de la famille. Il place l’émotion au centre de son long-métrage, en explorant l’intimité et les sentiments de ses protagonistes. Les dialogues sont tantôt très drôles et ironiques, tantôt dramatiques, et cette alternance permet au film de ne jamais sombrer dans le pathos ou la tragédie. « Les spectateurs doivent pouvoir rire au milieu de leurs larmes et être emportés par la pulsion de vie qui se dégage de cette histoire », nous dit Alexis Michalik. Les échanges sont empreints de beaucoup de tendresse et de sensibilité, et les différentes relations sont creusées et criantes de vérité.

A l’origine, le mélodrame était un genre populaire où le texte était accompagné de musique ; Michalik raconte lui aussi son histoire en s’appuyant sur une partition de Romain Trouillet, qui sert habilement l’émotion du film. Là où la pièce de théâtre utilisait une playlist de chansons connues, le long-métrage privilégie de nouvelles compositions, et ces arrangements s’avèrent plutôt convaincants.

juliette delacroix et marica soyer dans une histoire d'amour d'alexis michalik film

Une adaptation réussie des planches vers le grand écran

« Au théâtre, on raconte. Au cinéma, on montre », affirme Alexis Michalik. Pour adapter Une histoire d’amour, le réalisateur a donc dû creuser des pistes qu’il n’avait pas pu approfondir au théâtre : utiliser plus de décors – pas moins de 54 décors utilisés en 30 jours de tournage – et suivre une chronologie légèrement différente, tout en essayant de garder l’essentiel de la pièce. Il tourne en Cinémascope pour rendre l’image plus spectaculaire et réécrit de nombreuses scènes pour déplacer ses personnages dans différents espaces naturels. En faisant appel pour certaines séquences à plusieurs centaines de figurants, il rompt avec le minimalisme imposé par le théâtre, qui était certes une contrainte, mais aussi et surtout la source de la grande inventivité de sa mise en scène.

Michalik réussit à proposer, sans jamais susciter le moindre ennui, un condensé express de quinze années de vie, en ancrant notamment le film dans le contexte socio-politique contemporain. Grâce à quelques images d’archives savamment choisies – certaines rappelant les drames qui ont ébranlé ces dernières décennies et ont marqué l’imaginaire collectif – il touche le public en plein cœur et lui indique avec subtilité que le temps est en train de passer. Le film a d’ailleurs une durée assez resserrée – 1h26, exactement comme la pièce de théâtre – grâce au montage nerveux et rapide de Julie Tribout et Sophie Fourdrinoy, qui permet judicieusement de retrouver au cinéma le même dynamisme que sur les planches.

Même s’il a régulièrement recours à la succession traditionnelle de champs/contre-champs, le réalisateur choisit également des cadres signifiants, varie les plans et essaye de rendre sa caméra la plus mobile possible, en alternant notamment travelling et Steadycam. La mise en scène demeure malgré tout assez classique, et l’on ne retrouve pas toujours la virtuosité qui le caractérisait au théâtre. La réussite d‘Une histoire d’amour réside donc avant tout dans son scénario et dans les émotions intenses que le film réussit à transmettre au spectateur.

marica soyer et juliette delacroix dans les champs dans le film une histoire d'amour

Une ode à l’amour sous toutes ses formes

Qu’il s’agisse d’amour entre frère et sœur, d’amour passade ou d’amour passion, d’amour hétérosexuel ou homosexuel, qu’il fasse souffrir ou qu’il guérisse, ce sentiment profond est décrit avec une justesse absolue, parfois de manière pudique, parfois passionnément. Cette sincérité et cette pertinence sont permises par le jeu remarquable des différents acteurs du long-métrage. Juliette Delacroix (Katia) et Marica Soyer (Justine) sont deux actrices solaires et investies, et Alexis Michalik (William), la jeune Léontine D’Oncieu De la Batie (Jeanne) et Pauline Bression (Claire) ne déméritent jamais à leurs côtés. En faisant le choix de garder les comédiens originaux de la pièce, le réalisateur s’éloigne des visages clairement identifiés du cinéma français, et fait ainsi briller un casting totalement inédit.

Malgré les ellipses et le rythme dense du film, Alexis Michalik parvient à susciter une empathie sincère pour ses personnages. Il remplace l’habituel couple hétérosexuel des comédies romantiques par un duo de femmes avec beaucoup de naturel et de simplicité, sans mettre en avant un cinéma ostensiblement militant ou progressiste, mais en posant une question tragique et universelle : à quoi sert d’aimer quand il existe la rupture et la mort ? C’est avec une sensibilité résolument optimiste qu’il choisit d’y répondre, en parvenant heureusement à éviter la mièvrerie ou un trop grand sentimentalisme. Michalik nous présente des personnages tous plus ou moins abimés par la vie : un écrivain alcoolique et rustre, une jeune femme marquée par la peur de l’engagement, une autre qui prend la déchirante décision de quitter celle qu’elle n’aime plus. Malgré tout, chacun garde cette conviction intime et viscérale que l’amour vaut la peine d’être vécu, quelle qu’en soit l’issue.

Une histoire d’amour d’Alexis Michalik aurait pu rester sur les planches et, malgré le succès immense du dramaturge, n’être réservé qu’aux amateurs de théâtre. La transposer sur grand écran est cependant une évidence, tant le scenario initial, sensible et universel, se prêtait à une adaptation cinématographique. Le résultat est indéniablement réussi et brillamment interprété par des comédiens devenus acteurs avec une étonnante facilité. Si la mise en scène d’Alexis Michalik n’a pas toujours la maestria qu’on lui reconnaît au théâtre, elle ne dessert jamais un film sincère, intense et profondément émouvant.

Article écrit par

Lorsqu’elle n’enseigne pas l’italien, Lucia Piciullina aime discuter de sa passion pour le cinéma, le théâtre et les comédies musicales. Spécialisée en littérature young adult et grande amatrice de polars et thrillers, elle rejoint Culturellement Vôtre en février 2020 pour y partager ses avis lecture et sorties culturelles.

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