Caractéristiques
- Titre : Les veuves
- Titre original : Widows
- Réalisateur(s) : Steve McQueen
- Avec : Viola Davis, Michelle Roriguez, Elizabeth Debicki, Cynthia Erivo, Carrie Coon, Liam Neeson, Colin Farrell, Daniel Kaluuya, Robert Duvall...
- Distributeur : 20th Century Fox France
- Genre : Thriller
- Pays : Etats-Unis
- Durée : 2h09
- Date de sortie : 28 novembre 2018
- Note du critique : 5/10 par 1 critique
Braquage de haut vol au féminin
Après Shame, Hunger et l’oscarisé 12 Years a Slave, Steve McQueen est de retour avec un polar au casting prestigieux, porté par un quatuor d’actrices d’horizons variés, allant de l’Oscarisée Viola Davis (Fences) à la badass Michelle Rodriguez, en passant par la valeur montante Elizabeth Debicki, ainsi que Cynthia Erivo, aperçue dans Sale temps à l’hôtel El Royale, le tout sur un scénario co-écrit par l’écrivaine Gillian Flynn, derrière l’excellente mini-série HBO Sharp Objects, qui a créé l’événement cette année.
Le pitch ? Les veuves de quatre criminels disparus lors d’un dernier casse ayant mal tourné se réunissent pour terminer le coup et régler les dettes de ces messieurs, qui les mettent directement en danger. Elles ne se connaissent pas et ne se ressemblent pas, mais elles vont devoir coopérer afin de récupérer le contrôle de leur vie. Pendant ce temps, des magouilles à plus grande échelle ont lieu à Chicago, le pouvoir municipal (et même un pasteur) soutenant un gang afin de continuer à faire prospérer leurs affaires…
Faiblesses scénaristiques et brio de la mise en scène
Voilà qui, sur le papier, avait de quoi donner envie. En pratique, on est un peu plus mitigés par le résultat final, qui allie le meilleur, mais aussi (parfois) le pire. Le pire, c’est un personnage masculin, peu présent à l’écran mais central, tellement fantomatique qu’il ne possède en réalité aucune épaisseur. Du coup, lorsqu’intervient un certain rebondissement aux trois-quarts du métrage, l’effet produit paraît invraisemblable d’une part, et pire, ne fait ni chaud ni froid. Le protagoniste ne paraît pas crédible, et ses motivations (pourtant explicitées via le dialogue) non plus. Voilà une pièce du puzzle (pourtant essentielle) qui s’insère mal dans l’ensemble et provoque une jolie soupe à la grimace !
Néanmoins, Les veuves possède aussi de sérieux arguments plaidant en sa faveur, et pour lesquels il mérite le détour, à commencer par sa réalisation audacieuse et brute de décoffrage servie par une très belle photo. Qu’il filme tout un dialogue en voiture à vitres teintées en plan-séquence de manière décadrée pour nous permettre d’admirer l’étonnante diversité du paysage de Chicago — le personnage d’élu incarné par Colin Farrell passant des beaux quartiers au dowtown en un rien de temps — ou qu’il soit au plus près de ses personnages féminins, nous ouvrant un espace sur leur psyché alors même que ces femmes, en mode survie, sont plutôt dans la retenue, Steve McQueen sait manier la caméra et jouer des contrastes.
Lorsque le film de mafia se fait intime…
Ce sont ces mêmes contrastes qui font le sel de ces Veuves : le mélange de chroniques intimistes croisées et de film de mafia fonctionne souvent très bien, notamment lorsque le réalisateur se tourne vers le personnage de pourri de Daniel Kaluuya (Get Out), impressionnant de violence derrière des allures débonnaires. C’est simple : ses scènes sont parmi les plus prenantes du film, nous faisant sauter dans notre siège et tenant la dragée haute aux meilleurs exemples de ces quinze dernières années. Il est alors d’autant plus dommage que la dimension braquage du film (certes plus réaliste et intéressante que celle d’Ocean’s 8) ne nous fasse pas davantage frémir…
Le casting, féminin et masculin (parmi lesquels on retrouve Liam Neeson ou Robert Duvall) s’en sort dans l’ensemble très bien, avec une mention toute spéciale à Elizabeth Debicki, vue précédemment dans Les gardiens de la galaxie volume 2, et qui trouve ici un rôle de jeune femme faussement frêle des plus touchants. Son face-à-face avec Jacki Weaver, qui incarne sa mère, est saisissant d’intensité, toute les nuances de son jeu passant par son regard, tandis que la vétéran d’Hollywood, qui incarne sa mère, déclame un monologue d’une cruauté implacable. Dans ces moments-là, Les veuves nous fait en partie oublier les quelques faiblesses de son scénario criminel. Viola Davis offre un jeu plus rentré et monolithique que précédemment — mais cela correspond à son rôle de guerrière en deuil accomplissant sa mission sans joie — tandis que Michelle Rodriguez se glisse avec naturel dans la peau d’une femme malmenée par la vie.
A défaut d’être le meilleur film de Steve McQueen — on serait même tentés de dire qu’il s’agit de son plus imparfait — Les Veuves parvient à s’élever, dans ce genre de thriller mêlant intime et politique, au-dessus du Collision de Paul Haggis (2005), qui tirait un peu trop sur la corde lacrymale au point de paraître par moments un poil ridicule. Malgré une réalisation brillante brute de décoffrage et des personnages féminins crédibles qui ne sont pas présentés comme des superwomen, cela n’empêche malheureusement pas Les Veuves de se vautrer avec un retournement mal amené, et un personnage masculin tellement mal dessiné que son impact émotionnel sur le film est dès lors réduit à néant. Il manque donc le souffle puissant des meilleurs films de mafia, et c’est bien dommage ! Néanmoins, il y a là suffisamment de propositions intéressantes et d’éléments maîtrisés pour retenir notre attention, en dépit de ce déséquilibre.
Pour aller plus loin : retrouvez également le débat autour des Veuves dans l’émission du 28 novembre 2018 de Ciné Ouatch auquel Culturellement Vôtre a participé.