Le retour des soirées jazz aux Deux Magots
Café littéraire mythique en plein cœur de Saint-Germain-des-Prés ayant vu passer entre ses murs Apollinaire, Verlaine, Rimbaud, Mallarmé, Hemingway, Louis Aragon, André Gide, Prévert, Jean Giraudoux, Simone de Beauvoir et bien d’autres, les Deux Magots n’a jamais perdu de sa superbe depuis son ouverture en 1885, date à laquelle il remplace un magasin du même nom, dont il a gardé deux statues ornant aujourd’hui la salle. Dirigé depuis 1914 par la famille Mathivat (Catherine Mathivat est l’actuelle propriétaire), le café a fait peau neuve cette année et inauguré un nouveau décor à l’empreinte subtilement féminine, tout en gardant la patine intemporelle qui en fait tout le charme. Fort de ses trois prix littéraires et d’une rencontre mensuelle avec un auteur (le lundi des écrivains), les Deux Magots est resté un lieu culturel vivant, bien loin d’une institution figée dans son lustre d’antan.
Un lieu qui a toujours ses habitués, et qui a renoué cet automne avec l’une de ses grandes traditions : les soirées jazz. Ainsi, désormais, le jeudi, un groupe de jazz différent est invité à se produire en salle, tandis que les clients prennent un verre ou mangent. Nous avons voulu tester un jeudi soir aux Deux Magots, et avons ainsi profité d’un dîner complet au café…
Un lieu intemporel rempli d’histoires
Lorsque nous arrivons à 19h, la salle est déjà bien remplie d’une clientèle variée : habitués, solitaires à la terrasse avec un livre, amis et collègues profitant d’un afterwork, touristes... La salle bruisse des murmures et des éclats de rire, dans une ambiance relativement feutrée cependant. Pas guindés pour un sou, mais chics et nobles, les lieux inspirent un certain respect et chacun peut parler tranquillement sans se trouver assourdi par une musique tapageuse ou la conversation de ses voisins. Les larges banquettes disposées tout autour de la salle offrent de beaux points de vue sur la terrasse ou la salle et, rien que pour ça l’on ne peut que comprendre que les écrivains apprécient tant ce café : par leur disposition même, les places permettent d’observer les autres clients à distance.
C’est typiquement le genre de lieu où l’on peut s’imprégner de l’ambiance et remarquer tout un tas de choses. Et ce d’autant plus que les habitués, nombreux, ne sont pas avares en histoires sur ce café légendaire pour peu qu’on leur adresse la parole. Ici, la place où Simone de Beauvoir écrivit certains de ses plus beaux textes ; là, une lettre d’Apollinaire encadrée. Ernest Hemingway, quant à lui, est présent à travers la carte, qui le met à l’honneur pour le petit-déjeuner (formule spécial Hemingway) et à travers le cocktail Hemingway (16€), que nous décidons d’ailleurs de tester en guise d’apéro : frais, acidulé et relevé juste ce qu’il faut, il possède ce côté classique et intemporel qui sied si bien aux lieux et nous convainc haut la main.
Nous commandons ensuite nos plats et profitons du début du concert qui débute à 19h30 tapantes. Ce soir-là, c’est le Dmitry Baevsky Trio qui se produit. Baevsky est un saxophoniste de jazz renommé originaire de Russie et vivant à New York, et il est ce soir-là accompagné d’un violoncelliste et d’un guitariste pour une performance acoustique d’une rare élégance. Le style de jazz qu’ils jouent est tranquille et intemporel et s’accommode parfaitement aux lieux. La clientèle peut regarder les musiciens ou continuer de manger en papotant tout en profitant de la délicieuse ambiance musicale ainsi créée. D’un coup, on imagine très bien ce qu’était Saint-Germain-des-Prés lorsque le jazz faisait encore vibrer les cafés, même si l’ambiance, détendue, est plutôt calme et posée.
Une cuisine traditionnelle de qualité, à la préparation irréprochable
On nous apporte nos entrées et les Deux Magots marquent leurs premiers bons points : la présentation du tartare d’avocat et crabe au citron vert (18€) est soignée, et les produits de tout premier choix, de l’avocat mûr à point et goûtu à la chair de crabe fraîche, en passant par l’assaisonnement, parfaitement équilibré… Quant au saumon fumé (29€) choisi par notre co-rédacteur en chef, les tranches sont grandes, suffisamment épaisses, et la saveur subtile atteste qu’il s’agit d’un excellent poisson. Il est accompagné de tranches de pain Poilâne et d’un excellent beurre doux.
L’heure de vérité vient avec les plats, et, là encore, c’est un sans faute : le magret de canard rôti à l’orange (29€) est cuit à la perfection, rose à cœur, et tendre juste ce qu’il faut, et accompagné d’une purée de pommes de terre et butternut riche en saveurs. L’orange est présente dans la sauce, mais bien dosée. Quant au filet de bœuf sauce au poivre, la qualité de la viande justifie amplement le prix élevé de l’assiette (42€), avec une préparation irréprochable : les tranches de bœuf sont délicieusement croustillantes à l’extérieur et quasi-fondantes à l’intérieur, la sauce bien relevée, et les frites épaisses et dorées comme on les aime. Si l’on ajoute à cela un excellent Languedoc rond, charpenté avec une légère pointe d’acidité, mais ne laissant aucune âpreté en fin de bouche, et un Bordeaux plus léger, mais toujours de belle qualité, on a là un excellent repas.
En guise de dessert, nous choisissons un Ispahan de Pierre Hermé (livré au restaurant et donc non préparé sur place) et un moelleux au chocolat fondant avec un délicieux cœur coulant accompagné d’une boule de glace à la vanille. Pas le clou du dîner, mais de la qualité malgré tout. Enfin, un petit digestif pour faire passer le tout — nous vous conseillons le grog au rhum, idéal en hiver en cas de rhume persistant ! — et nous achevons ce repas dans la bonne humeur au son des notes du Dmitry Baevsky Trio.
Retrouver la splendeur de Saint-Germain-des-Prés…
Si le Saint-Germain-des-Prés de la grande époque vous a toujours fait rêver, les jeudis jazz des Deux Magots sont une expérience à tenter : on s’y imprègne de l’ambiance intemporelle des lieux, de leur histoire, on observe les clients et le personnel en costumes, dont le service chaleureux est irréprochable. Approchez-vous, attardez-vous un peu, et il est probable que vous appreniez une anecdote ou deux sur les lieux. Quant à la carte de restauration, elle est variée et d’une qualité irréprochable. Si on est plutôt sur une cuisine française traditionnelle, loin des expérimentations culinaires, la qualité des produits (en partie bio, souvent en provenance de petits producteurs) et la préparation font que vous avez peu de chances d’être déçus. C’est bien simple : tout ce que nous avons mangé était délicieux. Alors certes, le prix, élevé, est à la hauteur du prestige de l’établissement et du quartier. Mais une soirée à Saint-Germain-des-Prés avec un groupe de jazz n’a pas de prix. On y remonterait presque le temps comme Luke Wilson dans Minuit à Paris…
Les Deux Magots, 6 place Saint-Germain-des-Prés, 75006 Paris. Métro Saint-Germain-des-Prés (ligne 4). Ouvert toute la semaine de 7h30 à 1h du matin. Les jeudis jazz ont lieu toutes les semaines à partir de 19h30. Tous les plats sont à la carte le soir. Prix du dîner pour 2 personnes décrit dans l’article : 235€, avec 3 consommations par personne (cocktail, vin et digestif), et entrée-plat-dessert. Cartes disponibles en ligne en cliquant ici sur le site du café.