[Tourisme] Le Petit Trianon et son hameau : redécouverte du domaine de Marie-Antoinette

la pêcherie et la maison de la reine au hameau de trianon

Trianon : un domaine à redécouvrir

Créé par Louis XIV qui y aménagea le Grand Trianon durant son règne, le domaine de Trianon reste fortement associé dans les esprits à Marie-Antoinette, qui prit ses quartiers au Petit Trianon dès 1775 avant de faire construire le célèbre Hameau de la Reine à partir de 1783 sur une période de 3 ans en étendant les jardins vers le Nord, ce petit « village champêtre » constitué de fabriques ou maisonnettes autour d’un grand lac artificiel où elle aimait venir se ressourcer en compagnie de ses amis.

C’est principalement cette partie du domaine qui a été rénovée ces dernières années de manière à faire retrouver aux lieux leur aspect et charme d’origine. L’été 2022 marque ainsi la « renaissance » du domaine, que nous avons pu découvrir le temps d’un après-midi. L’occasion de nous replonger dans l’histoire de France et de revenir sur le rapport qu’entretenait Marie-Antoinette avec son lieu de retraite bien-aimé.

le petit trianon à versailles
© Culturellement Vôtre

Marie-Antoinette et le Petit Trianon

Louis XVI offre le Petit Trianon à Marie-Antoinette en 1775. Celui-ci a été construit par Louis XV à la demande de sa maîtresse, Madame de Pompadour, qui disparaît avant de voir sa construction achevée. Arrivée en France en 1770 à l’âge de 14 ans pour épouser celui qui est alors le dauphin Louis-Auguste, Marie-Antoinette devient reine en 1774 à l’âge de 18 ans lorsque son époux devient souverain à la mort de son père, Louis XV. Elevée à Vienne au château de Schönbrunn, la reine gardera toute sa vie durant la nostalgie de son enfance auprès de sa mère et ses sœurs, la vie à la cour de Marie Thérèse étant fort éloignée des codes et de l’étiquette très stricte de Versailles. Au Petit Trianon, elle organise régulièrement des danses campagnardes auxquelles elle invite des enfants à participer, n’hésitant pas à demander à son amie la comtesse Spencer de lui fournir des idées de comptines anglaises telles qu’Over the Hills and Far Away. La biographe Antonia Fraser note dans son livre consacré à Marie-Antoinette : « Il y avait dans la vie qu’elle menait dans cette retraite comme la recherche d’un paradis perdu. » (p. 234) La reine est également, comme beaucoup à l’époque, inspirée par l’idée de retour à la nature tel qu’il est vanté par Jean-Jacques Rousseau.

De fait, Marie-Antoinette, qui vit mal la pression liée à l’étiquette et aux critiques qui lui sont adressées – notamment sur son « incapacité » à donner un enfant au roi en raison de la non consommation de leur mariage durant sept ans – fait de Trianon un lieu de retraite et d’échappée belle où elle aime à se réfugier en compagnie de ses proches, loin des convenances liées au rang. Elle en profite pour organiser des représentations théâtrales dans le théâtre du Petit Triannon auxquelles elle participe, incarnant différents rôles, dont des rôles de paysanne – ce qui prêtera par le suite le flanc à une légende qui voudrait qu’elle se serait habillée en bergère ou en crémière pour garder des moutons dans le Hameau de la Reine, dont la construction commence en 1783. En revanche, elle aimait porter une tenue de mousseline blanche et un chapeau de paille lors de ses séjours au domaine pour le côté « pastoral ».

La visite (libre ou guidée), des intérieurs du Petit Trianon permet de découvrir des intérieurs à la décoration raffinée et d’en apprendre plus sur la vie du temps de Louis XV, puis Louis XVI si l’on s’y attarde.

le pavillon frais et son jardin au domaine de trianon
© Culturellement Vôtre

Le Pavillon Frais et son jardin

Nous commençons notre visite du domaine par la visite du jardin fleuri du Petit Trianon où se trouve également le Pavillon Frais, petit bâtiment construit par Ange-Jacques Gabriel entre 1751 et 1753 pour Louis XV et sa maîtresse Madame de Pompadour qui servait principalement de salle à manger où l’on dégustait des produits de la laiterie et du potager.

En réalité, l’édifice que nous pouvons admirer aujourd’hui est une reproduction puisque l’original a été en réalité détruit en 1810. Le Pavillon Frais fut donc reconstruit en 1984 et restauré en 2010. Très élégant avec son décor de treillage vert, il se distingue surtout par ses bassins et ses parterres fleuris, qui créent un paysage avec une jolie perspective. Depuis cet été, le jardin accueille la statue de l’Abondance.

le temple de l'amour de marie-antoinette dans le jardin anglais du domaine de trianon
© Culturellement Vôtre

Les Arbres Admirables de Trianon

sophora du japon au domaine de trianon à versailles
© Culturellement Vôtre

A proximité du charmant jardin anglo-chinois du Petit Trianon, nous avons l’occasion de découvrir quelques-uns des arbres considérés comme « admirables » et mis en valeur par une petite pancarte. Parmi eux, un magnifique sophora du Japon attire tout particulièrement notre attention. En réalité originaire de Chine, cet arbre de 15 m de haut fut rapporté d’Angleterre en 1764 par le botaniste Antoine Richard, qui le planta ensuite pour Marie-Antoinette. Il fait partie des arbres miraculés de la tempête de 1999, qui causa de grands dégâts dans les jardins du château de Versailles et de Trianon. Pour les visiteurs qui souhaiteraient découvrir les treize arbres admirables de Versailles, une promenade sonore commentée est disponible sur l’application du Château de Versailles.

En ce qui concerne le jardin anglais, le Temple de l’Amour, construit sur une île de la rivière, se distingue par sa coupole de marbre et ses colonnes d’inspiration corinthienne. Marie-Antoinette fit installer en son centre une copie de la statue L’Amour taillant son arc dans la massue d’Hercule (1750). Du vivant de la reine, une attention particulière était portée aux fleurs du jardin. Comme le disent Antonia Fraser, mais aussi Benjamin Lacombe dans son beau livre illustré Marie-Antoinette : Carnet secret d’une reine, on pouvait y trouver jasmin, roses, myrte, mais aussi des essences d’Inde, d’Afrique, des tulipes de Hollande ou encore des Magnolias du Midi.

la maison de la reine et le lac au hameau de trianon
© Culturellement Vôtre

Le Hameau de la Reine : village champêtre et lieu de retraite privilégié de Marie-Antoinette

Le Hameau de la Reine, dont la restauration s’est achevée cette année, est la principale « attraction » du domaine de la reine à Versailles. Il se compose de douze maisonnettes disposées en demi-cercle autour d’un lac artificiel, le tout formant un paysage champêtre aux inspirations diverses : françaises, suisses… A l’époque, Marie-Antoinette commande plus de mille pots de porcelaine blanche (!!) ornés de son monogramme bleu pour décorer l’extérieur des douze maisonnettes. Chacun contenait des fleurs. Les fabriques en elles-mêmes possèdent des fenêtres treillagées et « des murs faits de stuc imitant la brique usée et craquelée et le bois du colombage » (Antonia Fraser, p. 234).

Les bâtisses sont inspirées de l’architecture cauchoise typique des demeures paysannes normandes. Conçu par le peintre Hubert Robert et décoré par Richard Mique, ce petit village est d’une beauté remarquable et s’étend sur un vaste espace. En le parcourant par un après-midi ensoleillé du mois de juillet, on ne peut que constater à quel point la reine devait se sentir dans une bulle lorsqu’elle s’y réfugiait… Ce qui ne pouvait que lui être reproché dans le contexte particulier de l’époque, où le peuple souffrait et où la révolte grondait.

la maison de la reine au domaine de trianon
La maison de la reine. © Culturellement Vôtre

En réalité, Marie-Antoinette n’était pas la seule ni la première à s’être fait construire un village ou « jardin privé » comme on appelait à l’époque ce genre de projet, et son hameau était en réalité, comme le relève Antonia Fraser, une copie de celui du prince de Condé. Des lieux assez similaires dans l’esprit (et parfois plus opulents) existaient à l’époque : celui du duc d’Orléans à Raincy, celui de la comtesse de Provence à Montreuil, du duc de Chartres à Mousseaux, de Mesdames Tantes à Bellevue et à l’Hermitage… Le comportement et mode de vie de la reine n’étaient donc pas les seuls en cause, mais étaient donc assez représentatifs, de ce point de vue-là, de son milieu. Cependant, en tant que souveraine, Marie-Antoinette et ses dépenses étaient davantage visibles, et soumises, à juste raison, à une attention publique d’autant plus grande. Il est aussi à noter que, selon le journal personnel du roi qui gardait trace de chacune de ses visites, malgré les nombreux travaux que demanda le domaine, Marie-Antoinette n’y passa que deux cent seize jours en l’espace de dix ans – dont 39 en 1784, ce qui constitue son record. Même si elle venait régulièrement s’y isoler, elle passait donc le plus clair de son temps au château de Versailles.

la maison du garde au domaine de trianon
La maison du garde © Culturellement Vôtre

Le hameau se divise en trois secteurs distincts : les maisons d’agrément dans lesquelles la reine recevait ses proches (le – faux – moulin, le boudoir, la maison de la reine, le billard et le réchauffoir ; les bâtiments destinés à l’exploitation agricole par-delà le pont (la grange, la laiterie de préparation, la laiterie de propreté, la pêcherie, la maison du garde et la Tour de Malborough) et enfin la ferme, située plus à l’écart, qui fonctionna jusqu’à la veille de la Révolution et qui poursuit aujourd’hui la tradition initiée par la reine en hébergeant des animaux.

la pêcherie et la tour de malborough au hameau de la reine à trianon
La pêcherie et la tour de Malborough © Culturellement Vôtre

La Tour de Malborough est la plus ancienne construction du hameau et fait partie de la pêcherie. Ce château d’eau fut nommé ainsi en référence à une chanson populaire à l’époque de Madame Poitrine et servait de phare sur le lac. On y accostait grâce à un débarcadère situé à son pied. A l’époque, des pots de giroflées et de géraniums sont disposés sur son escalier (Antonia Fraser, p.234). A proximité de la pêcherie se trouve la laiterie de propreté, qui était une sorte de «  »salon d’été » où on dégustait fruits, lait et autres aliments sains » en provenance de la ferme (Antonia Fraser, p. 233) dans des porcelaines issues directement de la manufacture privée de la reine à Paris. Son intérieur (qui a été entièrement restauré) se distingue par un décor en faux marbre et fausses pierres d’inspiration romaine. La laiterie de préparation servait quant à elle tout simplement à préparer les produits fermiers avant qu’ils ne soient dégustés par Marie-Antoinette et ses convives. Ce bâtiment a été détruit, de même que la grange, où la reine donnait des bals privés.

Légèrement en retrait, la maison du garde servait à loger le garde suisse de Marie-Antoinette, Bersy. C’est au réchauffoir (devant lequel se trouve un potager), que l’on préparait les repas pour la reine. Le boudoir près de la maison de la reine, décoré par le peintre Dutemps et le sculpteur Deschamps, est une pièce unique qui abritait la garde-robe de Marie-Antoinette et lui servait aussi de salon intimiste. Le moulin se distinguait à l’époque par sa roue à aube actionnée par l’eau de la rivière et son lavoir.

la ferme au domaine de trianon
La ferme © Culturellement Vôtre

Enfin, la Ferme, construite à partir de 1784, fut pensée comme une véritable exploitation agricole destinée à fournir les repas et collations de la reine lors de ses séjours. « …il y avait un taureau, plusieurs vaches avec des noms comme Blanchette et Brunette, des veaux, des moutons et une chèvre suisse ; une volière et un poulailler complétaient le tout » (Antonia Fraser, p.234). Marie-Antoinette engage un couple de véritables fermiers de Touraine. En 1990, la ferme, alors délabrée, est rénovée par la fondation Assistance aux Animaux, qui propose aujourd’hui des animations éducatives à destination des enfants dans ce qui est devenu une charmante ferme pédagogique abritant moutons, chèvres, lapins…

moutons et chèvres à la ferme du hameau de la reine
Chèvres et moutons à la ferme pédagogique du domaine de Trianon. © Culturellement Vôtre

En ce qui concerne le lac artificiel, celui-ci a bénéficié d’importants travaux de rénovation pour lui faire retrouver son apparence originelle : les eaux ont été curées afin de le désembouer, la reprise des berges maçonnées et les enrochements au pied de la tour de Malborough consolidées. Le résultat est un paysage lacustre de toute beauté, qui met d’autant plus en valeur les maisonnettes du village. Des visites guidées du hameau sont bien entendu proposées par le château de Versailles, comme c’est également le cas pour le Petit et le Grand Trianon. Pour notre part, nous avons préféré arpenter le domaine librement.

Si vous cherchez une idée de visite historique pour (re)découvrir le patrimoine de la région parisienne et que vous aimez les châteaux de France, le Petit Trianon et le hameau de la Reine valent le détour. Dépaysant à souhait et agréable, ce petit village est l’occasion de se replonger dans l’histoire de France et l’une de ses figures les plus célèbres et controversées tout en échappant au tumulte parisien le temps d’un après-midi.

Infos pratiques : différents billets donnent accès, soit à l’ensemble du domaine de Versailles (château, jardins et domaine de Trianon) ou bien à un seul des domaines. Les différents billets et passeports, avec ou sans animations, sont réservables sur la billetterie en ligne du château de Versailles. Le domaine de Trianon est ouvert de 12h à 17h du 28 septembre 2022 au 31 mars 2023.

Note : Toutes les photos de cet article (y compris dans les galeries) : © Culturellement Vôtre.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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