Vanity Fair édition française : qu’est-ce que ça donne ?

 

image couverture vanity fair charlotte gainsbourg octobre 2013Aux Etats-Unis, Vanity Fair est une institution depuis 1983. Connu pour ses couvertures de célébrités (dont la fameuse photo de Demi Moore enceinte
photographiée par Annie Leibovitz) et ses photos iconiques, le magazine propose des articles intellectuels sur les arts et la politique signés par de grands éditorialistes ainsi
que des pages beaucoup plus luxe et jet-set. Sa renommée a provoqué la naissance de 3 éditions internationales : espagnole, italienne et allemande. Aussi, cette édition française, annoncée en
mars 2013 et parue pour la toute première fois en kiosques en juillet, était-elle hautement attendue.

C’est donc Scarlett Johansson, qui a récemment acquis un appartement parisien, qui a ouvert le bal dans un numéro épais faisant la part belle à la rubrique culturelle,
Fanfare (Fan Fair en VO) et à plusieurs dossiers qui sont la marque de la revue américaine. Le pari était plutôt réussi, mais après 4 numéros, le constat est
jusque-là mitigé : malgré une poignéd d’articles et de dossiers très réussis, la revue reste à l’image de son rédacteur en chef, Michel Denisot : trop consensuelle. Alors que
l’édition originale sait être mordante d’un point de vue politique, Vanity Fair version FR se contente d’un bilan sur la présidence d’Hollande bof
malgré un ton qui se veut irrévérencieux et pour le reste, il faudra repasser : dans les numéros suivants, on a droit à du passage de pommade en règle pour le club XXI ou certaines élites. Le
magazine s’affiche clairement de droite et ne donne jusque-là pas dans le poil à gratter. En deux mots : on s’ennuie.

C’est alors davantage dans les reportages et les dossiers autour de certains dossiers brûlants qu’il faut chercher de la matière, comme cet article très fouillé sur l’ancien ministre libanais
Michel Samaha accusé de terrorisme dans le numéro du mois d’août, qui reste jusque-là le plus fin. Pour le reste, Vanity Fair offre de longs et
intéressants articles sur certaines personnalités iconoclastes, comme cet entretien passionnant avec John Galliano ou l’article autour de la collection de dessins qu’Yves
Saint Laurent
avait donné à un membre de son entourage d’alors, Fabrice Thomas.

La page Opinion offre également des points de vue sur différents sujets, qui ont le mérite d’être variés à chaque fois et de tendre la plume à des voix différentes, bien que
toutes ne se valent pas (l’article de Chloé Delaume sur le phénomène Fémen est par exemple assez facile et snob dans sa fausse provoc’ quand elle leur reproche
d’être contre la prostitution). La rubrique culturelle Fanfare est bien faite et propose articles et instantanés variés et convaincants.

Trop consensuel et jet-set

image couverture vanity fair numéro 1 scarlett johanssonPuis, il y a tout ce qui constitue malheureusement un peu trop le coeur de la revue :
le côté luxe et jet-set. Soyons clairs : le magazine se veut élitiste. Cependant – et cela vient de quelqu’un qui lit régulièrement les Vogue,
W ou V Magazine – ce côté-là n’est d’un côté pas super attrayant et fait finalement bien snob. A chaque numéro, on a droit à de longues
histoires autour de propriétés historiques de personnalité de la haute société et, si c’est quelque chose que l’on trouve en effet dans l’édition américaine, la version française s’appesantit
beaucoup trop en longueur et en nombre d’articles là-dessus, faisant d’une partie non négligeable du magazine un Paris Match de luxe. Il faut voir, par exemple, le
dossier de quand même 12 pages autour de l’île d’Arros, acquise par Liliane Bettancourt. Les faits divers et les scandales ont beau faire partie intégrante de l’esprit de la
revue, cette approche pour un sujet de ce type est quand même très tiède et ne cache pas une fascination certaine pour le sujet, mais traité d’une manière tellement lisse qu’elle peine à
captiver.

Pour cette partie faits divers, Vanity Fair FR s’en sort malgré tout haut la main en nous épargnant toute condescendance et en proposant des articles fouillés, malgré
quelques petites maladresses et raccourcis (le sabotage dirigé par Nelson Mandela, qui lui valu de passer 27 ans en prison, est qualifié d’attentat à la bombe, par exemple) qui
sont un peu étonnants pour un magazine qui se veut de ce standing.

Enfin, en ce qui concerne les unes, rien à redire jusque-là : le mag n’a pas pris de gros risques mais s’en tire avec de belles couv’ avec Scarlett donc, mais aussi
Audrey Hepburn, Michael Douglas et Charlotte Gainsbourg. On ne trouve pas encore trace des images marquantes qui ont fait la réputation de
l’édition américaine, mais de belles photos. Les articles  liés à ces unes, en revanche, sont hautement variables : une sympathique interview avec Scarlett, un article peu fouillé sur
Audrey Hepburn à l’occasion de la parution d’un livre de photos de ses apparitions à Rome, un très long (et intéressant) article autour de Douglas pour la sortie
de Liberace et une interview de Charlotte Gainsbourg qui apparaît bâclée dans sa présentation – ce numéro d’octobre apparaît moins convaincant.

En résumé : s’il y a matière dans cette quatrième édition du magazine du groupe Condé Nast, Vanity Fair FR ne mérite pas encore la partie “mordante” de
son slogan, même s’il est effectivement brillant au dehors. A l’image de la chronique de Dorothée Werner au café de Flore, ronronnante au possible et pas drôle malgré l’assurance
de causticité chic affichée et le côté faussement Carrie Bradshaw parisienne. Espérons donc que Michel Denisot se réveille un peu et que Vanity Fair
deviendra tout aussi grand et crédible que sa grande sœur américaine.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

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