[Critique] Le Fils du Loup et autres nouvelles — Jack London

Caractéristiques

  • Traducteur : Georges Berton
  • Auteur : Jack London
  • Editeur : Gallimard Jeunesse
  • Collection : Folio Junior
  • Date de sortie en librairies : 25 août 2016
  • Format numérique disponible : Oui
  • Nombre de pages : 160
  • Prix : 6,20€
  • Acheter : Cliquez ici
  • Note : 7/10

Une réédition pour célébrer le centenaire de la mort de Jack London

Alors que nous fêterons le 22 novembre prochain le centenaire de la mort de Jack London, romancier incontournable de la littérature américaine du début du XXe siècle et aventurier hors-normes ayant côtoyé les chercheurs d’or et parcouru les grands espaces, Gallimard Jeunesse réédite le recueil Le Fils du Loup et autres nouvelles, incluant la célèbre histoire éponyme et 5 autres nouvelles ayant en commun la vie des colons, chercheurs d’or ou non, dans l’Amérique sauvage de la fin du XIXe-début du XXe siècle.

Principalement  connu chez nous pour ses romans d’aventures L’appel de la forêt (1903) et Croc-Blanc (1906), Jack London est l’auteur de pas moins de 23 romans, 16 recueils de nouvelles, 4 récits autobiographiques et 9 essais. Une oeuvre considérable qui lui a valu une reconnaissance internationale, qui perdure jusqu’à ce jour. Une partie de son oeuvre, disponible en édition jeunesse, est d’ailleurs étudiée en collège et lycée, d’où la parution en parallèle du même recueil (abrégé, toutefois) en version originale.

Un recueil mêlant chercheurs d’or, Indiens et grands espaces enneigés

Le Fils du Loup et autres nouvelles est un recueil publié en 1900 aux États-Unis, avant les oeuvres les plus célèbres de son auteur. Chacune des histoires présente des personnages différents, mais la plupart évoluent autour de la rivière Klondike, la rivière canadienne, à l’ouest du territoire du Yukon. Les colons, chercheurs d’or ou non, y côtoient les Indiens et des conditions de vie extrême. Le froid, le manque de nourriture, la traversée de grandes distances en traîneau avec des chiens affamés et parfois brutalisés, font partie de leur quotidien. A travers ces destins variés, Jack London raconte l’Amérique de la fin du XIXe siècle, qui rêvait de conquêtes, mais se heurta à une dure réalité.

Les Indiens occupent une place centrale dans la nouvelle “Le Fils du Loup”, où le rapport entre colons et tribus est exploré de manière de prime abord assez ambigüe, puisqu’on peut avoir le sentiment que l’aventurier Scruff McKenzie, surnommé “le fils du loup” par le clan des Sticks, est quelque peu glorifié par sa force, son audace et sa ruse, qui lui permettra de remporter la main de la fille du chef malgré les réticences de son père et des hommes du clan, qui voient d’un mauvais oeil l’intérêt que l’homme blanc porte à leurs femmes, les privant ainsi de descendance.

Si l’on pourrait être tenté d’y voir-là une forme d’impéralisme, voire de racisme, envers le peuple amérindien, qui a connu un sort dramatique à l’arrivée des colons, une lecture attentive des dialogues suffit à percevoir que Jack London observe et critique en réalité assez finement le comportement des siens à l’égard des Indiens. L’écrivain donne ainsi la parole à ces derniers, qui mettent le personnage (qui n’en a cure) face à ses contradictions. Le drame de ces tribus qui se retrouvent sans femmes et sont vouées à disparaître, et de ces femmes qui abandonnent leur culture pour suivre un homme auprès duquel elles espèrent des lendemains meilleurs, est révélé.

La dure vie des femmes de colons

image portrait jack london
Jack London, avec l’un de ses nombreux carnets d’écriture.

Les autres nouvelles, “Le grand silence blanc”, “Les gens de Forty Mile”, “A la santé de l’homme sur la piste”, “Le privilège du prêtre” et “Unga” abordent les accidents tragiques qui peuvent survenir dans de telles conditions, comme la violence des hommes, attisée par la jalousie et l’appât du gain. De manière intéressante pour l’époque, Jack London met également beaucoup en avant les personnages féminins, n’hésitant pas à se pencher sur leur sort, en tant que femmes de colons. Dans “Le privilège du prêtre”, l’épouse est ainsi le véritable cerveau du couple, donnant des conseils avisés à son mari qui permettent ainsi au couple de gagner correctement leur vie en tant que chercheurs d’or. Lorsque, usée par la vie auprès de cet homme irritable qui ne lui accorde pas la moindre reconnaissance, elle fuit avec un autre dont elle est tombée amoureuse et réciproquement, le prêtre de la ville la convainc de “rentrer dans le droit chemin”, même si cela la condamne à une vie de frustration. La trahison pour raisons amoureuses est également au centre de la dernière nouvelle, “Unga”, qui s’achèvera de manière tragique pour toutes les parties concernées.

Le Fils du Loup et autres nouvelles est donc un recueil qui constitue une assez bonne introduction à l’univers de Jack London, qui n’était pas encore pleinement développé au moment de sa parution originale en 1900, mais où l’on reconnaît déjà quelques uns de ses principaux thèmes : les colons, les chercheurs d’or, le rapport aux chiens de traîneau, la sauvagerie des hommes qui n’a rien à envier à celle des bêtes et les conditions de vie difficiles dans les grands espaces de l’Amérique, notamment dans le Grand Nord canadien. Moins attachant et en ce sens peut-être un peu plus difficile à appréhender pour des lecteurs de 11-12 ans que Croc Blanc ou L’appel de la forêt, tout en étant plus concis, ce recueil originellement destiné aux adultes a cependant le mérite de leur apporter en peu de pages un grand nombre d’informations sur les conditions de vie des colons, bien loin de l’utopie sur laquelle s’est construite l’Amérique, ou encore sur les relations avec les amérindiens. Il sera donc l’occasion de rebondir sur ces sujets en cours, ou de montrer aux jeunes lecteurs d’autres oeuvres sur ce thème. Notons d’ailleurs que 16 adaptations différentes des oeuvres de Jack London ont vu le jour à l’écran, dont plusieurs de Croc Blanc et L’appel de la forêt, sans compter les récits maritimes de l’auteur, qui inspira par exemple Le vaisseau fantôme de Michael Curtiz en 1941.

Article écrit par

Cécile Desbrun est une auteure spécialisée dans la culture et plus particulièrement le cinéma, la musique, la littérature et les figures féminines au sein des œuvres de fiction. Elle crée Culturellement Vôtre en 2009 et participe à plusieurs publications en ligne au fil des ans. Elle achève actuellement l'écriture d'un livre sur la femme fatale dans l'œuvre de David Lynch. Elle est également la créatrice du site Tori's Maze, dédié à l'artiste américaine Tori Amos, sur laquelle elle mène un travail de recherche approfondi.

Et maintenant, on fait quoi ?

L'équipe de Culturellement Vôtre vous remercie pour vos visites toujours plus nombreuses, votre lecture attentive, vos encouragements, vos commentaires (en hausses) et vos remarques toujours bienvenues. Si vous aimez le site, vous pouvez nous suivre et contribuer : Culturellement Vôtre serait resté un simple blog personnel sans vous ! Alors, pourquoi en rester là ?

+1 On partage, on commente

Et pour les commentaires, c'est en bas que ça se passe !

+2 On lit d'autres articles

Vous pouvez lire aussi d'autres articles de .

+3 On rejoint la communauté

Vous pouvez suivre Culturellement Vôtre sur Facebook et Twitter (on n'a pas payé 8 euros par mois pour être certifiés, mais c'est bien nous).

+4 On contribue en faisant un don, ou par son talent

Culturellement Vôtre existe grâce à vos lectures et à l'investissement des membres de l'association à but non lucratif loi 1901 qui porte ce projet. Faites un don sur Tipeee pour que continue l'aventure d'un site culturel gratuit de qualité. Vous pouvez aussi proposer des articles ou contribuer au développement du site par d'autres talents.

S’abonner
Notification pour

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

1 Commentaire
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
1
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x