Dans les années 20.
Rielo a participé à la Grande Guerre et en est sorti changé. Alors qu’on pourrait le croire traumatisé, hanté par d’atroces souvenirs, il n’en est rien : les combats ont réveillé en lui des
instincts primaires bien enfouis et il considère que la guerre l’a « révélé à lui-même ». Il offre ainsi ses services d’homme de main à des mafiosi italo-américains à New York. Sa spécialité ? La
mort. Cynique, sans le moindre scrupule ou sentiment, Rielo gagne la confiance des parrains de la mafia. Mais jusqu’où le mènera sa soif de sang ?
Le chant du cygne est un roman déroutant de prime abord : il s’agit certes d’un polar sanglant mais il ne ressemble à aucune oeuvre du genre : le passage qui ouvre le
livre se déroule à Venise et un onirisme glauque domine. On est bien loin de l’univers des films de Scorsese et Coppola et, même lorsque notre anti-héros gagne
la Grande Pomme, cette atmosphère étrange domine et intrigue irrémédiablement le lecteur.
Nous sommes tout le temps dans la tête de Rielo, personnage qui pourtant demeure inaccessible, opaque. Et, en ce sens, j’ai eu un certain mal à me laisser tout à fait emporter par le roman au
départ. Ce n’est pas tant le fait que Rielo soit antipathique ou dénué d’émotions (il y a des œuvres fascinantes avec de tels personnages) mais j’avais le sentiment qu’il manquait peut-être un
petit quelque chose pour qu’on le comprenne tout à fait et qu’on soit avec lui, peu importe la froideur avec laquelle il agit. On comprend ce que la guerre lui a fait mais on ne le ressent pas
vraiment la plupart du temps.
Cela dit, au bout d’un moment, on est conquis par l’intrigue et le style de l’auteur, précis et imagé à la fois. On sent que Cyril Carau a fait des recherches sur la mafia
new-yorkaise de l’époque et sur la ville et on s’immerge facilement dans cette atmosphère. Tous les personnages secondaires sont également très convaincants et étoffés. Les descriptions et les
dialogues permettent vraiment de se représenter l’intrigue dans notre tête à l’image d’un film et la fin, quasi-programmatique, est intense. Bien qu’on ne s’attende pas tout à fait à l’ampleur
des actes de Rielo, on sent, tout au long du roman, qu’il ne pourra pas y avoir de retour arrière pour lui : il est condamné à s’enfoncer dans ses pulsions et à semer la mort. Détaché de tout, il
n’est pas impulsif, mais il semble vouloir, très calmement, aller au bout de son destin et de sa logique. L’onirisme marqué du début ressurgit de plus belle lors du dernier tiers du roman, qui
s’achève de manière très symbolique, simple et forte à la fois.
Les illustrations, style gravure, d’Élie Darco sont également très belles et fidèles à l’atmosphère du roman même si elles ne sont pas nécessaires pour moi : les images que
convoquent l’écriture de Cyril Carau sont suffisamment fortes pour qu’on puisse se passer de dessins.
Seul petit détail qui m’a de prime abord chiffonnée quand j’ai reçu le livre : il s’agit d’un roman illustré et non d’un roman graphique, qui est, par nature, une oeuvre narrative dans
un format bande-dessinée plus libre que les BD classiques. Du coup, j’ai été assez surprise de recevoir ce petit roman avec quelques illustrations au sein des chapitres. Cela ne m’a pas dérangée
car j’adore les romans mais cela peut induire en erreur…
Je remercie chaleureusement Les Éditions de la Frémillerie, Cyril Carau et le forum Accros & Mordus de Lecture pour m’avoir fait découvrir
ce roman.