Dans un collège où l’on enseigne le rap, le professeur interroge un élève, Amine, sur l’histoire du mouvement en France. Malheureusement, l’adolescent a très mal appris sa leçon et le prof le tacle. Amine réagit en rappant. « Maître » et élève s’engagent alors dans un clash sans merci. Deux visions s’affrontent : celle du prof, blanc, ayant connu les débuts du rap dans les années 80 et celle de l’élève, issu de l’immigration, vivant dans la cité, ne connaissant pas l’histoire du mouvement, mais possédant une pratique du rap et du tag. Qui s’imposera comme le master ? Et, surtout, un dialogue est-il possible
Et si le rap était enseigné au collège ?
Edité le 20 janvier dernier chez Actes Sud, Master est un spectacle écrit par l’acteur, dramaturge et metteur en scène David Lescot. Mis en scène par Jean-Pierre Baro et joué dans des établissements scolaires depuis le début de l’année, cette pièce de théâtre (dont nous avons seulement pu découvrir le texte pour l’instant) s’adressant aux jeunes à partir de 13 ans propose de découvrir l’histoire du rap et du hip hop en France tout en nous amenant à réfléchir sur leur évolution et les tensions sociales qu’ils révèlent. Plutôt que d’opter pour une sage approche didactique, l’auteur préfère illustrer son propos de façon dynamique. Après une introduction mettant en scène l’interrogation surprise du prof, David Lescot passe ainsi au « plat de résistance » : un affrontement entièrement rappé entre les deux protagonistes.
Si l’idée d’un clash dans la pure tradition du rap entre un prof et son élève peut sembler incongrue, le résultat est à la fois drôle et pertinent. La pièce interroge le rapport à l’autorité, la pertinence de l’enseignement d’une discipline qui s’élève pourtant – du moins au départ – contre l’establishment (si aucun cours en collège n’est proposé, il existe en revanche certains cours universitaires à ce sujet), l’intérêt de nombreux « blancs-becs » pour le hip-hop dès les années 80 ou encore l’évolution du rap, notamment sa forme US souvent très bling-bling.
Un « cours » tout sauf pompeux
Surtout, c’est le coeur du rap qui est au centre du débat : il s’agit d’une musique de contestation, de révolte, mais les jeunes des cités connaissent-ils le sens véritable de ces mots ? Bon nombre de préjugés, aussi bien d’un côté que de l’autre, sont soulevés de manière intelligente et désamorcés. L’élève n’est pas si inculte qu’il en a l’air, ni aussi fort qu’il veut le laisser penser, le prof connaît certes à la perfection l’histoire du mouvement et en a été le témoin direct, mais sous-estime peut-être (ou fait mine de le faire) l’approche plus brute de son élève.
La force de Master est de donner une somme considérable d’informations sur le hip hop et une belle matière à réflexion, sans jamais tomber dans le côté « cours magistral ». Le ton n’est jamais pompeux, le texte, très travaillé, fait appel aux différentes figures de style du rap et nous permet, lors de la conclusion, de les comprendre. Le tout avec un vrai sens de l’humour et un rythme très marqué. La pièce pourra parler aux adolescents dès 12-13 ans et il n’est guère étonnant que le spectacle soit joué dans de véritables collèges, dans une salle de classe bien sûr, pour une parfaite mise en abyme.
Master de David Lescot, Heyoka Jeunesse/Actes Sud-Papiers, 2016, 55 pages. 10,50€