On ne joue plus
Il est intéressant de se remémorer à quel point certains gardiens du Temple prédisaient la mort pure et simple du livre voilà quelques (dizaines) d’années. Que reste-t-il de ce sentiment aujourd’hui, alors que les succès s’enchaînent dans des genres certes typés très « pour ados » mais indéniablement populaires ? Pas grand chose, l’apocalypse tant attendue n’a pas eu lieu. Les cinémas sont toujours pleins à craquer de films tirés d’œuvres littéraires, c’est un fait et ce même si le résultat qualitatif n’est pas toujours celui escompté. Dans les librairies, la trilogie Hunger Games a vendu plus de 26 millions d’exemplaires. La saga Twilight a dépassé les 100 millions de livres achetés. Les romans Cinquante Nuances de Grey ont, eux, pulvérisé les 125 millions. Des chiffres astronomiques, qui traduisent l’intérêt toujours fort pour la lecture, mais aussi une mutation qui mène vers la construction de phénomènes désormais mondiaux. Et l’un des derniers en date est Endgame Tome 1 : L’appel.
Endgame Tome 1 : L’appel nous présente douze jeunes élus, issus de lignées anciennes comme le monde. L’humanité entière descend de ces familles, sélectionnées il y a des milliers d’années par des forces mystérieuses dont les objectifs n’ont jamais été révélé. Ils sont les héritiers de la Terre. Alors, quand celle-ci est la cible de catastrophes meurtrières, en l’occurrence une pluie de météorites étrangement coordonnées, les élus de chaque lignées doivent se mettre en mouvement pour sauver l’humanité d’un destin bien morbide. Ils doivent se battre, et résoudre la Grande Énigme. L’un des participants à ce jeu doit y parvenir, ou les peuples seront décimés. Les élus, appelés « Joueurs », n’ont pas de pouvoirs magiques. Ils sont entraînés drastiquement à la survie en milieu hostile dès la naissance, mais ils ne sont pas invincibles. Chacun des douze Joueurs a sa propre personnalité, sa propre tactique. Endgame n’a ni règles, ni limites…
Si nous évoquions quelques titres en début d’articles, Endgame Tome 1 : L’appel n’est pas spécialement comparable à d’autres œuvres. On serait tenté de le décrire comme un Hunger Games plus violent, mais si l’image est crédible elle serait terriblement réductrice tant le livre propose bien plus qu’une repompée d’un concept déjà existant. Oui, le schéma des participants à un jeu mortel n’en est pas à ses débuts (on peut citer le génial Battle Royale), mais très vite les auteurs James Frey et Nils Johnson-Shelton s’affranchissent de leurs grands-frères pour mettre en place un ton très personnel. La grande force de cet ouvrage, sa fluidité de lecture formidable, prend le lecteur à la gorge dès les premières pages ; celles-ci étant consacrées à une installation des personnages en parallèle de la mise en place d’une ambiance atypique, sombre et violente (pour ce genre de littérature, du moins). Endgame Tome 1 : L’appel réussit le tour de force de nous plonger dans un univers travaillé sans se perdre dans des pages superflues. C’est à saluer.
Personnages sombres au sein d’un récit tendu
Endgame Tome 1 : L’appel a la lourde tâche de nous présenter une douzaine de personnages, voire un tout petit peu plus. Ceux-ci sont les gardiens à la fois d’un secret terrifiant pour l’humanité, mais aussi la de la réussite du roman. Nous reviendrons bien sûr sur le pur récit, ou plutôt la problématique, mais rien de cela ne serait aussi puissant sans des protagonistes suffisamment charismatiques pour donner au roman un écho chez le lecteur. Si l’accent est mis sur le duo formé par Sarah et Jago, qui va créer une sous-intrigue amoureuse un peu convenue, les autres personnalités sont peut-être un peu plus intéressantes. Chiyoko Takeda, Maccabee Adlai, An Liu, Aisling Kopp et les autres forment une galerie loin d’être aussi lisse que la littérature pour jeunes adultes a malheureusement tendance à construire. Les coups bas pleuvent, les messes basses ont des conséquences dramatiques. Ces Jeunes sont poussés à l’antipathie par un Jeu loin d’être amusant, et surtout pour autres pauvres Terriens…
Endgame Tome 1 : L’appel décrit une situation plus qu’inquiétante. Le Peuple du Ciel, qui confirme que les divinité vivent au-delà du firmament mais pas spécialement pour notre bien-être, a décidé qu’il était temps de remettre en cause la domination des Hommes sur la planète bleue. Le mystère reste entier concernant cette civilisation quelque peu énervée, mais les répercussions de leur colère est beaucoup plus perceptible. Pour alerter les Joueurs, le Peuple du Ciel balance une douzaine de météorites dévastatrices, provoquant des scènes de carnage décrite avec juste ce qu’il faut de détails. Puis c’est le début du fameux Endgame. Celui-ci est un jeu pervers, dont les héros sont des représentants de lignées multi-séculaires qui doivent, dans un premier temps, récupérer trois clés. Comme il ne peut y avoir qu’un seul vainqueur, il va falloir faire preuve de malice, peut-être se lancer dans des alliances mais en n’oubliant jamais que celles-ci devront fatalement exploser. Pour bien comprendre le suspens qui s’instaure au fil du récit de ce Endgame Tome 1 : L’appel, il faut aussi savoir que la mort d’un Joueur entraîne ma destruction pure et simple de la région d’origine des participants. Tension, quand tu nous tiens.
Endgame Tome 1 : L’appel est clairement le genre de roman que l’on dévore d’une traite, instaurant un rapport très puissant entre le récit et le lecteur. Si le style est parfois un peu trop simple, privilégiant le rythme au phrasé, on ne peut nier avoir été projeté avec grand plaisir dans le début de cette saga qui a tout pour devenir un phénomène transmédia. C’est d’ailleurs plus qu’une possibilité : applications smartphone et nouvelles exclusivement numériques étant déjà sorties, en attendant le (les ?) films produits par 20th Century Fox. Tout un univers s’offre au lecteur de cet Endgame Tome 1 : L’appel, une dystopie plus sombre qu’à l’accoutumée dans ce genre d’ouvrage, qui déploie une tension captivante tout en long des 567 pages.
Endgame Tome 1 : L’appel, écrit par James Frey et Nils Johnson-Shelton. Aux éditions J’ai Lu, 567 pages, 8€. Sortie le 16 Mars 2016.