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[Critique] Le sang et l’or, T 1 : Les filles de l’orage – Kim Wilkins

Caractéristiques

  • Auteur : Kim Wilkins
  • Editeur : Bragelonne
  • Collection : Fantasy
  • Date de sortie en librairies : 15 juin 2016
  • Format numérique disponible : Oui
  • Nombre de pages : 453
  • Prix : 25€
  • Acheter : Cliquez ici
  • Note : 7/10

Premier tome de la saga fantasy Le sang et l’or, Les filles de l’orage est le 13e roman adulte de l’auteure australienne Kim Wilkins, que les amateurs de thrillers fantastiques connaissent surtout pour ses oeuvres Le grimoire et L’envoûtée, parus au début des années 2000 chez nous. Publié aux éditions Bragelonne le mois dernier, ce premier volet nous présente ses cinq héroïnes et leur quête à travers un récit classique mais bien ficelé, mêlant intrigue politique à la Trône de Fer (en légèrement plus soft néanmoins), action, magie et érotisme, cette dernière composante étant un élément récurrent d’un certain type de fantasy au féminin, qui semble avoir pris un nouvel essor avec le succès de la bit-lit.

Une saga classique portée par une narration de qualité

Nous faisons donc la connaissance de Bluebell, la fille aînée du roi du Thyrsland, Aethlric, appelée à prendre sa place sur le trône un jour. Guerrière impitoyable et tatouée, réputée invincible, elle veille sur l’équilibre et la sécurité du royaume sans faire de compromis, même si cela peut aiguiser les tensions familiales ou la faire passer pour une brute épaisse aux yeux des autres. Lorsqu’elle apprend que son père est atteint d’un étrange mal qui le laisse dans un état comateux, elle soupçonne un maléfice ennemi et réunit autour d’elle ses quatre soeurs afin de le sauver : Ash la médium aux pouvoirs grandissants, Rose la romantique mariée à l’oncle de son amant, Ivy l’adolescente folle de son corps en proie à un véritable déchaînement hormonal et Willow, la pieuse et austère disciple d’une nouvelle religion qui se dresse contre le paganisme. Chacune possède une arme à même de venir en aide au royaume, mais aussi un secret qui pourrait bien le détruire et semer la discorde entre les soeurs.

Si l’intrigue des Filles de l’orage est, comme on peut le voir, assez typique des récits fantasy de type médiéval, avec des personnages typés et des sous-intrigues romantiques et érotiques ciblant plus particulièrement les jeunes femmes, la narration de Kim Wilkins, docteur en littérature, est suffisamment fine pour accrocher le lecteur dès le départ et maintenir son attention tout au long des 450 pages, sans que le tout paraisse cousu de fil blanc. Faisant preuve d’une empathie envers ses personnages qui nous permet de comprendre chacun, allié comme ennemi, ce livre parvient joliment à éviter au lecteur un sentiment de déjà vu trop insistant, alors même que, mis bout à bout, la plupart des éléments du récit pourraient s’apparenter à un recyclage des motifs récurrents de la littérature fantasy. Ce qui fait toute la différence entre le roman de Kim Wilkins et la partie ultra-marketée de la fantasy, c’est avant tout la conviction dont l’auteure fait preuve envers son histoire, et une narration de qualité, d’une belle fluidité, mais jamais simpliste. Les filles de l’orage, en dépit de son épaisseur, se lit très vite, mais ne donne jamais l’impression d’être un simple produit, sitôt consommé, sitôt oublié. Si l’on sent que l’auteure comprend le genre et ses rouages, elle en utilise les codes et les différents éléments avec une absence de cynisme totale, à laquelle on ne peut qu’adhérer.

Un roman qui évite le cynisme et le trop-plein de guimauve

Sans jamais chercher à révolutionner ou redéfinir le genre, malgré son côté très « girl power », le premier tome de la saga Le Sang et l’or est en cela un peu l’antithèse des Magiciens de Lev Grossman, dont la distanciation vis-à-vis des classiques du genre, qui cassait quasi-systématiquement le côté premier degré des éléments merveilleux, pouvait sembler assez prétentieuse dans le premier volume. Rien de tout ça ici : le récit et ses différentes ramifications s’étoffe au fil des pages, mais jamais Kim Wilkins ne se regarde écrire ou ne souligne ce que son intrigue peut avoir de « nouveau » pour le genre. L’attention reste constamment sur l’intrigue et les personnages, dont les pensées et les sentiments nous sont présentés avec suffisamment de conviction pour que l’on s’y intéresse, même s’ils auraient facilement pu paraître caricaturaux sous la plume d’un(e) autre. L’auteure se permet même quelques touches d’humour, notamment concernant le personnage d’Ivy, la plus tête à claque du lot, dont l’attitude « je veux qu’on me traite en femme » alors qu’elle n’a que 15 ans est vue avec une certaine distance, sans jamais être méprisante.

De manière générale, Kim Wilkins a la bonne idée d’utiliser le personnage de Bluebell, la figure centrale de la saga, pour tempérer les ardeurs de Rose et Ivy, évitant ainsi au roman de tomber dans le sentimentalisme ou l’érotisme facile. Les filles de l’orage apparaît ainsi comme un roman bien équilibré, où chaque protagoniste a suffisamment de place pour exister au sein d’un récit structuré avec soin, qui ménage ses effets d’un bout à l’autre. Bien sûr, si les cinq soeurs sont traitées de manière équitable au sein de l’intrigue, la myriade de personnages secondaires présentés ne permet pas à l’auteure de les développer avec autant de soin, et certains en pâtissent quelque peu dans ce premier volume, comme Heath, l’amour de Rose et père de sa fille Rowan, assez peu remarquable jusque-là malgré l’importance de sa liaison avec la princesse. Tandis que Wylm, qui n’est « que » le fils de la belle-mère des cinq soeurs, est beaucoup plus intéressant par ses aspérités, et occupera un rôle bien plus actif dans le récit. Les filles de l’orage étant le premier tome de la saga, on peut raisonnablement s’attendre à voir les personnages moins étoffés prendre de l’importance lors des prochains volumes. Quoi qu’il en soit, Kim Wilkins propose un récit suffisamment bien construit pour que le côté plus sommaire de certains protagonistes ne nuise jamais à l’intrigue ou au plaisir de la lecture.

Une oeuvre féministe ?

Autre point positif, et non des moindres : le roman présente des personnages féminins aux personnalités différentes et complémentaires et une figure centrale, Bluebell, qui n’est ni présentée comme une femme qui se prend pour un homme, ni comme une amazone ou une Lady McBeth, en dépit de son attitude guerrière et son ambition. Echappant à tout stéréotype facile, le personnage n’est pas non plus utilisé par Kim Wilkins pour faire passer un message appuyé sur le genre. Si Les filles de l’orage a par moments un petit côté féministe, qui se ressent surtout dans la sous-intrigue liée à Yldra, la tante cachée des cinq soeurs, l’auteure ne cherche pas spécialement à présenter Bluebell (ni aucune des autres soeurs) comme un modèle pour les lectrices, et ne s’appesantit pas plus que de raison sur son sexe, qui importe finalement bien peu au sein de cette guerre de pouvoir.

Wilkins semble considérer que proposer une héroïne forte (qui possède également des failles et n’est pas toujours sympathique) est on ne peut plus normal, ce qui apparaît comme la meilleure des attitudes à avoir, à l’heure où le retour en hype du féminisme donne lieu à une exploitation assez cynique de ce « nouveau marché », avec des oeuvres commerciales se présentant comme « engagées », à l’image du reboot féminin de Ghostbusters, qui n’avait pas forcément lieu d’être. Or, présenter des personnages féminins complexes, qui ne soient pas simplement passifs, ne devrait pas être réservé à des oeuvres « à part » appuyant explicitement ce message, sous peine de continuer à marginaliser les femmes alors même qu’on revendique l’égalité.

Enfin, les nombreux rebondissements sont généralement bien amenés et chacun d’entre eux est cohérent avec l’intrigue dans laquelle il s’insère. On ne sent pas chez Kim Wilkins de volonté de choquer le lecteur de manière gratuite avec les morts de certains personnages ou des twists inattendus ; chaque événement répond à une logique et entraîne des répercussions qui semblent avoir été mûrement réfléchies par l’auteure. De sorte qu’arrivés à la toute dernière page, nous sommes d’autant plus curieux de découvrir la suite que le petit cliffhanger qui clôture le roman n’est pas une simple accroche, mais bien un élément qui devrait en grande partie structurer le deuxième tome, qui sortira en Australie à la fin de l’été. S’il faudra encore faire preuve de patience, Les filles de l’orage augure donc de bonnes choses pour la saga Le sang et l’or dans la catégorie de la fantasy grand public, et plutôt féminine pour le coup, et témoigne encore une fois du sérieux de Bragelonne, qui sait mettre en avant des oeuvres de qualité parmi l’abondante production anglo-saxonne du genre.

Edit : Découvrez le tome 2 de la saga, Les Soeurs du Feu.

Article écrit par

Diplômée en Lettres Modernes, Natacha Fleurot rejoint la rédaction de Culturellement Vôtre fin 2015. Spécialisée dans les oeuvres jeunesse, young adult ainsi que la fantasy, elle réalise de nombreux articles dans les rubriques Livres et Cinéma. Passionnée de cuisine, elle teste aussi régulièrement des livres de cuisine et écrit dans la catégorie Food de la rubrique Lifestyle.

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