Après une introduction prometteuse, les éditions Soleil ont publié les tomes 2 et 3 de la nouvelle série du mangaka Ryuhaku Nagata, Abyss. Nous retrouvons donc Hibiki Dan et le groupe des survivants, qui se sont une fois de plus retrouvés piégés dans ce mystérieux dédale souterrain après avoir vaillamment combattu les Eatmen et diverses créatures répugnantes. Le gros cliffhanger à la fin du premier tome sous-entendait que le héros pourrait fort bien être le responsable de leur situation. Problème : hormis son nom et quelques détails insignifiants, il ne se souvient de rien.
Les abysses se révèlent
Le lecteur s’attend donc à trouver une réponse dans le tome suivant, or, il n’en sera (presque) pas question. Nagata poursuit l’histoire au même rythme effréné, en introduisant un nouvel espoir d’échappatoire dès les premières pages : l’apparition mystérieuse d’un train, programmé pour partir 2 heures plus tard et rejoindre le monde extérieur. Bien évidemment, rien ne sera gagné d’avance, et une véritable course contre la montre s’engage lorsque Hibiki Dan décide de partir à la rescousse d’autres prisonniers dont le groupe a entendu la voix. Les survivants se scindent alors en deux équipes distinctes, l’une qui part avec le héros, l’autre qui reste près du train. Le lecteur fera la connaissance de quatre nouveaux personnages, notamment une petite fille de 10 ans dont le trigger s’avèrera bien pratique puisqu’il lui permet de pouvoir voir les événements s’étant déroulés dans un lieu précis. On en apprendra ainsi davantage sur les abysses et la nature de ses monstres, tandis qu’une ignoble créature fera son apparition.
Si le premier tome, par la présentation de son concept et sa structure même, s’adressait plus particulièrement aux amateurs de jeux vidéo, cet aspect est bien plus limité dans les tomes 2 et 3, malgré quelques références et une créature en forme de big boss. Les bases étant désormais posées, Ryuhaku Nagata s’attache surtout à développer son univers en révélant au compte-goutte les mystères des abysses, tout en mettant les personnages face à des situations inextricables et en révélant un peu le passé de certains. Les flash backs concernant Hiiragi et Calnée, apporter un peu d’épaisseur à la première, et contribuent à épaissir le mystère en ce qui concerne la seconde, dont on devine qu’elle tiendra un rôle capital dans la série.
Une caractérisation inégale
Le tout, qui se lit tout aussi vite que le premier tome, est assez convaincant, même si, là encore, il est bon de rappeler qu’Abyss est un manga avant tout destiné aux lecteurs à partir de 15-16 ans et aux jeunes adultes. Si la lecture est agréable, les monstres toujours aussi chouettes et la progression satisfaisante, avec des révélations dosées avec parcimonie pour donner envie de lire la suite, on regrettera encore une fois la caractérisation parfois assez rudimentaire des personnages, comme cette pauvre Misaki, présente dès le début, mais dont l’auteur ne semble avoir que faire, si ce n’est que son trigger se révèle utile à certains moments précis. On espère donc que les tomes suivants permettront de développer un peu ce personnage qui fait plutôt potiche jusque-là.
On remarquera également que le mangaka a sans doute dû s’adapter aux codes présents dans les oeuvres destinées à son public-cible, puisque les illustrations de chapitre et certains passages, certaines cases, jouent beaucoup sur la plastique des héroïnes, et plus particulièrement celle d’Hiiragi, adolescente au fort caractère pour laquelle le héros en pince. L’un des Eatman la déshabillera ainsi à moitié, dévoilant son soutien-gorge et une poitrine généreuse. Soyons clairs : ce genre de dessins et de scènes sont inhérents au manga japonais et sont généralement réalisés avec humour. Nous ne crierons donc pas au scandale, d’autant plus que les cases en question sont finalement très restreintes, si l’on prend en compte la somme des pages dans lesquelles les personnages féminins apparaissent. Cela reste finalement assez innocent et n’est jamais véritablement grossier : en somme, à part la scène où Hiiragi est un peu dénudée par la créature, le principal changement consiste à dessiner des plus gros seins aux deux adolescentes. Ce qui est plus gênant, c’est que cette « augmentation mammaire » est finalement le seul changement que le lecteur est en mesure de remarquer en ce qui concerne le personnage de Masaki, qui n’est, encore une fois, pas vraiment traitée de manière équitable par rapport au reste du groupe.
Une suite efficace et encourageante
Niveau graphisme, les tomes 2 et 3 sont assez similaires au premier, avec des créatures et des décors assez intéressants (et très référencés), des personnages ados un peu simples dans les traits et expressions, et un découpage efficace, bien que sans réelle virtuosité. L’intérêt de la série repose donc avant tout sur son concept et son succès sur le long terme dépendra avant tout de la capacité de Nagata à développer son intrigue en évitant de tourner en rond.
De ce point de vue, le tome 2 d’Abyss nous laisse quelque peu partagés : les triggers étant relégués à l’arrière-plan, le côté stratégique en prend un peu un coup, laissant apparaître quelques ficelles. Cependant, le tome 3, tout en restant dans la continuité de son prédécesseur, sait rendre convaincant et intriguant ce qui était tout juste ébauché dans le volume 2, ouvrant sur une dimension onirique et psychologique qui semble appelée à prendre de l’importance par la suite et pourrait donner de très bonnes choses, à condition d’être bien gérée. Arrivés à cette troisième conclusion, marquée par un cliffhanger très efficace, on sent que la suite est en bonne voie et que l’idée au coeur de la série prend de plus en plus forme, ce qui est pour le moins encourageant. Le tome 4 devrait ainsi, selon toute logique, nous en apprendre plus sur Dan et permettre au lecteur de commencer à relier les différents fils de l’histoire, dont certains thèmes, chers à la culture japonaise (comme la culpabilité), commencent à se détacher.
Abyss tome 2 & tome 3 de Ryuhaku Nagata, Soleil Manga, sortie le 27 avril et 6 juillet 2016, 192 pages par volume. 6,99€