Caractéristiques
- Auteur : Cullen Bunn, Tyler Crook
- Editeur : Glénat Comics
- Date de sortie en librairies : 14 juin 2016
- Format numérique disponible : Non
- Nombre de pages : 128
- Prix : 14,95€
- Acheter : Cliquez ici
- Note : 8/10 par 1 critique
Une découverte conseillée
Visiblement, les sorcières ont le vent en poupe ces derniers temps. Au cinéma, The Witch a égayer l’année du cinéma de genre de bien belle manière, sans oublier le prochain Blair Witch qui arrive sous peu. Il faut bien dire que cette figure horrifique est l’occasion de voir les auteurs dignes de ce nom en profiter pour joindre le fond à la forme, bien évidemment en abordant les mauvais traitements dont les femmes font dramatiquement l’objet. Ce premier tome de Horrow County, tout auréolé du soutien très marquant de Mike Mignola (« à la fois incroyablement séduisante et totalement dérangeante, cette série est une réussite« ), nous faisait de l’œil depuis un moment…
Harrow County Tome 1 : Spectres innombrables raconte l’histoire d’Emmy, une jeune fille qui fête ses 18 printemps. Alors qu’elle vit en parfaite harmonie dans la ferme de celui qu’elle appelle « Pa », son existence va basculer quand elle fait de plus en plus preuve de pouvoirs guérissants. Ce qui aurait pu être un véritable don du Ciel est en fait un bien mauvais présage car, voilà dix-huit ans, une sorcière fut atrocement exécutée au sein même de la ferme, pendue à un arbre. Alors qu’elle vivait ses douloureux derniers instants, la femme promit de revenir hanter les responsables de ce crime. Parmi les dons de la sorcière figurait celui de la guérison…
Ce premier tome de Harrow County nous a conquis pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il s’agit d’un volume d’exposition exemplaire dans ses différentes mises en place. Le récit, ses qualités narratives et symboliques, se construit délicatement ; la grande force de ce comics étant de faire passer des impressions avant même de les infirmer, ou de les confirmer. Le lecteur ne peut s’empêcher de sentir que quelque chose ne tourne pas rond, les éléments s’enchaînent en ce sens, jusqu’à cette nuit où tout bascule. Sans vous spoiler quoi que ce soit, écrivons que le scénario en deux temps est un bijou structurel : il s’en dégage une cohérence qui nous happe, qui évite tout « sourire en coin » tant ce premier tome de Harrow County fait preuve d’une maîtrise de l’écriture.
Emmy sans famille
Emmy, le personnage principal, nous devient rapidement familière. Cette jeune fille bien de son âge traverse en fait une épreuve que nous connaissons toutes et tous : le passage à l’âge adulte. Car il est très clairement question de cela dans Harrow County : Spectres innombrables. Emmy se pose des questions sur elle-même, sur son futur, bref elle vit ce qu’une fille ressent quand elle devient petit à petit une femme. C’est dans ces conditions que ses origines remontent à la surface, et si elles sont épouvantables rien n’est véritablement marqué au fer rouge pour autant. Cullen Bunn s’empare de cette situation pour, en filigrane, faire de son héroïne une jeune femme qui recherche à trouver le bonheur, la paix, mais qui va pour cela prouver à toutes et tous qu’elle n’a pas à supporter le poids du passé… et de ses coutumes. La jeune fille va devoir faire accepter ce qu’elle est fondamentalement : différente de ses racines, mais tout de même une femme en devenir. Mais pour garder le contrôle, elle va devoir maîtriser ses pulsions, ses pouvoirs.
Outre ce discours appréciable et apprécié, le premier tome de Harrow County est aussi un comics très ancré dans le genre. La découverte de la peau d’un enfant, trouvée dans un talus de ronces après avoir quasiment quitté notre monde (le lapin en peluche laissé par le garçon nous rappelle fortement celui d’Alice au Pays des Merveilles), sera la preuve ultime d’une connexion entre Emmy et les esprits qui hantent cette bourgade. Un fait n’échappant pas aux habitants du coin qui, apeurés, décident de prendre les devants et de réitérer les méfaits produits dix-huit ans auparavant. S’ensuit une fuite qui rappelle évidemment celle de Frankenstein, élément de plus pour bien signifier qu’Emmy est en quête d’identité.
On termine la lecture de ce premier tome de Harrow County sur un bon gros point culminant qui nous donne furieusement envie de continuer cette série. Pour ne rien gâcher, le travail de Tyler Crook aux dessins est d’une qualité hors norme : on aime à la fois son trait précis et sensible, et la colorisation pousse au respect le plus complet. On notera notamment une représentation originale des spectres, qui font l’objet d’une idée de design troublante et marquante. La série Harrow County démarre sur de très bons rails qu’il faudra confirmer avec le prochain volume. Signalons, enfin, une édition par Glénat Comics plus que satisfaisante comme à leur habitude. Les croquis de fin de tome gardent les commentaires des auteurs, et l’on en apprend un peu plus sur la conception des personnages. Une histoire de qualité, des dessins à l’avenant, et un objet à la finition sans fausse note : on recommande chaudement.