Une histoire poétique aux illustrations magiques
Si vous êtes du genre à aimer les opérations écologiques, alors vous connaissez sûrement « Un arbre pour le climat« , « Un bébé, un arbre« , ou encore « 1€ = 1 arbre planté« . Les occasions de s’adonner à une activité aussi saine que le respect de la nature ne manquent pas, même s’il faut se tenir au courant et, parfois, aller à l’encontre de certaines habitudes voire d’un certain confort. Afin d’aider les futures générations à ressentir le moins possible l’impression d’effort dans son intérêt à l’indispensable verdure, et à tout son microcosme, la littérature jeunesse ne démérite pas et redouble d’inventivité. Un arbre pour ami est typiquement ce genre d’album.
Un arbre pour ami, c’est l’histoire d’un petit garçon dont on ne connaît pas le prénom, et qui se sent seul. Alors, un jour, il plante une pousse, et observe son arbre pousser, pousser, encore pousser. Soudain, une voix appelle à l’aide : c’est Oliver de Terre, un ver de terre à la superbe moustache qui manque de se noyer ! Cette entrevue sera la première d’une série de rencontres étonnantes, le petit garçon n’hésitant pas à s’aventurer dans l’arbre pour y découvrir ses habitants : l’abeille italienne et son talent relatif pour le dessin, la très cultivée grenouille rieuse, le crapaud couronné aux yeux ensorcelants, et la chauve-souris atteinte de somnambulisme. Au cours de cette aventure onirique, l’enfant va découvrir que chacun tient son rôle dans la nature, et surtout il sera émerveillé par ce que cette dernière peut réserver comme surprises.
Avec Un arbre pour ami, Victor Coutard délivre une histoire à la fois rassurante et charmante. Le parcours de cet auteur est intéressant, et explique pour beaucoup la poésie sensible et sincère qui se dégage de l’univers de cet album chaleureux. Passé par le journalisme (chez Canal + et Reporters d’Espoirs), il rejoint ensuite les Pépinières européennes pour jeunes artistes pendant trois ans, avant de foncer se former à l’agriculture biologique aussi bien en France qu’au Japon ou en Italie. On sent que cette trajectoire sert le propos d’Un arbre pour ami, dont le sujet réel est en fait la place essentielle de l’arbre (donc de la nature) dans le développement d’une enfance heureuse.
Un album qui prend son temps et se déguste jusqu’à la toute fin
Les dernières pages d’Un arbre pour ami s’éloignent de l’histoire afin de mettre en place une catégorie sur une double-page : « A toi de le faire« . On garde les personnages que les petits lecteurs ont rencontré au fil d’un récit limpide afin d’apprendre quelques réflexes simples à mettre en place, pour peu que le public visé puisse disposer de la place et du matériel nécessaire. Par exemple, Oliver de Terre sert de guide pour apprendre à faire du compostage. L’enfant obtient ainsi quelques clés de faisabilité et, s’il ne peut s’adonner à cela chez lui, en retient tout de même certaines notions qu’il pourra répéter plus tard.
Un arbre pour ami est aussi une belle réussite purement visuelle, l’artiste iranien Pooya Abbasian réussissant à donner le relief nécessaire à l’univers onirique que le récit décrit. On aime ce coup de pinceau à la fois précis et large, ces couleurs qui n’hésitent pas à jouer du dégradé. On ressent un équilibre avec le texte, la poésie qui s’en dégage fonctionne parfaitement. Abbasian s’adonne aussi à la réalisation de clips (notamment pour le groupe Archive), ce qui ne nous étonne guerre : on est témoin d’un véritable talent de l’imagerie. Un arbre pour ami est, donc, un album jeunesse complet, assez long pour que son histoire puisse bien se développer, et assez facile d’accès pour qu’il constitue à la fois une oralisation accompagnée de qualité et une lecture peut-être un chouïa difficile pour un public apprenant les joies du déchiffrage mais qui saura donner satisfaction. Sans oublier, au passage, l’excellente qualité de cette édition signée Gallimard Jeunesse, avec sa magnifique couverture cartonnée et son papier épais. On adoube.
Un arbre pour ami, un album jeunesse écrit par Victor Coutard, illustré par Pooya Abbasian. Aux éditions Gallimard Jeunesse, collection Giboulées, 64 pages, 18 euros. Dès 4 ans. Sortie le 15 septembre 2016.