[Critique] Objectif Terre – Sherman A. Rose

Caractéristiques

  • Titre original : Target Earth
  • Réalisateur(s) : Sherman A. Rose
  • Avec : Richard Denning, Kathleen Crowley, Virginia Grey, Richard Reeves, Robert Roark, Whit Bissell...
  • Genre : Science-fiction
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 75 minutes
  • Date de sortie : 7 novembre 1954

Figurant dans l’immanquable coffret La guerre des robots (avec Le maître du monde, Creation Of The Humanoids et Cyborg 2087), édité par Artus Films, Objectif Terre est un micro-budget comme savait si bien les produire la décennie 1950 à destination des drive-in. Adapté de la nouvelle Deadly City, écrite par Paul W. Fairman (dont d’autres écrits de science fiction ont été adaptés, The Cosmic Frame donnant le très culte Invasion Of The Saucer Men), nous allons voir que ce film n’est pas dénué de qualités, qui demandaient peut-être un développement plus poussé.

Objectif Terre débute sur un postulat très proche de celui de Le Monde, La Chair Et Le Diable : un personnage se réveille au sein d’une grande ville, ici Chicago, qui semble avoir été vidée de ses habitants. Ce protagoniste est une femme, Nora King, et bientôt elle découvre que son appartement n’a  plus ni eau courante, ni électricité. Un rapide coup d’œil par la fenêtre et sa vision lui confirme l’étrange atmosphère qu’elle ressent : elle est seule. Elle enfile alors ses habits et part errer dans la ville, jusqu’à ce qu’elle soit horrifiée par la vision d’un cadavre de femme. C’est à ce moment précis qu’elle rencontre Frank Brooks, qui l’effraie de prime abord mais dont la bienveillance se révèle de suite. Le duo va alors en rencontrer un autre, occupé à vider les bouteilles d’un restaurant, avant d’essayer de comprendre dans quelle panade ils sont. Errant dans les rues de Chicago, le groupe va surprendre la ronde d’un robot plus que menaçant, dès lors ils comprennent qu’ils sont en plein milieu d’une ville qui a été évacuée… et conquise.

image film objectif terre

Il est indéniable qu’Objectif Terre débute sur des chapeaux de roues, bien aidé par la vision claire d’un réalisateur certes sans-le-sou mais pas désarmé quand il faut faire preuve d’imagination. Toute la première partie est parfaitement captivante : Chicago n’a pas été détruite ni malmenée, juste vidée de ses âmes. Pas de journaux qui volent au vent, encore moins de façades d’immeubles brisées par des combats. Non, la jeune Nora King déboule dans une ville-fantôme propre, ce qui créé une inquiétante étrangeté très efficace, alors même que l’on sait que l’absence de moyens est évidemment la cause d’une telle absence de travail sur les décors. Comme quoi, les limites ont du bon.

Bien vite, le scénario d’Objectif Terre se doit d’avancer, de multiplier ses personnages et avec eux les indices sur ce qu’il se passe dans cette fichue ville. Intelligemment, Sherman A. Rose comprend que ses protagonistes sont sa seule richesse, donc il prend le temps de les construire, de les rendre tangibles aux spectateurs. Ainsi, les rares êtres humains à se réveiller dans cette Chicago vidée ont une raison de ne pas avoir entendu la phase d’évacuation. Sans ne vous spoiler quoi que ce soit, on regrette que ces motifs ne soient pas encore plus profonds (mis à part pour Nora King), car on tenait là une excellente occasion d’analyser certains maux.  En l’état, l’écriture reste cependant efficace, du moins jusqu’à une seconde partie un peu plus problématique.

image objectif terre

Objectif Terre se doit, tout de même, de nous présenter ses antagonistes. Bon, c’est précisément ici que le manque de moyens se fait sentir. On doit être face à l’un des robots les plus craignos de l’histoire des films de science fiction, mais que l’on s’entende bien : en fait le film s’en fiche pas mal. D’ailleurs, après nous l’avoir montré en action à mi-chemin du métrage, cet ennemi n’apparaît plus qu’à la toute fin… et sur une table d’analyse. Car se met en place, tout doucement, un montage alterné pas spécialement intéressant, qui tente d’expliquer le comment du pourquoi de ces robots. En fait, ces incartades au sein d’un quartier général militaire cheapos à souhait ralentissent le récit et préparent juste un final téléphoné, qui aurait gagné à être plus soudain, donc plus mystérieux.

Pendant ce temps, les quelques oubliés de l’évacuation vont vivre un véritable calvaire avec l’intervention de Davis, un véritable psychopathe qui voit, dans cette situation, l’occasion ou jamais de pouvoir prendre la malle. La venue de cet élément plus que perturbateur aurait pu, et même dû, intervenir plus tôt, mais même en l’état le rassemblement de tous ces êtres un peu paumés donne à Objectif Terre une saveur particulière. Côté interprétation, le casting assure l’essentiel tout en se laissant parfois aller à des plans de réactions parfois volontairement grotesques. Richard Denning (vous l’avez certainement vu dans Creature From The Black Lagoon) semble s’y mouvoir comme un poisson dans l’eau. Kathleen Crowley (Curse Of the Undead), elle, réussit à composer avec un rôle pas facile, qui lui demande à la fois d’être assez forte superficiellement et fondamentalement fragile. On a aussi à l’écran la magnifique Virginia Grey (The Naked Kiss), dont l’humour désabusé rapporte peut-être un peu à sa vie privée. Rappelons qu’elle fut éprise de Clark Gable, et que celui-ci ne voulu jamais d’elle, la laissant dans une tristesse sans fond…

Alors certes, Objectif Terre est loin d’être une perle oubliée. Trop de petits soucis, et surtout de potentiel un peu sous-évalué par un Sherman A. Rose qui, pourtant, ne démérite pas, font que le film ne décolle pas autant qu’on l’espère tout du long. Cependant, il reste un film de science fiction à découvrir sans hésiter, tant le divertissement est garanti.

image artus films

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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