[Critique] Rampage – Hors de contrôle : une licence à terre

Caractéristiques

  • Réalisateur(s) : Brad Peyton
  • Avec : Dwayne Johnson, Naomie Harris, Malin Åkerman, Jeffrey Dean Morgan, Jake Lacy, Joe Manganiello, Marley Shelton, P. J. Byrne
  • Distributeur : Warner Bros.
  • Genre : Fantastique, Action
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 107 minutes
  • Date de sortie : 2 mai 2018
  • Note du critique : 4/10

Pas assez fou pour convaincre

Quand on vous dit Rampage, à quoi pensez-vous ? Comment ? Les nullissimes films d’Uwe Boll ? Vous avez le sens de l’humour, mais soyez plus clairvoyants. Oui, voilà, un jeu vidéo assez obscur vient d’apparaître dans votre mémoire, du moins si vous êtes un enfant des années 1980, comme votre humble serviteur. Le blockbuster qui nous intéresse aujourd’hui avait de quoi titiller notre curiosité. Car adapter un jeu vidéo n’est déjà pas tâche aisée, seul Christophe Gans (Silent Hill) et Paul W. S. Anderson (Mortal Kombat, ses Resident Evil n’existent pas) ont su s’en sortir, et seul le premier avec de véritables honneurs. Alors, quand on s’attache à projeter l’univers d’une licence qui, pour rester poli, n’a jamais réellement marqué les esprits, on se dit qu’il se joue là une bien étrange musique.

Accompagné d’un véritable succès populaire aux États-Unis, où le film est déjà en salles, Rampage avait à la fois tout et peu pour convaincre. La qualité des jeux assurait à la licence les dernières pages de Player One, là où les notes ne dépassaient que rarement le terrible 50%. Mais le concept, qui nous projetait aux commandes d’un monstre géant (on va garder le terme Kaiju pour les œuvres qui le méritent), contenait ce qu’il fallait de folie pour assurer une adaptation en forme de grand spectacle. Les scénaristes ne s’y sont pas trompés : on retrouve évidemment le trio de grosses bêbêtes. Mais il fallait creuser un peu, ce que la licence vidéoludique n’avait jamais osé jusqu’ici. Cela accouche d’une histoire très banale de multinationale qui cherche à créer une arme génétique. Sauf que, vous l’aurez compris, la chose va échapper à leur contrôle, ce qui touchera un gorille albinos, un loup et un crocodile.

Bien entendu, les auteurs de ce bordel (l’expérience, pas le film) vont vouloir rattraper le coup. Donc, ils se mettent en tête d’attirer le trio sauvage vers Chicago. Bien entendu, ils sèmeront une joyeuse destruction sur leur passage. Au milieu de tout cela, Rampage introduit des personnages humains. En premier lieu, et en tête d’affiche, le primatologue David Okoye, interprété par le seul acteur qui, de nos jours, puisse tenir un film d’action sur ses épaules saillantes : Dwayne Johnson. On lui ajoute une sidekick un peu pataude, pas très utile, campée par Naomie Harris, et l’on obtient un duo assez moyen. Au-delà du fait que l’alchimie ne prend jamais concernant le spectaculaire, ce qui reste le but premier de ce schéma relationnel, on remarque parfois une direction des comédiens un peu en roue libre, des regards caméra un peu désespérés, bref ça sent le fait à la va-vite. Ajoutons l’incroyablement insupportable Jeffrey Dean Morgan, surnommé par nos soins « la transversale », car il ne peut s’empêcher de se pencher dès qu’il entame un dialogue. Les antagonistes, eux, apportent un peu du délire qu’on était en droit d’attendre. C’est déjà ça.

Un combat final tout de même réussi

image critique rampage
Copyright Warner Bros.

Mais recentrons le débat. Après tout, Rampage était surtout attendu pour ses séquences de destructions citadines, pas pour son scénario ou l’interprétation de ses comédiens. Seulement, on ne peut pas dire qu’on en est sorti estomaqué. Les trois-quarts du film se déroulent en-dehors de la ville (un comble !), et les instants de dévastation ne marquent globalement pas vraiment les esprits. Une sorte de mélange entre le Godzilla de Emmerich, et le final décevant du Monde Perdu de Spielberg ? On n’ira pas jusque là, mais on ressent un peu de ça. Heureusement, Brad Peyton (San Andreas, Incarnate) n’est pas un manche. Le réalisateur nous sort tout de même la séquence de combat attendue, et elle tient ses promesses, impossible d’affirmer le contraire. Mais ce petit quart d’heure parfois jouissif mérite-t-il une longue traversée du désert, à peine habitée d’une poignée d’oasis revigorantes ?

Rampage cartonne, et c’est tant mieux. D’ailleurs, comme toujours on vous conseille de vérifier tout cela de vôtre côté, et de nous insulter sur les réseaux sociaux si vous n’êtes pas d’accord (on accepte aussi les messages intelligibles, sensés et courtois). Seulement, on aura du mal à se joindre aux louanges. Spectacle décevant, et signalons aussi une volonté évidente, et maladroite, d’affirmer un discours idéologique en perte de vitesse. On ne rentrera pas trop dans le débat, il est houleux, mais nous ne nous sommes pas battus, pendant des années, pour que les personnages afro-américains soient enfin au cœur de traitements corrects, pour qu’au final le schéma racialiste s’inverse. Les gentils afro-américains, les méchants blancs privilégiés (et riches hein, parce que socialement c’est bien connu qu’ils sont tous pétés de thunes), ce n’est jamais que l’exacte symétrie de ce qu’on dénonçait voilà quelques années. Et ne parlons même pas du traitement de l’homme caucasien qui, en dehors du cow-boy embarrassant campé par Jeffrey Dean Morgan, est, pêle-mêle : un dragueur fourbe, un vegan rigolo ou un être exagérément dévirilisé. La teinture pour cheveux verts ou bleus n’est pas inclue avec le film, mais c’est tout comme. On appelle ça faire du surplace, avec les mêmes armes, et ce n’est pas pour nous plaire.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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