[Critique] Batman Ninja : trop confus pour convaincre

Caractéristiques

  • Titre : Batman Ninja
  • Réalisateur(s) : Junpei Mizusaki
  • Distributeur : Warner Bros.
  • Genre : Action
  • Pays : Etats-Unis, Japon
  • Durée : 85 minutes
  • Date de sortie : 9 ai 2018
  • Note du critique : 3/10

Un délire trop foufou

Batman Ninja a au moins la qualité de réunir deux visions du monde, pas si éloignées l’une de l’autre. Contrairement à ce que l’américanisation des esprits, menée par Disney et Marvel, peut nous laisser croire, les super-héros sont l’affaire de plusieurs cultures. Le Mexique a ses catcheurs masqués aux pouvoirs prodigieux, et le Japon n’est pas en reste. Car, au fond, le sentai se rattache aussi à ces codes, qui construisent des univers où l’exploit est avant tout dû au dépassement de soi le plus surréaliste. Quoi de plus logique, au fond, que de voir naître l’envie de mélanger les personnages comme ceux de DC Comics, et l’esprit nippon ? Dès lors, on était motivé d’une grosse curiosité, surtout que le réalisateur, Junpei Mizusaki (Jojo’s Bizarre Adventure, directeur de l’animation sur quelques jeux Mega Man X) n’est pas un manche, loin de là. Précisons ici que l’animé sort directement en vidéo, mais que nous l’avons découvert en projection. Donc, nous ne pourrons pas aborder les qualités techniques des galettes DVD ou blu-ray.

Si les intentions sont bonnes, le résultat à l’écran n’est pas spécialement à la hauteur des espérances. Le scénario de Batman Ninja est clairement une option, dans ce délire animé qui gagne en lourdeur tout du long. Dès le début, on comprend où veut en venir Junpei Misuzaki : se débarrasser des obstacles à l’action. Pas que ça nous déplaise à la base, mais il faut tout de même une véritable justification par la motivation des personnages. On repensera, par exemple, au très bon Commando de Mark L. Lester, qui mettait en place un rythme sans temps mort, mais pas sans un solide duo formé par la problématique et l’antagoniste. Ici, le récit n’est pas spécialement à la hauteur. Tout va très vite : Batman cavale sur une architecture étrange, et se retrouve projeté au Japon féodal par le biais d’une étrange machine. Aucune précision sur cette dernière, ni au début, ni à la fin, ou alors au détour d’une rapide réplique.

Le reste de Batman Ninja se la joue, donc, spectacle non-stop. Le bordel est complet, mais s’assume. Le Joker apparaît n’importe comment, les autres personnages sont introduits avec une légèreté volontairement comique, et c’est plutôt réussit de ce point de vue. L’univers répond présent, dans les rares moments de calme on perçoit même une intention. Alors qu’on suit une histoire à base de combats de clans, le sujet de la technologie intervient un peu comme un cheveu sur la soupe, intimant au Chevalier Noir de revoir sa philosophie. On repense, notamment, au plan assez drôle de Batman cherchant à trouver un point en hauteur, afin d’y balancer son grappin, en vain. Et pour cause, le Japon féodal n’est aucunement la très verticale Gotham. Cela force le personnage à prendre en compte les problématiques du terrain, mais aussi les particularités d’une société ancienne. Il revoie son fonctionnement, sa logique, en ne remettant jamais en cause son principe non-létale.

Mal de crâne, malgré de rares bonnes idées

Autour de cette approche intéressante, Batman Ninja se laisse aller dans un complaisant brouhaha. On n’a rien, absolument rien contre les robots géants. Bien au contraire. Seulement, tout tombe à plat à cause d’une gratuité qui tourne à l’indigeste. Sans trop vous spoiler ce que le scénario vous réserve, sachez que la culture japonaise sert de terreau à un développement qui louche vers les otakus, mais sans véritable fondement. Cela accouche d’un résultat certes rigolo, fun à l’occasion de quelques séquences, mais inconsistant. C’est, d’ailleurs, un reproche qui porte atteinte à l’ensemble de ce film, au point d’attaquer les fondations de la structure. On se rappelle surtout de ce passage étrangement conceptualisé, présentant un Joker dans une position troublante. Afin de faire grandir l’émotion, le style graphique se modifie, et modifie le rythme. On n’adhère pas, malgré la qualité de la scène, tant cela ruine la bonne compréhension de l’instant.

Batman Ninja ne relève pas le niveau du côté de l’animation. Celle-ci est malheureusement digne de ce qu’une grande partie de l’animé japonais produit depuis quelques années. C’est assez haché, pas très agréable à l’œil. Par contre, on apprécie la direction artistique, qui fait le choix pertinent de garder la substance, notamment des personnages, en leur apportant une patte typiquement nippone. On pense notamment à Catwoman. On aurait pu joindre les Robin à ce constat, mais les personnages sont tellement abusivement survolés qu’on n’a pas vraiment eu le temps de les observer. C’est d’ailleurs, un autre regret : les protagonistes sont présents, mais tellement pris par-dessus la jambe qu’ils ne paraissent jamais utile à l’histoire. Dommage, car le Joker a un certain côté très Kefka, le grand méchant de Final Fantasy 6, qui aurait du bien plus nous charmer. Au final, le délire se termine, et peu de chance qu’on s’en souvienne très longtemps.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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