[Critique] Chasse à l’homme : le rêve américain n’est plus ce qu’il était

Caractéristiques

  • Titre original : Hard Target
  • Réalisateur(s) : John Woo
  • Avec : Jean-Claude Van Damme, Lance Henriksen, Yancy Butler, Arnold Vosloo, Wilford Brimley
  • Distributeur : Universal Pictures
  • Genre : Action
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 97 minutes
  • Date de sortie : 17 novembre 1993
  • Note du critique : 7/10

Quand le Comte Zaroff rencontre John Woo

image van damme chasse a l'homme
Muscles et mulet saillants.

Vingt-cinq ans. Cela fait vingt-cinq ans que Chasse à l’homme est sorti. Voilà un quart de siècle, votre humble serviteur s’engouffrait dans la salle de son cinéma de quartier, pour assister à un véritable évènement.  Rendez vous compte ! Tout d’abord, il s’agissait du tout premier film américain pour le gigantesque John Woo qui, déjà à l’époque, avait atteint le stade de valeur sûre dans un petit circuit de passionnés français. Surtout, Hard Boiled était encore dans toutes les têtes, lui qui redéfinissait la conception même de grand spectacle. Il était temps, pour le réalisateur, de se frotter à l’Oncle Sam, et pour ce faire il s’entourait de la star du moment : Jean-Claude Van Damme. Lui, par contre, sortait du très chiant Cavale Sans Issue, mais le box office ne faiblissait pas. Une rencontre explosive ? Oui, et pourtant le résultat n’a pas laissé de grands souvenirs, ni pour l’un des deux noms, ni pour l’autre.

Chasse à l’homme a tout du pari dingue, tenté par un auteur qui, pourtant, avait plusieurs scripts à sa disposition. Le choix est étonnant sur le papier, car il prend une toute autre voie que ce qu’on voyait habituellement chez John Woo. Pas de vrais mafieux, ni de camaraderie (du moins, pas au centre du récit). Mais une histoire qui cite clairement Les Chasses du Comte Zaroff, dans le contexte aussi urbain que tropical de la Nouvelle Orléans. Dans ces ruelles un brin sordides, une fois la nuit tombée, un réseau de tueurs professionnels, menés par le très agressif Emil Fouchon, ont mis en place des chasses à l’homme  (au sans domicile fixe et ancien militaire, pour être plus précis), pour les personnes richissimes qui veulent s’offrir le frisson du meurtre. Seulement voilà, l’une de ces braconnages dérape, car la cible, liquidée, avait de la famille. Et cette dernière, Natasha, est certes réduite mais volontaire. Pour retrouver son père, dont la mort n’est pas encore découverte, elle engage Chance Boudreaux, un homme fort, et qui connaît l’endroit comme sa poche. Ensemble, ils vont remonter la piste des tueurs.

Chasse à l’homme est un pur film d’action des années 1990. De cette époque qui n’y allait pas avec le dos de la petite cuillère pour nous en mettre plein la vue. De ces longs métrages qui ne s’embarrassaient pas de messages à faire passer, autre que « vous allez vous éclater ». Les séquences fortes s’enchaînent plutôt bien malgré quelques petites longueurs dans la première partie, pas assez graves pour qu’on en tienne rigueur. Le titre n’est pas pas une seule seconde mensonger : à tout instant il est question d’une traque. Quand ce n’est pas encore celle de Chance Boudreaux, incarné par un Jean-Claude Van Damme (LukasKickboxer) à la nuque recouverte d’un mulet un peu embarrassant, c’est celle d’un autre personnage. Il y a toujours une raison pour fuir, dans ce long métrage. Peut-être cela fait-il écho, chez le réalisateur, à sa condition hongkongaise, lui qui s’est éclipsé de l’île un peu avant la rétrocession ? Toujours est-il qu’on a là des séquences qui vont du divertissant au carrément admirable, comme celle de la poursuite en moto, qui préfigure ce qu’on verra, par la suite, dans Mission Impossible 2.

Du grand spectacle typique des années 1990

On assiste à bien de bons instant, seulement Chasse à l’homme ne peut pas cacher son statut de film accouché dans la difficulté. Tout d’abord, on sent bien que le scénario ne passionne pas tant que ça le réalisateur, et encore moins la tête d’affiche Jean-Claude Van Damme. Ce constat ne se fait pas à la vue de l’écriture des personnages, bien au contraire ils sont remarquables. On a une nette préférence pour l’antagoniste, incarné par un Lance Henriksen totalement habité, mais on est aussi charmé par des rôles secondaires. Un peu moins par Chance Boudreaux, dont on aurait apprécié un background plus précis. Mais ceci n’est pas véritablement une retenue, contrairement à quelques incohérences assez embarrassantes, qui traversent l’écran de par le manque de soin apporté à l’univers du film. Et ceci est sans doute dû au passage laborieux devant la MPAA, la commission de censure américaine. John Woo a livré pas moins de six versions (!), afin d’éviter le catastrophique NC-17 (interdiction totale aux moins de 17 ans). Vingt minutes sautent du montage, une vraie calamité. D’ailleurs, le metteur en scène ne cache pas sa grande préférence pour la version Director’s Cut. Pendant ce temps, Van Damme a fait en sorte que l’œuvre soit truffée de gros plans sur sa pomme, plus que sur Henriksen. Le résultat s’en trouve un peu déséquilibré.

Chasse à l’homme est une expérience qui laisse John Woo et Jean-Claude Van Damme assez amers. Ce n’est un secret pour personne : les deux personnalités ne se sont pas entendus. Pas du tout. Par contre, le spectateur, lui, peut largement s’y retrouver. Il est évident que le récit souffre d’un sous-développement, mais le grand spectacle est tout de même bien présent. Il prend même une tournure apocalyptique sur la fin quand, dans un hangar rempli de chars de carnaval, les personnages font parler leurs armes quasiment à bout portant. Une séquence d’action qui en jette, réalisée avec tout le sens du divertissement que le Woo de la grande époque pouvait déverser. Alors certes, ce n’est pas son meilleur film, ni la meilleure prestation d’un JVCD apparemment déjà sur une mauvaise pente, avant que son pif ne se transforme véritablement en tunnel à drogues dures. Mais on en sort tout de même charmé.

Article écrit par

Mickaël Barbato est un journaliste culturel spécialisé dans le cinéma (cursus de scénariste au CLCF) et plus particulièrement le cinéma de genre, jeux vidéos, littérature. Il rejoint Culturellement Vôtre en décembre 2015 et quitte la rédaction en 2021. Il lance Jeux Vidéo Plus. Manque clairement de sommeil.

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