article coup de coeur

[Critique] John Wick Parabellum : un film d’action orgasmique

Caractéristiques

  • Titre : John Wick Parabellum
  • Titre original : John Wick : Chapter 3 - Parabellum
  • Réalisateur(s) : Chad Stahelski
  • Avec : Keanu Reeves, Halle Berry, Ian McShane, Lance Reddick, Laurence Fishburne
  • Distributeur : Metropolitan Filmexport
  • Genre : Action
  • Pays : Etats-Unis
  • Durée : 131 minutes
  • Date de sortie : 22 mai 2019
  • Note du critique : 9/10

John Wick Parabellum, plaisir coupable ?

image keanu reeves john wick parabellum
Définitivement, fallait pas l’énerver.

La saga John Wick, c’est d’abord un trip nostalgique. Celui-ci nous mène vers des films d’action badass des années 1980, avant que la société n’évolue (?) vers des héros moins iconiques, car se voulant plus « humains »,  et donc plus vulnérables. Une idée intéressante en soi, mais qui s’avérerait plus productive si son essor n’avait pas paradoxalement signé le glas de son prédécesseur, évoluant au fil du temps vers un cinéma trop aseptisé et au moins aussi caricatural que la « génération biscottos » des Schwarzenegger, Norris et autre Van Damme, l’humour décomplexé en moins de surcroit. John Wick, c’est l’histoire d’un ancien tueur repenti qui, suite au décès de sa femme, puis d’une agression qui coûtera la vie à son chiot, lequel représentait le dernier cadeau de la défunte en question, va reprendre les armes et redevenir Baba Yaga, le croquemitaine sanguinaire qu’il fut jadis. Bon sang, ce que ce postulat, d’une simplicité déconcertante, fait du bien : pas de grandes envolées lyriques, ni de longues diatribes sur le pourquoi de l’existence humaine ou la rédemption. Non, juste un tueur énervé n’acceptant pas que des mafieux russes viennent lui marcher sur les pieds.

Après l’exécution des vilains russes, John Wick 2 commençait non sans humour par l’ultime mise au point du tueur vis-à-vis de ses adversaires : récupérer sa précieuse voiture volée durant la même nuit fatidique. Par la suite, son retour ne s’étant bien sûr pas opéré dans la plus grande discrétion, une nouvelle organisation italienne cette fois vient lui rappeler qu’il a toujours envers eux une dette de sang (au sens propre), et qu’il doit l’honorer s’il veut être tranquille à nouveau. Hélas, les italiens, se révélant manifestement aussi peu prudents que les russes, vont tenter de le rouler dans la farine, déclenchant à nouveau un tourbillon de violence qui trouvera son point culminant par l’exécution de leur chef au sein du même hôtel Continental de New York, refuge sacré d’une société mafieuse que l’on devine dès ce second volet extrêmement tentaculaire et complexe. Cet acte violent et profane le conduira à être excommunié par cette même entité de l’ombre et l’obligera à fuir avec son nouveau chien. Ainsi se terminait John Wick 2, et ainsi commence John Wick Parabellum.

Cannon Fever

image mark dacascos john wick parabellum
Mark Dacascos revient, et sa prestation se révèle mémorable.

Si John Wick chapitre 1 et 2 avaient déjà fait preuve d’une immense efficacité d’action, il est clair que John Wick Parabellum place la barre encore un cran au-dessus. Dans le premier chapitre, nous découvrions le personnage de John Wick, dans le deuxième son univers. Ici, ce sont les deux éléments à la fois qui sont traités de manière frontale, développant à la fois les réflexions (basiques) du héros mais aussi en continuant d’étendre les codes qui le régissent. Tout cela prend forme au point de faire ressembler l’ensemble à une dystopie suffisamment éloignée de notre propre monde pour accréditer les nombreux délires et trouvailles narratives. Ce monde en fait, pourrait être celui de la Cannon, célèbre studio des années 1980, réputé pour ses productions bis. Que ce soit le cultissime Invasion USA, la naissance de la carrière de Van Damme avec Bloodsport, ou leur période soleil levant avec l’inénarrable Michael Dudikoff dans le personnage de l’American Ninja, tout ça sent le culte. La liste est très longue, et même si la caricature est souvent de mise au seins des studios de Menahem Golan, il faut noter qu’ils sont également les artisans de véritables pépites du cinéma de genre comme Lifeforce ou la suite de Massacre à la Tronçonneuse, tout deux réalisés par Tobe Hopper. John Wick Parabellum et ses prédécesseurs sont, en fait, la suite logique et attendue de ce cinéma finalement assez bon enfant qui, à l’époque, ne se préoccupait guère des barrières morales ou des limitations de budget. Une évolution pourtant de grande classe, qui possède justement un écrin stylistique et référentiel que ne possédait pas ou ne pouvait posséder ses aïeux.

Si le premier John Wick savait encore rester relativement sobre dans ses péripéties, le second commençait sa métamorphose en un duel final dans un palais des glaces qui empruntait autant à La Dame de Shanghai (1948) qu’à Opération Dragon (1973) avec Bruce Lee, selon vos goûts référentiels. John Wick Parabellum embrasse lui définitivement le point de vue de l’hommage (entre autre à Sergio Leone) tout autant que de l’innovation moderne. Les adeptes irréductibles des polars noirs et réalistes passeront sans doute leur chemin, mais les autres ne pourront qu’être bluffés par l’inventivité visuelle de ce troisième chapitre. Lequel prouve qu’on peut tuer un homme avec un cheval, sans monter dessus. Ou se régaleront d’assister au duel entre Keanu Reeves face au revenant Mark Dascacos (fabuleux dans son rôle d’assassin mystique et un peu geek), épaulés par la présence des deux antagonistes martiaux des films The Raid et sa séquelle. Une séquence qui représente le point d’orgue d’un long métrage qui se permet même une allusion au Jeu de la Mort (un autre film avec Bruce Lee…) par sa progression étape par étape. Nous mettons d’ailleurs au défi les puristes de ne pas crier au moins une fois « Ninja ! » dans la salle.

« C’était mieux avant ! »

En fait la conclusion d’une critique à propos de John Wick Parabellum ne peut se faire sans passer pour un vieux réactionnaire (en tout cas du point de vue des bobos parisiens et hollywoodiens). Car oui, on peut se dire que c’était mieux avant. Non que cette époque soit si importante qu’aucun grand film de genre n’ait été réalisé depuis, bien sûr que non. Mais le problème vient davantage du fait qu’autrefois les métrages respiraient d’avantage la testostérone, et cela pose problème à beaucoup de nos jours. Un procès cependant alambiqué car, derrière ce virilisme de forme, il y avait également de vraies histoires vantant les notions de justice (parfois aussi de vengeance), de valeurs morales et de courage. Le genre d’intrigues qui tendent à manquer de nos jours tant le cinéma semble devenu prude en termes d’idées, de personnages, d’action, comme si il était plus important de ne choquer personne plutôt que de s’amuser en rentrant dans une salle.

Une volonté qui plus est contredite dans John Wick Parabellum, par le personnage de Halle Berry, sorte de démarque féminine de John Wick qui nous régale de ses propres méthodes de tuerie épaulés par ses deux molosses canins. Une preuve supplémentaire que jamais le récit ne cherche à provoquer le débat, mais plutôt à enrichir sa narration par des personnages bien écrits, certains nouveaux, d’autres survivants des précédents volets, qui participent tous avec entrain à ce spectacle d’actioner Grand Guignol au rythme effréné, qui nous fait voyager de New York à Casablanca sans jamais connaitre aucun temps mort. Keanu Reeves trône au sommet de cette lutte pour la survie et prends un malin plaisir à reprendre sa composition pantomime de Terminator, aussi increvable que revanchard.

John Wick Parabellum est donc la lumière dans l’obscurité, ou le chant du cygne d’un genre qui se devrait de continuer à exister, ne serait-ce que pour qu’on puisse objectivement continuer à comparer ce qui était et ce qui est. Ce que nous avons perdu et ce que nous avons gagné. Ce genre de film est nécessaire, de par son seul témoignage d’une époque révolue, mais qui ne demande qu’à montrer à nouveau qu’elle peut produire des métrages non formatés qui plaisent au public. John Wick Parabellum est un grand film, irréprochable techniquement, décérébré dans sa narration, innocent dans son propos et ça fait du bien : cela devient de plus en plus rare de nos jours.

Article écrit par

Depuis toujours, je perçois le cinéma, certes comme un art et un divertissement, mais aussi et surtout comme une porte vers l'imaginaire et la création. On pourrait dire en ce sens que je partage la vision qu'en avait Georges Méliès. Avec le temps, de nombreux genres ont émergé, souvent représentatifs de leurs époques respectives et les bons films comme les mauvais deviennent ainsi les témoins de nos rêves, nos craintes ou nos désirs. J'ai fait des études de lettres et occupé divers emplois qui jamais ne m'ont éloigné de ma passion. Actuellement, sous le pseudonyme de Mark Wayne (en hommage à l'acteur John Wayne et au personnage de fiction Bruce Wayne alias Batman), je rédige des critiques pour le site "Culturellement Vôtre". Très exigeant dans ma notation des films, en particulier concernant le scénario car c'est la base sur lequel aucun bon film ne peut émerger s'il est bancal ou pour le moins en contradiction avec son sujet. Je conserve une certaine nostalgie d'une époque qui me semble (pour l'instant) révolue où le cinéma ne se faisait pas à base de remakes, intrigues photocopiées et bien-pensance. Néanmoins, rien n'entame mon amour du cinéma, et chaque film que je regarde me le rappelle, car bons ou mauvais, ils restent le reflet de notre époque.

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