Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur.
Quand les « Avengers » s’attaquent au légendaire Guépard
Avant d’aborder la « campagne » qui tente de s’attaquer à la légende, je vais un peu revenir sur ce qui me fait penser, profondément, qu’Alain Delon en est une. De légende. Bien entendu, son pédigrée est au premier rang des arguments conviés. Vous n’aimez pas les listes ? Je m’en cogne, en voici une, par ordre de sortie :
- Rocco et ses frères
- L’Eclipse
- Mélodie en sous-sol
- Le Guépard
- L’insoumis
- Paris brûle-t-il ?
- Le Samourai
- La Piscine
- Le clan des Siciliens
- Borsalino
- Le Cercle Rouge
- Scorpio
- La race des Seigneurs
- Deux hommes dans la ville
- Zorro
- Le Gitan
- Monsieur Klein
- Mort d’un pourri
Quasiment vingt films, et autant de grandes œuvres. Pas juste des bonnes péloches, voire très bonnes. D’ailleurs, s’il fallait les compter, on pourrait aisément doubler la taille de cette liste. Non, juste de la grande réussite.
Le point de vue mettant en avant la réussite artistique est celui qui habite beaucoup d’avocats de l’indéfendable. Oui, on aime la carrière de Roman Polanski, moins la casserole qu’il se trimballe. Du coup, ce n’est pas simplement l’argument artistique qui nous habite. D’ailleurs, et comme écrit très justement dans un excellent article de chez Le Point, la filmographie d’Alain Delon peut être sujette à débat. Clairement, il y a un avant Monsieur Klein, et un après. Cette fin de carrière, qui rassemble là encore une vingtaine de longs-métrages (à mettre en perspective : la star en a tourné quatre-vingt dix !), sonne assez faux, avec des moments parfois embarrassants, comme Attention, les enfants regardent. Résumer le cheminement de l’acteur à cette conclusion accompagnée d’une odeur de raz-le-bol serait grotesque, et ne peut que témoigner d’un à-priori motivé par la mauvaise foi. Mais on a le droit de se laisser aller à ce genre de raccourci, pourquoi pas.
Nous n’avons pas les mêmes valeurs
Aussi invitée au premier rang de ce qui forme la légende Alain Delon, son vécu. Bon sang, on ne parle pas de Pierre Niney, ce mutant qui nous casse les pieds avec sa bienveillance de façade, exprimée comme une demande d’adoubement par la poignée agissante sur Twitter et autres maudits réseaux sociaux ! Qu’a vécu cette idole des freaks, au galbe de serpent, dont le charisme approche celui d’un sachet de levure ? Rien, m’étonnerait pas qu’il soit végan, et qu’il ne se soit jamais pris de cuite. À peine un jus de goyave en commerce équitable avec Philippe Torreton, c’est soirée disco dans la grande famille si bienveillante du cinéma français ! Le géant qui nous intéresse ici a connu l’époque que chaque homme normalement constitué (avec un peu d’épaules, un chouïa de poils et une propension à l’aventure) aurait aimé vivre : celle des Jean Gabin, Romy Schneider, Lino Ventura, Henri Verneuil, Michel Audiard. Stop. On pourrait en citer plus, mais stop : ce genre de grands noms définit ce qu’on a perdu. Mais aussi ce qu’on doit désormais s’infliger.
Imaginez seulement ce genre de gouaille, face aux hordes impies pensant représenter « le progrès ». La situation aurait pu être amusante, car l’intense liberté fondamentale que ces personnages aujourd’hui mythiques représentaient en ont aussi assuré la postérité. Oui, Alain Delon a déclaré pas mal de choses discutables. Dans « discutables », on devrait entendre « discuter ». Mais 2019, ce n’est plus le débat. C’est l’interdiction, la censure, la recherche du quart d’heure warholien sur le compte d’un combat idéologique aux atours de fascisme qui, non seulement, ne dit pas son nom, mais tente piteusement de le projeter chez celles et ceux qui oseraient ne pas suivre aveuglément le bien maigre troupeau de veaux. C’est aussi la fin d’une décennie terrible pour le cinéma, dominée au box office par le seul divertissement américain, et particulièrement une fusion démoniaque entre Disney et Marvel, devenue maîtresse du marché. Rassurez-vous, tout va bien, la World Company du septième art vient d’annoncer que la chanson des siamois, dans leur future adaptation live de La Belle et le Clochard, sera censurée réécrite. Quelle sale mascarade !
Les rageuses vont rager
Alain Delon est une légende. Et une légende vivante. C’est, sans doute, un des éléments qui rendent fou de rage les crétin.e.g.l.a.f.etc étasuniens qui ont lancé une pétition visant tout simplement à empêcher la remise d’une Palme d’honneur à l’acteur. Récompense honorifique bien méritée par ailleurs, puisque celui-ci n’a pas encore été couronné par le pseudo-gratin cannois. Je rappelle que Sergio Leone ou Stanley Kubrick n’y ont pas eu droit eux non plus. Mais tout de même, il est à souligner que l’initiative reste courageuse et pertinente.
Visiblement, pas pour de rustres associations comme Women and Hollywood. Il faut donc se rabattre vers une autre culture afin d’empêcher l’une des gloires autochtones de pouvoir jouir de ses actes, de ses exploits, de son travail et de ses prises de risque. Surtout quand cette idole est un homme (bouh), blanc (berk), carniste (honteux), et valide (dégueulasse). Allez, ajoutons plein de mots en « phobe », ça mouillera les joues de la bourgeoise. Tellement prévisible. D’ailleurs, je me faisais la remarque lors de l’émission animée par Pascal Praud, habitée par Alain Delon : ça sent le tour de table, les récompenses de fin de carrière. Et, évidemment, la confrontation avec des Social Justice Warriors qui font passer le symbole idéologique avant le prestige et la qualité de la filmographie d’un acteur. Décerner une Palme à Alain Delon, est-ce récompenser l’homme ou la carrière ?
Entre nous, le sujet ne vaut pas la peine qu’on y passe trop de temps. La pétition est évidemment grotesque, lancée par une gonzesse qui n’a sûrement jamais vu un film de Luchino Visconti. Leur entreprise est si risible que l’objectif de signature en traduit toute la vanité. Mission 25 000 paraphes ! Voyons, les censeuses, Alain Delon a fait se déplacer 135 millions de spectateurs en salles. Bien plus si on compte le public télé, vidéo. Cent. Trente. Cinq. Millions. Les 25 000 cas sociaux qui désirent ardemment l’annulation de cette Palme ne pèsent rien face au réel. Toute cette époque du politiquement correct, du tweet oublié en dix secondes, ne pourra pas atteindre la légende Alain Delon. Il va falloir vous faire une raison, les rageux.
Les opinions exprimées à travers cet édito n’engagent que leur auteur.