Caractéristiques
- Traducteur : Karine Lalechère
- Auteur : Gloria Steinem
- Editeur : Harper Collins France
- Date de sortie en librairies : 6 mars 2019
- Format numérique disponible : Oui
- Nombre de pages : 416
- Prix : 19€
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- Note : 8/10 par 1 critique
Les mémoires passionnantes d’une icône féministe des années 60-70
Icône féministe américaine et figure incontournable du mouvement dans les années 60-70, Gloria Steinem, 85 ans aujourd’hui, est un peu moins connue en France — d’où l’intérêt de découvrir le parcours de cette femme engagée et attachante à travers la publication de ces mémoires passionnantes.
Ma vie sur la route : Mémoires d’une icône féministe, publié chez nous par Harper Collins France, est paru Outre-Atlantique en 2015 et retrace avec ferveur les nombreux voyages et road-trips effectués par Gloria Steinem dans le cadre de son activité de social organizer — un métier qui consiste à organiser et coordonner des événements militants à portée sociale, parfois au sein d’universités. Tout au long de ces 400 pages, c’est tout un pan de l’histoire des Etats-Unis — de la lutte pour les droits civique jusqu’à la présidence d’Obama — que nous découvrons à travers son regard, avec le sentiment d’en être un témoin privilégié.
Un témoignage précieux sur les luttes qui ont agité l’Amérique depuis les années 60
Féministe intersectionnelle en faveur de l’égalité hommes-femmes et luttant pour les droits des minorités et des amérindiens, Gloria Steinem s’est tenue dans l’oeil du cyclone dès le début des années 60. En tant que journaliste pour différentes grandes publications américaines (dont le magazine Esquire) et fondatrice du magazine Ms. , elle a couvert aussi bien la lutte pour les droits civiques que les primaires démocrates dans les années 70, alors que le parti cherchait à battre Nixon.
A travers ses mémoires, nous croiserons donc aussi bien Martin Luther King (avec une anecdote intéressante sur son fameux discours I Have a Dream) que Bobby Kennedy, en passant par Barack Obama et Hillary Clinton, donc.
Au-delà de la primeur de découvrir des événements historiques par le biais de témoignages de première main, Ma vie sur la route offre également un point de vue passionnant sur la seconde vague de féminisme aux Etats-Unis, et la prise de conscience qu’il a engendrée, même si rien n’est jamais acquis, comme nous le rappellent les récents événements concernant la remise en cause du droit à l’avortement aux Etats-Unis, et l’accès à la présidence de Donald Trump.
Si la campagne présidentielle de 2016-2017 n’est pas couverte puisque l’édition originale du livre est parue avant, le récit que Gloria Steinem fait de cette Amérique fracturée, déchirée entre progressisme et conservatisme, permet également de mieux comprendre les événements récents qui l’ont agitée. Toute la partie sur le mouvement Pro-Choice (en faveur du droit à l’avortement) est en ce sens particulièrement éclairante, de même que le discours marquant qu’elle tint au sein de la paroisse d’un pasteur progressiste, et qui fit date.
Une ode aux voyages et aux rencontres
Et puis, il y a également la forme particulière de ces mémoires, qui s’intéresse à la route, aux voyages, et à la relation que Gloria Steinem entretient avec ces derniers. On y retrouve une véritable philosophie de vie à l’américaine, mais aussi l’idée d’une ouverture sur le monde. La militante féministe américaine est très claire sur le fait que ces trajets incessants ont été formateurs, et ont fait d’elle ce qu’elle est. En allant directement à la rencontre d’hommes et de femmes de toutes origines et de tous milieux — de la communauté afro-américaine dans les années 60 aux ouvriers agricoles philippins — Gloria Steinem a pu comprendre leurs difficultés, et aller au-delà d’un discours de façade. Son militantisme s’appuie sur des éléments concrets, mais aussi sur une véritable passion pour les rencontres et l’apprentissage qu’apporte la rencontre avec l’Autre, différent de soi et pourtant, à bien des égards, tellement proche.
Enfin, Ma vie sur la route est un très bel hommage à ses parents, Ruth et Leo Steinem, aujourd’hui décédés. De son père, elle tient sa passion de la route et un certain idéalisme, de sa mère (dépressive et dépendante de ses proches), la volonté de se battre pour vivre une vie correspondant à ses aspirations profondes. Tous deux ont vécu des vies ordinaires, comme tant d’autres citoyens à travers le monde, mais leur fille, en se faisant la porte-parole de ceux dont on peine souvent à entendre la voix, sera devenue le symbole d’un féminisme humaniste, aux antipodes des dérives radicales auxquelles on assiste parfois.
Ces mémoires d’une icône féministe sonnent ainsi comme un rappel de l’importance pour la lutte pour l’égalité hommes-femmes, mais aussi les droits des minorités, tout en mettant en lumière une figure fascinante et touchante, dont la voix continue, à 85 ans, de résonner avec force.