28 décembre 2021
Dreams Factory, tome 2 : La chrysalide des cœurs de Jérôme Hamon & Suheb Zako (éditions Soleil)
Deux ans après un tome 1 très réussi, Jérôme Hamon (Nils) et Suheb Zako concluent leur diptyque steampunk en beauté et créent la surprise avec un épilogue particulièrement sombre et sanglant. Tout en étant cohérent avec les éléments mis en place lors du 1er album, ce deuxième et dernier tome se distingue clairement de son prédécesseur par sa noirceur frontale. Le côté « conte » s’efface au profit d’une dimension ouvertement manga, autant dans le dessin que le découpage de certains combats dans la dernière partie du volume.
La citation de Victor Hugo citée par Jérôme Hamon en conclusion de cette œuvre étonnante permet d’appréhender ce contraste : « Le prodige et le monstre ont les mêmes racines ». En un sens, la 1ère partie de Dreams Factory représentait le « prodige »et les origines « merveilleuses » du récit, tandis que La chrysalide des cœurs représente le devenir monstre de certains personnages, qui était présent dès le départ, mais que nous ne pouvions pas encore voir. Un parti pris audacieux, d’autant plus convaincant que le dessin de Suheb Zako prend ici toute son ampleur, autant dans la représentation des personnages et des décors que dans les scènes d’affrontement. – Cécile Desbrun
22 décembre 2021
Comment devenir un auteur à succès (ou, à défaut, un critique acerbe) de M. La Mine
Publié au sein de la collection Pataquès des éditions Delcourt, Comment devenir un auteur à succès (ou, à défaut, un critique acerbe) est une BD humoristique hilarante qui a toutes les chances de faire mouche chez les lecteurs qui écrivent eux-mêmes ou qui s’intéressent au monde de la littérature et de l’édition.
Dès le préambule, M. La Mine promet de révéler les secrets d’un succès littéraire et égratigne évidemment d’un bout à l’autre tous les poncifs autour de l’écriture et de l’édition : mythe de l’artiste maudit, angoisse de la page blanche, sources de l’inspiration, meilleurs moyens d’être édité (réseau, viser les sujets « tendance », etc.), parisianisme du milieu, reconnaissance par « l’élite » de la critique… tout y passe !
Il est aussi questions des règles d’écriture dramaturgique, des genres littéraires et de leur « noblesse » ou encore d’œuvres rebaptisées de sorte à ne blesser aucune sensibilité. Le résultat est irrésistiblement drôle et provoque des éclats de rire à de nombreuses reprises.
Quelques gags fonctionnent peut-être un peu moins bien, mais de manière générale, les observations faites à travers l’album sont pertinentes et tournées avec beaucoup d’intelligence. Le style visuel de M. la Mine privilégie l’épure : le trait est simple mais expressif et efficace et chaque planche n’utilise pas plus de 2 à 3 couleurs. Le format carré permet par ailleurs à l’auteur de varier son découpage et de gagner en efficacité, sur le modèle du strip : la plupart des gags sont développés sur 2 lignes de 2 cases seulement. Une sympathique BD humoristique à offrir en cette fin d’année à un amoureux de littérature et/ou un écrivain en devenir – Cécile Desbrun
20 décembre 2021
Un pays dans le ciel
Publiée par les Editions Delcourt, Un pays dans le ciel est une bande-dessinée documentaire bouleversante dessinée par Charlotte Melly d’après un texte d’Aiat Fayez (déjà adapté en pièce de théâtre). Les deux auteurs se mettent en scène discutant une nuit à Vienne, de l’expérience marquante de l’écrivain et dramaturge Aiat Fayez comme témoin des entretiens entre des demandeurs d’asile en France et les officiers chargés d’étudier leurs dossier. Au cours du récit se dessine des parcours d’exilés entre vérités et mensonge, entre dit et non-dit, mais aussi le fonctionnement d’une institution où ded humains doivent décider du sort de la personne qui se dévoile à eux. Comment préserver son humanité dans un tel système ? Telle est la question.
Viols, inceste, pédophilie, meurtres, homophobie, esclavage sexuel, enfants soldats, les plus atroces aspects de l’humanité défilent sous les yeux des officiers à travers les histoires des réfugiés, où le vrai n’est pas toujours vraisemblable. Apparaît aussi l’espoir d’un monde meilleur, d’un « pays dans le ciel ». Un livre qui laisse pantois, au dessin vibrant, non sans défauts, mais qui tombe comme une pierre dans les recoins de notre esprit, là où réside quelque chose qui dit « Je suis ». – Jérémy Zucchi